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Arrière, ô désespoir, qui m'avez transporté;

Que toute défiance hors de moi se retire;

L'œil bénin du Seigneur pour moi commence à luire.

Mes soupirs, à la fin, ont ému sa bonté. »

Le neveu, Régnier, n'aurait pas dit mieux.

Les poésies profanes de Desportes font songer, par leur élégante immoralité, à André Chénier; on y rencontre pourtant, ici et là des vers honnêtes et agréables, ceux-ci, entre

autres:

Le plus souvent tout seul je me retire (1)
Au milieu d'un taillis, où je me mets à lire ;
Mais je n'ai commencé, qu'un sommeil gracieux
M'a clos, sans y penser, la paupière et les yeux.

O champs plaisants et doux ! ô vie heureuse et sainte,
Où francs de tout soucy, nous n'avons point de crainte
D'être accablés en bas, quand plus ambitieux

Et d'honneurs et de biens nous voisinons les cieux ! »

A vingt-neuf ans, l'abbé Desportes chantait encore les délices du sommeil « au frais d'une source d'eau vive ». C'était le poète favori de Henri III, qui lui donna dix mille écus d'argent comptant « pour faire

α

Que ses premiers labeurs honorassent le jour,

Sous la bannière claire,

Et dessous les blasons de Vénus et d'amour. »

Pauvre Renaissance!

A. CHARAUX,

Doyen de la Faculté Catholique des Lettres à Lille.

T. O.

(1) Bergeries.

SAINT DENYS L'AREOPAGITE

A PROPOS DE QUELQUES PUBLICATIONS RÉCENTES

La librairie Lecoffre a inauguré, en 1897, la publication d'une série de volumes consacrés à l'enseignement de l'histoire ecclésiastique. La Littérature Grecque de M" Battifol. La Littérature Syriaque de M. Duval, les deux seuls ouvrages parus que nous connaissions, ont reçu dans le monde savant l'accueil le plus sympathique. Aussi La Littérature Latine de M. Lejay est-elle impatiemment attendue.

L'Allemagne, de son côté, a entrepris une publication analogue, sous le titre de Recherches sur la littérature chrétienne et sur l'histoire des Dogmes (1). C'est au D2 Ehrhard, professeur d'histoire ecclésiastique à l'Université de Vienne (Autriche), et à Mer Kirsch, professeur de patrologie et d'archéologie chrétienne à l'Université de Fribourg en Suisse, que nous devons l'initiative et l'apparition de cette œuvre d'érudition du plus haut intérêt, consacrée à l'étude du développement de nos dogmes depuis les premières années de l'Eglise jusques à nos jours. Le dessein des éditeurs allemands est de procéder par monographies précises, en s'arrètant à un point de doctrine nettement déterminé, suivant les règles de la critique la plus exacte.

Beaucoup de professeurs et de savants ont promis leur collaboration à cette œuvre qui doit favoriser les progrès et lerajeunissement des sciences sacrées et puissamment aider

(1) Forschungen zur christlichen litteratur und dogmengeschichte.

à l'intelligence et à la défense des vérités de la foi catholique. Le premier volume de Mr Kirsch, a pour titre : Leçons sur la communion des saints au moyen age chrétien (1). L'auteur expose l'enseignement de l'antiquité chrétienne sur le dogme de la communion des saints. Et il conclut en disant que cette doctrine de la communion des saints, dans son origine et dans ses principes, est totalement indépendante des enseignements et des usages du paganisme. La méthode de ce livre est rigoureusement historique. L'ouvrage accuse une érudition vraie, une critique judicieuse, une clarté d'érudition parfaite. Joignez à cela l'emploi le plus heureux des résultats récents de l'archéologie chrétienne dans l'interprétation et la preuve de nos croyances.

Le deuxième volume de la série dont nous voulons nous occuper plus spécialement est intitulé: Le faux Denys Aréopagite dans ses rapports avec le néoplatonisme et l'existence des mystères (2).

L'auteur en est le Dr Hugo Koch, répétiteur à Tubingue. Ailleurs (3) le même auteur s'était déjà occupé de la même question de Denys l'Aréopagite. Et sa conclusion, comme celle du P. Stiglmayr (4) tendait à prouver que l'auteur des ouvrages aréopagitiques écrivit sous l'influence du néoplatonicien Proclus.

Dans son nouveau livre, M. Koch accepte (p. 258) pour le temps de la composition de ces ouvrages la fin du cinquième siècle, ou le commencement du sixième, parce que, dit-il, il est absolument invraisemblable que l'auteur ait publié ces écrits durant la vie de Proclus, mort en 485. Et, avec le P. Stiglmayr, il admet que la Syrie est la patrie de l'auteur,

(1) Die Lehere von der Gemeinschaft der heiligen in chrislichen Alterthum. (2) Pseudo Dionysius areopagita in Deinem Bezihungen zum Neupla to nismus cend mysterienweser,

(3) Tuebinger Theol. Quartalschrift 1895. p. 352 Philologus. 1895 p. 438 Roemische Quartalschrift, 1898 p. 363.

(4) Historiches Jahrbuch. 1895 p. 253 et 721. — Feldhircher, Programme 1895.

quoique les écrits nous soient déjà venus de Syrie comme œuvres de saint Denys l'Aréopagite (1).

Le grand mérite du P. Stiglmayr et du Dr Koch est d'avoir reconnu que saint Denys l'Aréopagite est bel et bien regardé par tous comme l'auteur des écrits dits aréopagitiques, au moins depuis le commencement du sixième siècle.

L'évêque de Césarée en Cappadoce, André, vers l'an 500 (2), apporte souvent des citations de l'Aréopagite, et le présente comme l'auteur authentique de ces écrits. Procope de Gaza (465-528) écrit un ouvrage pour réfuter le néoplatonicien Proclus, et affirme expressément que Proclus a fait des emprunts à saint Denys. Sévère, patriarche d'Antioche (512-518), s'en rapporte plusieurs fois et nommément à l'Areopagite. Il l'appelle Tavcopos le plus sage; il le cite comme une très grande autorité. Zacharie de Mitylène (vers 536) désigne formellement saint Denys comme l'un des disciples des apôtres. Le moine Job, contemporain et adversaire de Sévère d'Antioche, Ephrem d'Antioche (527-545) Jean de Scythopolis en Palestine (vers 530) et son contemporain, Georges de Scythopolis, Sergius de Resaina en Mésopotamie († 536), attestent énergiquement cette authenticité. Jean de Scythopolis écrit un commentaire des livres de l'Areopagite: Georges parle d'une lettre de Denys d'Alexandrie (248-265) à Sixte II, dans laquelle il revendique cette authenticité. Léon de Byzance (485-543) fait écho à ces assertions; et son jugement est d'autant plus important que cet auteur ancien passe même, chez les modernes critiques, pour un éminent connaisseur des écrits des SS. Pères. Il prit part, du reste, à la réunion de Constantinople en 533. Et les orthodoxes, comme les hétérodoxes de cette réunion, acceptèrent les ouvrages aréopagitiques comme les œuvres authentiques de saint Denys.

Il faut le remarquer, Hypathios d'Ephèse, le chef des or

(1) Stiglmayr. Programm. p. 56, 69, 88, etc.

(3) Selon Gams, Series Episcoporum, p. 440, son successeur était sur le siège de Césarée dès l'an 500.

thodoxes, ne rejeta pas alors ces écrits, mais seulement les témoignages allégués par les hétérodoxes en faveur de ces écrits. Il désigna également d'une façon très nette les Apollinaristes du quatrième siècle comme des faussaires de ces ouvrages. Tous les membres de cette même réunion reconnurent enfin que saint Cyrille d'Alexandrie († 444) avait eu connaissance des pages laissées par l'Aréopagite.

Beaucoup d'écrivains d'alors s'en rapportèrent expressément aux ouvrages de Denys comme aux œuvres de l'Aréopagite et du disciple de saint Paul. Citons, entre autres, le diacre Themistios Kolluthos, et Jean Philoponos à Alexandrie vers 540; Isaac de Ninive, vers 550; Libérat de Carthage, Jean Malalas d'Antioche vers 560; Joseph Huzaja, maître d'école à Nisibe vers 580; saint Grégoire le Grand († 604) qui nomme l'Aréopagite antiquus et venerabilis Pater ; Serge, patriarche de Constantinople (610-639), et son successeur Phyrrhus; Cyr, patriarche d'Alexandrie (630-643); Modeste, patriarche de Jérusalem (631-634), et son successeur Sophrone (?-638); saint Maxime le Confesseur (580-662), etc. (1).

Le même saint Maxime est l'auteur de commentaires des ouvrages de l'Aréopagite; et il en appelle expressément aux travaux de saint Denys d'Alexandrie (vers 250) sur les mêmes ouvrages.

Au concile de Latran de 649, l'Aréopagite est regardé par tous et officiellement comme l'auteur authentique des écrits à lui attribués. Dans sa lettre dogmatique à l'empereur de Byzance, Constantin Pogonat, le pape Agathon en appelle au témoignage de notre saint Denys comme à celui d'un Père apostolique ; et le sixième Concile œcuménique de Constantinople (680) n'agit pas différemment. De même, le septième Concile, à Nicée, en 787, cita l'Aréopagite comme une très grande autorité des temps apostoliques, au sujet de la question de la vénération des images. Quand saint Jean Damascène apporte des citations des ouvrages de l'Aréopagite, il

(1) Cf. Stiglmayr. Programme p. 64 et suiv.

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