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de raison supérieure. Le sophisme consiste à les employer comme des arguments concluants pour rejeter une mesure qui ne présente aucun autre inconvénient que ceux-là.

S'en tenir à ces deux moyens d'attaque, c'est moins combattre l'établissement proposé que faire l'aveu de son mérite. En effet, celui qui auroit quelque objection spécifique à présenter, s'en tiendroit-il à celles-ci, qui s'appliquent à tous les emplois existants, à tous ceux qui peuvent exister, et qui détruiroient le système entier du Gouvernement si on leur donnoit une force péremptoire?

Un nouvel office, un nouvel établissement est encore exposé aux attaques par un autre paralogisme. On le dénonce comme une place parasite, comme une affaire de faveur, et l'on tourne en objection contre le plan', le bénéfice qui doit én résulter pour un ou plusieurs individus.

Or, la circonstance de ce bénéfice individuel, considérée seule et indépendamment de toute autré objection, bien loin de constituer un argument contre la mesure, est au contraire un argument additionnel en sa faveur. La mesure est-elle bonne en totalité? elle devient meilleure

décoration plutôt que comme un office laborieux. 2.° Les ignorants: je n'entends pas parlà des hommes d'une ignorance absolue, mais ceux qui n'ont pas une instruction appropriée aux affaires politiques et législatives. Incapables de juger d'une question d'après son mérite, ils se saisissent avidement de ces objections qui les dispensent de l'examen, et dont ils font la sauvegarde de leur réputation. 3. Les hommes stupides qui ont peut-être lu, étudié, rempli leur tête de fatras, mais qui, n'ayant jamais pu parvenir à se faire des idées claires, regardent leur entendement comme la mesure de l'entendement humain, et rejettent tout ce qui n'entre pas dans la sphère de leurs idées.

Voilà les ennemis naturels de la pensée. Il faut se venger de celui qui veut troubler leur honorable inertie et la douce sécurité de l'ignorance. En le renvoyant dans la région des chimères, ils ont la satisfaction de tourner en dérision sa supériorité même.

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CHAPITRE II

L'OBSTACLE PRIS POUR LA CAUSE.

Je vais expliquer ce sophisme en le présen

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tant sous la forme d'une instruction pour s'en servir.

Je suppose que vous appartenez à un système politique où, à côté de parties très- déféctueuses il y en a d'excellentes. Le malheur veut que vous trouviez votre intérêt à défendre une des institutions les plus abusives. Si on vient à la réformer, vous risquez de faire une grande perte en dignité ou en profit. Quel est le moyen le plus propre à parer le coup? Commencez par faire un tableau brillant du système politique dans sa totalité étendez-vous sur les heureux effets qui en résultent et que personne ne conteste; et de-là, passant aux abus que vous cherchez à protéger, ne manquez pas de leur attribuer, en tout ou en partie, Pexistence de ces heureux effets. Cum hoc, ergo propter hoc. Il en résultera une confusion d'idées dans la tête de tous ceux qui n'ont pas un prisme pour les séparer.000

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Dans tout système politique qui existe de

par les profits individuels qui en résultent. Estelle mauvaise en totalité? le profit individuel est autant de soustrait à la somme du mal qu'elle fait naître.

En principe, rien de plus clair : mais la passion obscurcit l'évidence même. Voit-on ce profit individuel? il sert d'abord de préjugé, et bientôt d'argument contre la mesure.

Il n'est pas difficile de remonter à la source de ce sophisme, et d'expliquer son ascendant. L'envie qui dénonce est toujours sûre de plaire à l'envie qui écoute; et ce sentiment agit avec d'autant plus de force, que ceux qui l'éprouvent. peuvent souvent le méconnoître.

En parlant de cette passion odieuse, je ferai une observation qui, au premier moment,' aura l'apparence d'un paradoxe: je pense que si l'on prend la totalité de ses effets, on la trouvera plus utile que pernicieuse.

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Je ne crois pas qu'il fût possibles à aucune Société de se conserver sans la défiance et la vigilance, qui ont pour première cause cette passion toujours secrète et toujours active.

Le Législateur qui seroit déterminé à n'employer à son service que les motifs sociaux, les motifs de pure bienveillance, trouveroit bientôt ses lois sans force et sans effet.

Le Juge qui qui ne voudroit recevoir que des dénonciateurs animés par des motifs purs, seroit bientôt sans emploi, relativement à toutes les fraudes sur le revenu, et à tous les délits qui n'affectent que le public en général. — S'il ne vouloit écouter de témoins que ceux qui lui seroient amenés par des motifs de bienveillance, il seroit bientôt réduit à abandonner son tribunal.

Le Législateur ne peut faire concourir les hommes à ses vues qu'en intéressant leurs af fections et leurs passions. Les motifs qui les font agir sont personnels ou sociaux, ou antisociaux. Son premier objet sera non-seulement d'employer à son service tous les motifs sociaux qui sont déjà en action, mais encore de les cultiver, de les fortifier, de leur donner toute l'étendue 'possible (1). Par rapport aux motifs personnels, il cherchera à les limiter, à les réprimer, sans leur imputer un blâme qu'ils ne. méritent point. Par rapport aux motifs antisociaux, il ne se servira jamais de ces dangereux auxiliaires que par nécessité; il ne les

(1) Voyez Traités de Législation. Tom. III, ch. 16. Culture de la bienveillance.

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