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Nous ne nous arrêtons pas à l'amendement peu important proposé au Sénat par M. Riou sur le 1er paragraphe de l'article et tendant à remplacer les mots : « ceux qui auront contrevenu », par ceux-ci : « ceux qui se seront rendus coupables d'infraction ».

C'est le dernier paragraphe surtout qui a été l'objet de vives discussions.

A la Chambre, M. Alicot proposa d'ajouter aux mots « auront favorisé le mot « sciemment ». En matière pénale, en effet, c'est là un principe absolu, l'intention criminelle est indispensable pour qu'un délit existe et pour que les pénalités puissent être appliquées.

Le rapporteur déclara que ces mots étaient inutiles; que le principe dont se réclamait M. Alicot serait respecté. « Il faudra de toute nécessité que le délit ait été commis en connaissance de cause pour que le délit soit possible, il sera nécessaire qu'on fasse la preuve de l'intention coupable contre le propriétaire qui aura prêté son local à une association régulièrement dissoute et irrégulièrement reformée. » Cet amendement fut repris au Sénat par M. Grivart, et il ne fut repoussé qu'à 13 voix de majorité.

A la Chambre, M. Julien Goujon proposa d'ajouter le mot « habituellement » à ceux-ci : «en consentant l'usage d'un local dont ils disposent »; on n'a pas pu, disait-il, vouloir frapper de la mème peine ceux qui volontairement, habituellement, auront donné asile à des gens que la loi aura déclarés coupables et ceux qui leur auront prêté accidentellement un local sans participer à leur œuvre illicite. - Le texte est excessif dans sa généralité.

La victoire resta cependant à la Commission dont la thèse était que le fait, pour un propriétaire, d'offrir à l'association dissoute les moyens de se reconstituer, que ce fait soit accidentel ou habituel, est un fait coupable.

La discussion de ce point fut reprise au Sénat sur l'initiative de M. de Carné; mais, si le mot « habituellement » ne passa pas dans la loi, il résulte des explications fournies par

le rapporteur et par le président du conseil qu'il est permis à toute personne de recevoir qui bon lui semble, d'exercer l'hospitalité, et que le texte vise seulement la reconstitution d'une · association et le local fourni pour la continuation de cette association. Mais le texte un peu vague n'ouvrira-t-il pas la porte à des interprétations draconiennes ?

ART. 9. << En cas de dissolution volontaire, statutaire ou prononcée par justice, les biens de l'association seront dévolus conformément aux statuts, ou à défaut de disposition statutaire, suivant les règles déterminées en assemblée générale. >>

Cet article a été adopté sans difficulté à la Chambre et au Sénat; il remplaça d'une manière heureuse les dispositions. obscures proposées par la Commission et le gouvernement, et qui n'ont pu résister aux fines critiques de M. Ribot.

Il s'agit ici, non pas des biens irrégulièrement acquis, et du patrimoine que les associations auraient constitué en marge de la loi, le sort de ces biens sera réglé plus tard, lorsque la loi établira les moyens de prévenir les fraudes; mais il s'agit des biens régulièrement possédés par l'association.

En cas de dissolution, à qui appartiendront-ils ?

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Les statuts le détermineront, et, dans le silence des statuts, l'assemblée générale en décidera.

Ici se termine le titre 1er de la loi.

(A suivre.)

F. VENANCE.

O. M. C.

COUP D'OEIL SUR LA RENAISSANCE

(Suite.) (1)

LES POÈTES DRAMATIQUES DE LA RENAISSANCE

LA PLEIADE

La plupart des poètes satiriques, dramatiques et autres de la Renaissance, semblent groupés autour de Ronsard; ils s'en recommandent; il les a souvent célébrés. Même après sa mort, il a encore des disciples, témoin Hardy. Cette nuée de poètes, qu'ils s'appellent d'Aubigné, Régnier ou autrement, il nous faut achever de la traverser, avant de parvenir jusqu'au maître des maîtres, Ronsard, et à son ami Joachim du Bellay.

C'est en 1548 que le Parlement avait rendu son arrêt (2) contre les Confrères de la Passion. Le temps des Mystères était fini. Quatre ans après, Jodelle faisait représenter son Eugène, une infamie. La Renaissance se dévoilait, du premier coup, avec tout son libertinage; la Cléopâtre du même auteur, dans le même temps, nous faisait reculer avant Jésus-Christ, cet idéal du moyen-âge, jusqu'à l'idolatrie du premier César pour la Vénus égyptienne. C'est ce qu'on appelait Renaitre.

La Confrérie de la Passion désormais concentrée et tolérée dans l'Hôtel de Bourgogne, luttait vainement contre l'esprit nouveau, avec la Farce de nos pères ou avec des sujets pieux.

Il faut voir comme Grévin (3), un dramatique de la moderne

(1) Voir le fascicule d'août 1901.

(2) Cet arrêt interdisait la représentation des Mystères, de plus en plus dégénérés.

(3) 1558.

Ecole, se moque de ces Confrères, « les plus ignorants bateleurs du monde », qui jouaient la Passion ou la vie de sainte Catherine! Et pourtant, les acteurs de l'autre parti sont des débauchés, des « filous » (1), (dit Tallemant), dont les femmes valent moins encore. Jadis c'étaient des prètres, des nobles, d'honnêtes ouvriers qui paraissaient sur la scène ; c'est aujourd'hui Gros Guillaume et Turlupin ; c'est Gaultie Garguille, c'est de l'Epine, du Chemin, de la Route (2), de la Potence, suivant le lieu où ils sont nés et celui où ils pourront mourir ! Ils rivalisent avec Mondor, le roi des farceurs, sur la place Dauphine, avec le riche Tabarin, avec les saltimbanques des foires Saint-Germain et Saint-Laurent. Pour avoir des spectateurs, ils ne demandent que cinq sous au parterre, dix sous aux loges. Il est vrai que leur orchestre est des plus simples: une flûte et un tambour; l'éclairage est tout à fait primitif, quelques chandelles attachées aux tapisseries, dans des plaques de fer blanc. Un autre trait ne sera pas le moins caractéristique: les grands encombrent la scène et tournent le dos au reste des spectateurs qui voient ce qu'ils peuvent de la tragédie ou de la comédie. Et sur cette même scène, une prison, c'est le plus souvent une petite boîte étroite et ronde qui ne permet d'apercevoir que la tête de l'acteur ou du prisonnier appuyée contre une petite grille (3).

C'est vers 1600 qu'une troupe de comédiens fait décidément reculer les Confrères de la Passion, et leur loue même l'hôtel de Bourgogne. Elle a, à ses gages, un poète, un bo

(1) Alexandre Hardy et le théâtre français à la fin du seizième et au commencement du dix-septième siècle, par Eug. Rigal, ch. 2.

(2) Nouvelles et plaisantes imaginations, par Bruscambille.

(3) Voici, d'après un manuscrit, le décor d'une tragi-comédie intitulée: Aga* rite: « Une forteresse; autour de la dite forteresse, une mer haute de deux pieds huit pouces, et, à côté, un cimetière. Une fenêtre d'où l'on voit la boutique du peintre, un jardin ou bois où il y ait des pommes. » Le décor est multiple ou simultané. Quant aux acteurs, ils viennent, d'habitude, s'entretenir sur le seuil de leur maison ou de leur palais qui n'ont que la surface d'une peinture sans profondeur.

hème dont nous parlerons bientôt. En 1629 seulement, s'ouvrira l'hôtel dit du Marais. Au besoin, les Jeux de Paume voient s'élever des tréteaux, et, sur ces tréteaux, monter les personnages qui ont la prétention d'amuser le public. Parfois ils ont à leur disposition les collèges, voire même les palais des grands seigneurs ou des rois.

Après les acteurs, les auteurs. Lazare de Baïf, qui inventa les mots d'épigramme et d'élégie, un protecteur de Ronsard, traduit en vers français l'Electre d'Euripide (1537), et, vers pour vers, l'Hécube de Sophocle. Quel travail ! Il faut encore plus de patience pour lire cette pièce, qu'il ne fallut d'érudition pour l'écrire.

Mais le grand jour, c'est celui où le Plutus français de Ronsard est joué au collège Coqueret, sous les yeux de Daurat et de beaucoup d'autres savants. Pour cette raison, 1549 est une date mémorable. Le soir de cette belle journée, Jodelle, Baïf et plusieurs autres amateurs furieux de l'antiquité célébrèrent, à la façon des Grecs, à Arcueil, une fête en l'honneur de Bacchus, et offrirent au poète un bouc orné de fleurs et de lierre; ils chantèrent un Dithyrambe, en chœur. On les entendit crier :

<«< Evoe! iach! a, ha!» et le reste. J'imagine que, dans le voisinage, on crut voir et entendre des fous ou des démons (1).

Aucun trait ne peint, d'une façon plus originale et plus vive, le culte du grec chez nos ancêtres dévoyés, la frénésie païenne qui s'était allumée dans leur sein, en même temps que la Réforme développait en eux l'orgueil, par l'excès de l'indépendance et la libre interprétation des Saintes Ecritures. Mais nous sommes dans la Pléiade, (le mot est tiré du grec);

(1) Ils n'allèrent pas, comme on l'a prétendu, jusqu'à immoler un boud, à la façon des Grecs, car nous dit Ronsard :

«<< Deux ou trois ensemble, en riant, ont poussé,

Le père du troupeau au long poil hérissé.

Il venait à grands pas ayant la barbe peinte.

D'un chapelet de fleurs la tête il avait ceinte.....

Puis il fut rejeté pour chose méprisée. »

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