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LA FRANCE CATHOLIQUE

A CONSTANTINOPLE (1)

I. LES PREMIÈRES TRANSFORMATIONS

Notre époque positive ne juge des œuvres que par les résultats. Le dévouement le plus beau n'a de prix à ses yeux que s'il est suivi du succès palpable et tangible. Nous venons de constater le dévouement, les travaux de nos missionnaires; ce serait assez pour leur honneur auprès des àmes généreuses. Mais, puisque les âmes vulgaires réclament davantage, recherchons les résultats obtenus, les premières transformations accomplies à Constantinople et dues à leur zèle; nous verrons que le succès n'a pas manqué à leur gloire.

C'est un champ nouveau, presque inexploré, où nous introduisons nos lecteurs. Le succès, que nous leur présenterons, ne sera peut-être pas celui qu'ils attendent. Les uns verront leurs espérances déçues, quelques-uns les trouveront dépassées, les autres se déclareront satisfaits; mais tous devront avouer que, même au point de vue du succès, pour le missionnaire l'honneur est sauf.

Les résultats acquis, en effet, n'ont point été jusqu'à ce jour ceux que réclame le zèle chrétien, le retour à la vraie foi; mais c'a été un pas immense fait dans la voie et l'estime de la civilisation propre aux pays catholiques. Un fossé profond séparait l'Orient de l'Occident, le fossé du dédain, du mépris. Les Grecs ne disaient-ils pas qu'ils préféraient le croissant

(1) Voir les numéros d'août et de septembre 1901.

E. F

VI. 22

à la tiare? Et, pour les Musulmans, les chrétiens étaient des giaours, des chiens. Auprès de peuples animés de pareils sentiments l'apostolat ne pouvait être fécond.

Il y a longtemps que le franciscain Roger Bacon, ce génie qui a prophétisé les siècles présents, disait que pour convertir les infidèles il fallait aller à eux armé des merveilles de la science. Par elle on ferait ce que les apôtres opéraient avec des miracles; on forcerait leur attention, leur admira tion, on gagnerait leur confiance, leur estime; et ils finiraient par ajouter foi à la parole du missionnaire. Il adjurait les princes de l'Eglise et les rois chrétiens de promouvoir partout dans ce but l'étude des sciences de la nature. L'ouvrage où il a fait entendre son éloquent plaidoyer nous a été conservé, il s'appelle l'Opus Majus. Il était adressé à Clément IV. Le vœu du Frère Mineur s'est réalisé pour l'Orient. Nos nouveaux missionnaires sont allés à leurs frères égarés avec l'ascendant de la science; ils n'ont point négligé les armes plus puissantes encore de la charité ; et ces frères égarés, ces ennemis d'hier se sont déclarés vaincus ; ils se sont mis à l'école de l'Occident, qu'ils maudissaient et méprisaient; ils ont accepté sa science et sa charité, ils ont cherché à s'en pénétrer, à se l'assimiler. C'est là un premier pas, une première victoire, une première transformation due aux missionnaires. Nous voulons l'exposer plus longuement et en suivre les progrès.

Avant l'arrivée des missionnaires français en Orient, ce pays croupissait dans l'ignorance et la misère la plus noire. Pour les enfants point d'écoles; car on ne peut donner ce nom ni aux médressés, où, avec le Coran, on se contentait d'apprendre aux jeunes Turcs le mépris et la haine du chrétien; ni aux écoles paroissiales des Grecs et des Arméniens, où l'enseignement élémentaire était aussi insuffisant que l'enseignement religieux lui-même.

La présence de nos missionnaires, la vue de leurs œuvres ne tardèrent pas à remuer profondément ces nations endormies. Le spectacle de leur science et de leur charité pro

duisit l'effet qu'avait auguré Roger Bacon il y a six siècles. Que dis-je ? il dépassa ses prévisions. Au sein de ces peuples, qui se mouraient dans leur orgueil aveugle, il fut comme un levain qu'on aurait déposé dans un milieu encore capable de recevoir l'influence de la vie, il commença une transformation. L'Orient se mit à prendre la civilisation de la jeune Europe.

Du reste ces peuples comprirent vite qu'il y allait de leur conservation et de leur existence. Nos modernes ont formulé une loi, qu'ils ont présentée comme nouvelle, c'est la loi de la sélection naturelle, ou de la persistance du type le plus fort, éliminant progressivement, dans la lutte pour la vie, les types moins bien constitués. L'instinct des peuples avait deviné cette loi longtemps avant que Darwin ne l'eût mise à la base de son histoire de la vie dans le monde; et, en face de ces Occidentaux qui venaient à eux armés de la science et de la charité, les Turcs et les Grecs comprirent qu'elle allait s'appliquer à leur détriment.

Il y avait deux moyens de conjurer le péril : se débarrasser par la violence de ces hôtes importuns, ou entreprendre de les égaler, de leur résister en s'emparant de leurs propres

armes.

Le premier procédé avait réussi autrefois, alors que les armées du Sultan lui permettaient de tout oser; il faisait pour les missionnaires ce que chez nous la franc-maçonnerie, au nom d'une politique semblable, fait à l'égard des congrégations et de l'Eglise catholique, il les opprimait sagement. Mais aujourd'hui les puissances européennes, à qui profite l'action des missionnaires, sont en mesure de ne le pas permettre. Il ne restait donc aux Turcs et aux Grecs qu'à rivaliser avec ces redoutables adversaires, ou, comme nous le disions, à prendre leur civilisation.

Saint Paul disait à l'occasion d'adversaires jaloux qui prèchaient Jésus-Christ uniquement pour enlever des âmes à sa direction: « Que m'importe, que ce soit par zèle ou par jalousie, pourvu que mon Jésus soit annoncé et connu, je dois

me féliciter et je me réjouis de toute l'ardeur de mon âme. »> Les missionnaires à Constantinople peuvent emprunter les mêmes paroles. Par esprit de rivalité ils ont vu les Orientaux Turcs, Grecs, Arméniens, se lancer dans les œuvres d'instruction et d'assistance. Le but poursuivi est uniquement de nuire à leur influence et d'empêcher les âmes de se tourner vers eux, et par conséquent de rendre inutiles leurs efforts. Que leur importait? Ils avaient apporté la semence féconde dans le but de la voir se répandre partout. Cette semence, le voisin la leur dérobait pour la faire germer et mûrir dans son champ, ne devaient-ils pas se réjouir ?

Du reste, ils ne l'ignorent pas, la science et la charité tot ou tard ramènent infailliblement à Jésus-Christ; car l'une et l'autre ou sont impossibles ou demeurent stériles en dehors de lui. Quand donc ces peuples auront constaté eux-mêmes l'inutilité de leurs efforts tentés en dehors de l'Église catholique, ils proclameront à leur tour la nécessité de revenir au bercail; l'amour de la science, de la charité, l'amour des bienfaits dont ces deux vertus sont la source triomphera de leur haine pour cette Église. Ainsi l'hérétique et l'infidèle auront travaillé de leurs propres mains à préparer leur retour et leur conversion.

Le spectacle de la charité et de la science apporté par les missionnaires devait agir diversement sur les peuples variés du Levant. La semence ne germe pas également bien dans toutes les terres. Le milieu turc s'est montré plus réfractaire; les chrétiens schismatiques ont présenté un sol mieux approprié au moins en apparence; mais seuls les catholiques orientaux ont su s'assimiler pleinement le germe de vie qu'on leur apportait. Nous le constaterons par le tableau suivant. Nous exposerons d'abord les œuvres des catholiques orientaux, puis celles des schismatiques, nous parlerons des Turcs en dernier lieu.

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Les écoles primaires sont au nombre de six trois pour les garçons à Péra, Psammatia et Ortakeuï; trois pour les filles à Péra, Psammatia et Pancaldi.

Elles sont fréquentées par 200 élèves, on y apprend le français et on y suit les programmes de France.

Les écoles secondaires sont au nombre de trois :

L'école patriarcale de Saint Grégoire l'Illuminateur;
L'école de Cadi-Keuï dirigée par les Méchitaristes de
Venise;

L'école de Pancaldi dirigée par les Méchitaristes de
Vienne.

2. ECOLES GRECQUES

Les Grecs catholiques étant très peu nombreux, il n'y a qu'une école primaire de ce rite, l'école de la Sympnia. Elle est fréquentée par 70 élèves, tous catholiques.

On y enseigne le français, le turc et l'italien. Un séminaire grec a été fondé et est dirigé par le P. Polycarpe. Il ne compte que six élèves.

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Les Géorgiens ont à Péra une école primaire de garçons, dirigée par les Pères Géorgiens et une école primaire de filles dirigée par les sœurs Géorgiennes de l'ImmaculéeConception.

4.

EUVRES D'ASSISTANCE TENUES

PAR LES CATHOLIQUES

ORIENTAUX.

Les Arméniens catholiques ont à Pancaldi leur grand établissement de charité pour orphelins, malades, vieillards, fous, etc

1000 lits.

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