Page images
PDF
EPUB

jurieuses. Noscitur ex cognominibus. Mais il est convenable de le ranger sous un chef à part, ne fût-ce que pour faciliter les moyens de le reconnoître.

Les préventions qu'on reçoit sur le caractère des différentes nations, sont des exemples vulgaires de cette erreur. Qu'est-ce qui peut sortir de bon de Nazareth, disoient les Juifs en parlant de Jésus-Christ?

Rien de plus commode pour les passions que ce mode de raisonner. La plus foible analogie prend le caractère de l'induction; une ombre paroît une substance.

Dans la fureur de la révolution françoise, lorsque le vertueux et infortune Louis XVI étoit entre la vie et la mort, entr'autres moyens pour étouffer la conscience publique, on eut recours à celui de répandre avec profusion des pamphlets inflammatoires. L'un de ceux qui circulèrent le plus étoit intitulé, des Crimes des Rois.

Les matériaux pour un tel ouvrage ne pouvoient pas manquer, puisque les Rois étant hommes, sont sujets aux mêmes erreurs, aux mêmes foiblesses, aux mêmes tentations que tous les hommes, moins que le commun des hommes à l'égard de certains délits, mais plus

:

qu'eux à l'égard de quelques autres, à raison d'une plus grande facilité à s'y livrer.

L'auteur de ce libelle odieux ne se proposoit pas un examen impartial du caractère des Rois. Il vouloit tirer de cet amas d'imputations vraies ou fausses, un argument qui n'auroit pas laissé sur la terre un seul homme en sûreté. « Les criminels doivent être punis; les Rois sont criminels. Louis est Roi, donc Louis doit être puni. » Cette logique des passions semble n'appartenir qu'à des moments de frénésie ; mais elle est beaucoup plus commune qu'on ne pense.

Ex. II. Pendant qu'on agitoit en Angleterre la question de l'émancipation des Catholiques, savoir si le quart de la nation, composé de Catholiques, doit être tenu plus long - temps dans un état de dégradation sous la Religion dominante, un de leurs adversaires publia un ouvrage intitulé, Cruautés des Catholiques. L'auteur, quoiqu'usant de la même logique que celui dont nous venons de parler, n'avoit point la même intention. Il ne vouloit point provoquer de vengeance contre les Catholiques; son but étoit seulement de justifier les lois qui les excluent de plusieurs offices civils et politiques, et qui leur impriment un caractère de réprobation. S'il n'avoit pas ce but, il n'en avoit aucun.

On ne peut se faire une idée juste de cet

argument qu'en considérant ses conséquences dans la pratique.

D'après cela, quel que soit le caractère des Catholiques présents et futurs, ils doivent être jugés sur les cruautés et les énormités de ceux qui, dans les siècles passés, ont porté le même nom. L'oppression doit être éternelle. L'amendement le plus parfait leur seroit inutile. Qu'importe ce qu'ils peuvent devenir, puisqu'ils ne peuvent anéantir le passé, et qu'ils seront toujours responsables de ce qui s'est fait avant eux?

Il est certain que si les Catholiques, en vertu d'une doctrine authentique, se croyoient dans l'obligation de persécuter tous ceux qui professent une religion différente de la leur; et si des faits récents démontroient qu'ils persistent dans ce principe, on seroit justement fondé à prendre toutes les mesures de sûreté nécessaires pour se garantir des effets de cette intolérance.

Si les Catholiques d'Irlande et d'Angleterre reconnoissoient ce droit du glaive contre les Protestants, s'ils professoient cette doctrine intolérante, il n'y auroit rien que de juste et de légitime dans l'argument qu'on en tireroit contre eux : mais, dans ce cas, à quoi serviroit - il d'alléguer la doctrine et la pratique des temps

A

qui ne sont plus? Ce prétendu argument ne s'applique à rien; car il ne s'agit pas de savoir ce qu'ont été les morts, mais ce que sont les vivants.

En Irlande, où ils forment les trois quarts de la population, il n'y a pas d'exemple, de mémoire d'homme, qu'ils aient maltraité les Protestants comme Protestants, quoiqu'ils aient été tenus par eux dans un état d'oppression bien propre à les irriter. Mais cet argument pourroit ne pas paroître concluant : s'il ne l'ont pas fait, diroit-on, c'est qu'ils n'ont pas pu le faire avec impunité.

Il faut donc voir ce qui se passe dans les pays où ils dominent : il faut observer l'esprit du Gouvernement en France, en Allemagne, relativement aux Protestants : c'est là un moyen de juger de leurs dispositions actuelles, beaucoup plus sûr que celui qu'on veut tirer des événements passés, à une époque qui fourniroit de quoi faire le procès à toutes les dénominations du Christianisme. Je renvoie à ce qui a été dit au Sophisme des Personnalités.

CHAPITRE VII.

SOPHISME DES VAGUES GÉNÉRALITÉS.

Ilya une espèce de sophisme qui consiste à employer des expressions vagues et indéterminées dans le cas où la nature de la question. admet des termes propres et spécifiques.

Une expression est vague et ambiguë lorsqu'elle désigne un objet qui, considéré sous certains rapports, est bon, et sous d'autres, mauvais. S'agit-il d'examiner si cet objet est bon ou mauvais, c'est tomber dans le sophisme que d'employer ce terme ambigu, sans vouloir reconnoître cette distinction.

Prenez pour exemple les termes gouvernement, lois, morale, religion - termes si généraux, qui embrassent tant de choses, et par conséquent très - susceptibles d'être convertis en instruments d'erreur.

Le genre compris sous chacun de ces termes peut se distinguer en deux espèces, l'une bonne, l'autre mauvaise,

Qui peut nier, en effet, qu'il n'y ait eu et qu'il n'y ait encore dans le monde beaucoup

« PreviousContinue »