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pensée neuve est peut-être ingénieuse, mais elle n'est pas solide. Car en vertu de quelle règle de la critique prétend-on nous imposer deux évêques d'Arles du nom de Trophime? Il ne suffit pas d'une possibilité pour constituer un fait il faut des preuves, et le docte apologiste de Grégoire de Tours nous apporte seulement l'allégation de l'existence, au III° siècle, de plusieurs évêques du nom de Trophime. Il faudrait que les documents relatifs à l'Eglise d'Arles permissent de conclure à l'existence de deux évêques de ce nom ou du moins, que l'Eglise d'Arles reconnût cette duplication qu'on veut lui imposer. Mais rien de cela n'a lieu au contraire, cette église n'a eu garde d'inscrire dans ses diptyques sacrés le nom de ce second Trophime.

En outre, l'évêque Trophime que saint Grégoire de Tours fait venir dans les Gaules vers le milieu du IIIe siècle, est sans doute celui qui a laissé dans l'Eglise d'Arles une mémoire vénérée, comme Gatien à Tours, Denys à Paris, Saturnin à Toulouse, Martial à Limoges. Or, c'est en vain qu'on cherche dans l'histoire un évêque d'Arles, du nom de Trophime, autre que le disciple de saint Paul, qui soit honoré d'un culte public

Ajoutons aussi que, d'après le témoignage des dix-neuf évêques cité plus haut, le bienheureux Trophime, envoyé par saint Pierre, fonda, par lui ou par ses disciples, les Eglises des deux Narbonnaises et de la province de Vienne, puisque c'est sur sa mission apostolique qu'ils établissent le droit métropolitain de l'Eglise d'Arles. C'est-à-dire que non seulement l'Eglise d'Arles, mais encore celles de Viviers, Valence, Dijon, Besançon étaient déjà constituées avant la fin du IIe siècle.

Nous sommes donc autorisés à écouter l'historien Eusèbe nous racontant les fruits admirables recueillis par une phalange de fervents disciples des Apôtres à la fin du premier siècle ou au commencement du deuxième, dans notre patrie. Tout ce qu'il affirme, en effet, est en parfaite harmonie avec ce que nous apprennent les échos affaiblis de nos traditions

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ecclésiastiques. Quant à l'impossibilité où nous sommes d'énumérer par leurs noms les sièges épiscopaux établis du premier au deuxième siècle, elle ne saurait être considérée comme infirmant notre démonstration. Ainsi que nous le dirons dans un prochain article, personne n'a songé à dé nier aux Eglises de l'Italie et de l'Orient leurs origines apostoliques, quoique beaucoup parmi elles ne puissent apporter de documents historiques racontant leur fondation, ou transmettant nominativement le souvenir de leurs évêque pendant les trois premiers siècles.

(A suivre.)

Fr. GEORGES de Villefranche,
Fr.m. cap.

LE LUXE ET LA CONSCIENCE

(Suite.) (1)

Merlin, le fameux enchanteur, vaticine un temps où « les <«< femmes affecteront l'allure des serpents, où toute leur dé<< marche sera débordante d'orgueil. Alors, continue le devin, « le monde redeviendra le quartier de Vénus : les flèches de « Cupidon ne cesseront d'y pleuvoir de toutes parts. »

Il n'est pas nécessaire de courir pour trouver des femmes à allure de serpent. Sur les promenades publiques, aux balcons et dans les loges des théâtres, aux concerts et dans les soirées, à peu près dans toutes les réunions mondaines, vous la verrez la femme serpent. Et plùt à Dieu qu'elle ne fùt que là. On la rencontre partout aujourd'hui ; parfois même elle se glisse dans nos églises. C'est elle qui, venant de recevoir la sainte communion, retourne à sa place préoccupée avant tout de l'effet qu'elle produit sur l'assistance scandalisée, et plus soucieuse de faire des conquêtes pour le diable que d'adorer Celui qui vient de descendre en elle...

Suivez-la du regard: voyez ces manières mignardes, cette démarche précieuse, cet air hautain ou langoureux, ce torse tordu et contourné, aux formes exagérées et provoquantes ; cet ensemble reproduit la marche rampante du tentateur; affrontez, si vous le pouvez sans danger, ce coup d'œil qui n'ignore aucun des secrets de fasciner des milliers d'âmes destinées à devenir sa proie et sa victime !...

Le monde, il est vrai, est aussi large qu'inconstant, il sait

(1) Voir le fascicule de mars 1901.

se plier lui-même et forcer ceux qui lui sont dociles à beaucoup d'extravagances, mais il est entraitable sur la mode; le seul mot de « la mode » a plus de magie que tous les enchantements; une question de mode est une affaire d'état. Plus d'une précieuse ne se croirait aucunement ridicule en se déclarant soumise à la sentence prononcée par l'une d'elles « Une femme comme il faut doit suivre la mode, ou bien quitter son pays. »

La liberté, cette conquète si chèrement acquise, impose aux hommes le respect humain en place de conscience, et elle assujettit à la mode les femmes...... et les hommes aussi. Pour la mode, on s'épuise; l'on se ruine; pour la mode, on va chercher bien loin les moyens de se rendre ridicule; pour la mode, on s'abîme corps et âme, on se tue et on se damne. Le canon est la dernière raison des rois, disait-on anciennement; la mode est la souveraine raison pour une femme qui se pique de bon ton.

Mais, si le pouvoir magique de la mode excuse tout aux yeux du monde ! excuse-t-il tout aux yeux de Dieu ? Le prophète Sophonie va vous livrer la pensée divine.

« Au jour de la victime du Seigneur, dit-il, je visiterai dans «ma colère les princes, les enfants du roi, et tous ceux qui « s'habillent de vêtements étrangers.

D'après saint Bonaventure, les vètements étrangers dont parle ici le prophète marquent les habillements qui ne conviennent pas à la condition de celui qui les porte. Mais, si cette faute mérite, aux yeux de Dieu, un châtiment, quel sera le sort de ceux qui, méconnaissant les principes les plus élémentaires de la mortification chrétienne, oublient que leur habillement doit marquer Jésus-Christ, l'homme nouveau ? Quelle sera la part de ces personnes qui, foulant aux pieds leur glorieux titre d'enfants de Dieu, s'évertuent à copier en elles les formes et l'allure des bêtes sans raison, et finissent par leur ressembler au dedans comme à l'extérieur ?

Non, certes; Dieu n'est pas conciliant en matière de luxe.

On peut s'en convaincre par le jugement que Lui-même, dans Isaïe, promet aux femmes de Juda.

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<< Parce que les filles de Sion se sont élevées, qu'elles ont « marché le cou tendu, en faisant des signes des yeux et en s'applaudissant, et qu'elles ont mesuré leurs pas et étudié « leur démarche, le Seigneur rendra chauve la tête des filles « de Sion et il découvrira leur nudité. En ce jour, le Sei«gneur ôtera l'ornement de leurs chaussures, et les crois"sants, et les colliers, et les filets de perles, et les brace<«<lets, et les mitres, les rubans de cheveux, et les chaînettes « des pieds, et les chaines d'or, et les boîtes de senteur, et les pendants d'oreilles, et les anneaux, et les pierre<«<ries qui leur pendent sur le front, et les vêtements précieux, et les écharpes, et les voiles, et les riches épingles, et les miroirs, et les chemises de prix, et les bandeaux, et les voiles légers. Et au lieu de parfums il y « aura la pesanteur; au lieu de ceinture, une corde << lieu de cheveux frisés, une tête chauve; au lieu de riches <«< corps de jupes, un cilice. Tes hommes les plus beaux <<< tomberont sous le glaive, et tes héros dans le combat. « Les portes de Sion seront dans le deuil et dans les larmes, « et elle s'assiéra à terre, désolée. »

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Ce jugement est tout entier dirigé contre l'orgueil et contre le luxe des femmes. Dieu ne leur reproche pas autre chose; c'est le seul luxe qu'il promet de punir d'une manière aussi terrible.

Que le monde se récrie, mais, dit Tertullien, Dieu nous jugera, non d'après la mode, mais selon l'Evangile.

On serait d'ailleurs mal reçu, à prétendre que la vanité ne puisse constituer une faute considérable. Voici l'explication donnée par le docteur séraphique au passage cité plus haut. « Remarquez, déclare-t-il, que le « prophète dénonce << la vanité des femmes, les péchés graves qu'elles commettent «< contre Dieu dans ces vanités, et les châtiments qu'à raison << de cela Dieu déchaîne contre elles. Ces péchés des femmes «< consistent la plupart du temps dans les signes des yeux,

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