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Apollon célébrait ses disciples, et les poètes de ce tempslà se prenaient au sérieux. Il est vrai que Grévin avait composé une tragédie de La Mort de César, où sonnent bien plusieurs vers énergiques de Marc-Antoine devant le cadavre sanglant du dictateur. C'est à mettre à côté des beaux vers de Didon.

Le poète, du reste, ne répondit à la générosité du chef de la Pléiade que par l'ingratitude. Il écrivit contre lui : Le Temple de Ronsard. C'était le médecin de la duchesse de Savoie; et l'histoire ne dit pas si le médecin valait mieux que le poète. Il mourut quelques années avant Remy Belleau, en 1570.

Celui-ci, qui était de Nogent-le-Rotrou, a fait des odes sur le modèle d'Anacréon, et encore des odes, d'après l'Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques. On vivait alors, on rimait en païen, la Grèce en était cause; si l'on se sentait malade, on changeait de clef, on versifiait son repentir en vers sacrés, Tel fut Régnier avec Desportes et Bertaut; tel fut Remy Belleau, sauf le talent de Régnier.

Il en a pourtant fait montre dans Avril, une belle pièce de ses Bergeries. En voici quelques strophes :

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Retires ces passagères,

Ces arondelles qui vont
Et qui sont

Du printemps messagères.

L'aubépine et l'églantin,
Et le thym,

L'œillet, le lis et les roses,

En ceste belle saison,

A foison,

Montrent leurs robes écloses...

Mai vantera ses fraîcheurs,
Ses fruits meurs,

Et sa féconde rosée,

La manne, le sucre doux,
Le miel roux

Dont sa grâce est arrosée.

Mai moi, je donne ma voix

A ce mois

Qui prend le surnom de celle,
Qui de l'escumense mer
Vit germer

Sa naissance maternelle. »

Ces poètes de la Renaissance n'ont que l'amour dans la tête et sous la plume. Au moins pouvaient-ils alors chanter la douceur du mois d'Avril, tandis que Mai, depuis lors, Mai lui-même, tient glacés les champs et le cœur des poètes !

Mais nous oublions l'art dramatique. Belleau devait le sacrifice d'un bouc à l'antiquité; il fit une comédie La Reconnue, dont il a écrit lui-même l'argument en prose. Ce n'est pas clair, ni vraisemblable, ni très gai. En somme, une jeune fille, devenue la prisonnière d'un capitaine, au sac de Poitiers, est mise, par lui, « en dépôt » à Paris, chez son cousin, l'avocat. L'avocat en est épris. Arrive, juste à point, dans le cabinet de l'homme de loi, le père de la jeune fille; il la reconnait et la donne en mariage à un autre avocat, mais jeune ; le vieux

se morfond. C'est tout, et c'est gaulois. Il est assez piquant d'entendre le jeune avocat souhaiter la richesse pour plaire à celle qu'il veut épouser. Il voudrait

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C'est tout ce qu'on peut lire. Le reste est vulgaire, grossier, indécent.

Adieu, gentil Remy Belleau !

Un mot de Jean et de Jacques de la Taille. Nous connaissons déjà le premier, l'auteur du Coutisan retiré.

Les deux frères le sont par le sang et par la poésie.

Jean a encore fait Saül furieux, où le roi abandonné du ciel fait évoquer l'ombre de Samuel par la Pythonisse d'Endor. C'est assez tragique. Mais pourquoi David est-il odieux ? Il suffisait de rendre Jonathas intéressant. Le jeune poète pouvait sans doute peindre la jeunesse et la faire aimer dans un héros dont on plaint la vie, la mort, et dont on admire la

(1) Bibl. Elz., acte 2.

piété filiale. Mais David l'a pleuré en une poésie immortelle ; David méritait mieux... Jean a encore composé, en partie dans ce vers ingrat de dix pieds, la Famine, ou les Gabaonites, assez faible de style, mais pathétique. David y est encore sacrifié. Décidément J. de la Taille ne pouvait supporter David (1).

Jean survécut de longs jours, jusqu'en 1610, à Jacques, mort de la peste, au printemps de sa vingtième année. Celuici avait écrit, malgré sa jeunesse, un Darius (Daire), et un Alexandre, sans rimes alternées, ni raison, il voulait « métrifier »> nos vers, à la mode antique, et composa un «< livret en prose », intitulé : De la manière de faire les vers en français, comme en grec et en latin. Les deux frères sont des classiques ou des antiques, à outrance; et Jean avait, d'après Aristote, comme Joseph Scaliger, comme Vauquelin de la Fresnaye, appliqué, à sa manière, les règles du théâtre. Jacques semble les avoir dépassés jusqu'à l'extravagance. C'était un utopiste, et de la Pléïade, au fond, bien qu'il affectât l'indépendance. Le mauvais goût de Ronsard avait déteint sur le gentilhomme.

A cette époque, c'est tantòt le cœur, tantòt la raison qui est altérée, souvent les deux.

(A suivre.)

CHARAUX,

Doyen de la Faculté Catholique
des Lettres de Lille.

T. 0.

(1) Les fils de Saül dans Saül furieux adressent à Dieu cette prière :

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Dieu, destourne un tel blame éternel,

Que dépouillez du trône paternel,

Les nobles fils d'un roi si magnifique

Traînent ainsi leur vie mécanique. »

Sous le joug du traître. Davil

LA RÈGLE DU TIERS-ORDRE

DU P. GABRIEL-MARIA

[1517]

INTRODUCTION

L'attention qui se porte actuellement à l'histoire de la bienheureuse Marguerite de Lorraine, duchesse d'Alençon, dont Mgr Bardel, évêque de Sées, espère faire reconnaître le culte immémorial, et dont M. l'abbé J.-B.N. Blin écrit en ce moment la vie, donne un intérêt et un prix tout particulier au document que nous publions aujourd'hui.

Il s'agit de la règle du tiers-ordre, donnée par le P. GabrielMaria à la bienheureuse duchesse et aux franciscaines de Château-Gontier.

I

Marguerite de Lorraine était née en 1463 au château de Vaudemont, à quelques lieues de Nancy. Son père était ce Ferri de Vaudemont qui se battit, à propos du duché de Lorraine, contre le bon roi René dont il avait épousé l'une des filles, Yolande d'Anjou, morte en 1473. Marguerite, laissée orpheline à la fleur de l'âge, fut élevée chez son aïeul, à la joyeuse cour d'Aix-en-Provence; et le grand-père se chargea lui-même jusqu'à sa mort (1480) de l'éducation de sa petite-fille. Elle fut mariée, en 1488, au duc d'Alençon,

E. F. VI. — 26

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