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LA LOI SUR LES ASSOCIATIONS

D'APRÈS LES TRAVAUX PRÉPARATOIRES

(Suite.) (1)

3o ARTICLE

Le Titre II de la loi est consacré d'une part aux associations reconnues d'utilité publique, et d'autre part aux associations internationales.

§ 1er.

ASSOCIATIONS RECONNUES D'UTILITÉ PUBLIQUE.

La capacité reconnue aux associations d'après la loi nouvelle est variable, et plus elle s'étend, plus étroites sont les garanties exigées par le législateur.

Les associations de personnes peuvent se former librement, sans autorisation ni déclaration préalables, mais elles n'ont aucune capacité juridique.

Ce sont les associations simples (art. 2).

Les associations qui se seront astreintes aux formalités de publicité déterminées par l'art. 5 jouiront d'une capacité juridique limitée dans les termes de l'art. 6.

Ce sont les associations déclarées.

Enfin et c'est à ce point que nous en sommes arrivés les associations qui veulent jouir d'une capacité juridique plus complète, (nous ne disons pas de la pleine capacité, car, si large qu'elle soit, elle subit cependant de très notables atténuations) doivent obtenir la reconnaissance d'utilité publique.

Ce sont les associations reconnues.

(1) Voir le fascicule d'octobre 1901.

La reconnaissance d'utilité publique est l'acte par lequel le pouvoir octroie à certaines associations la personnalité civile ; ces associations deviennent alors ce que l'on appelle en droit administratif des établissements d'utilité publique (1). D'après une statistique qui s'arrête au 31 décembre 1893, le nombre des établissements d'utilité publique est de 793. Dans les vingt dernières années la progression des reconnaissances d'utilité publique est sensiblement croissante. On trouve dans la catégorie des établissements d'utilité publique.

1o) Des institutions charitables (telles que les sociétés de

(1) Malgré la ressemblance des termes il faut se garder de les confondre avec les établissements publics qui, à la différence des premiers, compten parmi les organes de l'administration, sont des membres de l'Etat et gèrent des services publics spéciaux. Ils sont dotés de la personnalité civile au moyen de laquelle ils se forment un patrimoine propre, distinct du patrimoine de l'Etat, des départements et des communes.

On distingue 1o).

· Les établissements publics d'Etat qui remplissent des services d'Etat et dont les principaux sont :

a). Les établissements relatifs au culte fabriques, menses épiscopales, curiales, séminaires et chapitres.

b). Les établissements d'instruction publique : l'Institut et les diffé. rentes Académies qui le composent, le Collège de France, les Facultés d'enseignement supérieur, les Universités, les lycées et collèges d'enseignement secondaire.

c). Les établissements relatifs à l'agriculture, au commerce et à l'industrie (chambres consultatives d'agriculture, chambres de commerce). Signalons le Conservatoire national des Arts et Métiers investi de la personnalité civile par l'art. 32 de la loi de finances du 13 avril 1900.

d). Les établissements chargés d'un service de banque ou de gérance : (Caisse des dépôts et consignations et les caisses administrées par elle ou qui doivent déposer leurs fonds chez elle, etc...)

e). — L'Ordre de la Légion d'honneur.

2o). Les établissements publics départementaux d'aliénés et les dépôts de mendicité.

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comme les asiles

3o). Les établissements publics communaux comme les hôpitaux et les hospices, les bureaux de bienfaisance et d'assistance médicale gratuite, la. caisse des écoles primaires (l'école primaire en elle-mème n'est pas un établis sement public à la différence des lycées et collèges d'enseignement secondaire).

V. Hauriou, Précis de Droit administratif, p. 526 sq.

charité maternelle, les œuvres de prêt gratuit, des orphelinats..... l'office central des œuvres de bienfaisance.)

2o Des associations amicales, associations d'anciens élèves.....

3o) Des sociétés savantes.

4o) Des ligues, comme la ligue de l'enseignement.

5o) Des établissements d'enseignement, comme les Facultés libres, etc.....

La loi nouvelle fait purement et simplement l'application de la législation préexistante aux associations qui ne voudraient pas se contenter de la personnalité civile restreinte. Elles devront obtenir la reconnaissance d'utilité publique :

ARTICLE 10. « Les associations peuvent être reconnues d'utilité publique par décrets rendus en la forme des règlements d'administration publique.» Par décret, c'est-à-dire par un acte du chef de l'Etat, et il s'agit ici non pas d'un décret pur et simple, mais d'un décret rendu en la forme des règlements d'administration publique .

On appelle règlements d'administration publique les décisions administratives d'une portée générale rendues en vertu d'une loi qui prévoit elle-même qu'elle aura besoin d'ètre ainsi complétée; ils sont obligatoirement délibérés en assemblée générale du Conseil d'Etat, c'est ainsi que l'article 20 de notre loi laisse à un règlement d'administration publique le soin de déterminer les mesures propres à assurer l'exécution de la loi.

Les règlements en forme de règlements d'administration publique sont ceux qui sont délibérés par l'assemblée générale du Conseil d'Etat mais qui ne sont pas le complément prévu par la loi elle-même (1).

Le décret concédant la reconnaissance d'utilité publique devra donc émaner du président de la République, mais après l'intervention nécessaire du Conseil d'Etat.

(1) Hauriou, Précis de Droit administratif, p. 19.

Et maintenant quelle sera la capacité de ces associations ainsi couvertes par l'acte gouvernemental.

Le projet du gouvernement (art. 10) et de la commission (art. 9.) la résumaient d'un mot en déclarant que les associations de cette nature jouiraient de la personnalité civile. Et ils la définissaient en ces termes.

« La personnalité civile est la fiction légale en vertu de laquelle une association est considérée comme constituant une personne morale distincte de la personne de ses membres qui leur survit et en qui réside la propriété des biens de l'association. »

M. l'abbé Lemire (1) demanda et obtint la suppression de cette définition. « Cette suppression, dit-il, demandée en théorie par quelques-uns, se justifie en fait pour tout le monde, depuis que la chambre a décidé qu'il y aurait une personnalité fragmentaire restreinte, accordée aux associations déclarées. Cette définition me parait donc venir trop tard. En tout cas elle est incomplète, car elle ne s'applique qu'à une catégorie d'associations, à celles qui sont reconnues d'utilité publique.

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Mais le fait pour une association d'avoir obtenu la recon naissance d'utilité publique suffit-il pour lui donner une personnalité civile libre et complète ? Non, et l'article 11 détermine dans quelles limites devra se mouvoir la capacité de l'association reconnue.

ARTICLE 11 § 1. « Ces associations peuvent faire tous les actes de la vie civile qui ne sont pas interdits par leurs statuts, mais elles ne peuvent posséder ou acquérir d'autres immeubles que ceux nécessaires au but qu'elles se proposent, toutes les valeurs mobilières d'une association doivent être placées en titres nominatifs. »>

En principe, les établissements d'utilité publique ne sont soumis à aucune incapacité, si ce n'est à celle de recevoir des

(1) Chambre des députés, Séance du 26 février 1901.

donations et des legs comme nous le verrons plus loin. Par conséquent, ils peuvent sans autorisation administrer leurs biens, acquérir à titre onéreux même des immeubles, aliéner, hypothéquer, ester en justice, en un mot exercer librement les droits privés (1).

En matière d'associations, notre article 11 § 1 apporte donc à cette capacité une double restriction :

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1o). L'association même reconnue ne peut posséder ou acquérir d'autres immeubles que ceux nécessaires au but qu'elle se propose. - A ce point de vue elles sont sur la même ligne que les associations déclarées (2). On a voulu ainsi conjurer le péril de la main-morte immobilière.

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2o. Les valeurs mobilières de l'association doivent être placées en titres nominatifs. C'est là une garantie contre l'accumulation occulte de la richesse mobilière. Cette disposition s'applique aussi bien aux associations déclarées qu'aux associations reconnues, car les termes de la loi sont généraux et, du reste, il serait inadmissible que celles-là créées librement et sans contrôle soient traitées avec plus de faveur que celles-ci, soumises à l'autorisation gouvernementale. La question n'est point dépourvue d'intérêt pratique en ce qui concerne les associations déclarées, puisqu'elles ne peuvent posséder et administrer d'une part les subventions qu'elles peuvent recevoir de l'Etat, des départements et des communes, d'autre part les cotisations de leurs membres et les sommes versées une fois pour toutes au moyen desquelles les cotisations ont été rédimées.

ARTICLE 11 § 2. - « Elles peuvent recevoir des dons et legs dans les conditions prévues par l'article 910 du code civil et l'article 5 de la loi du 4 février 1901. Les immeubles

(1) Hauriou !... Op. cit., p. 130.

(2) Est-il possible de faire une différence entre les expressions « immeubles nécessaires >> et les expressions « immeubles strictement nécessaires » qui s'appliquent les unes aux associations reconnues, les autres aux associations déclarées? Nous ne le croyons pas.

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