de mauvais gouvernements, de mauvaises lois, de mauvaise morale et de mauvaise religion? Cela étant ainsi, cette seule circonstance, qu'un homme attaque le gouvernement, la loi, la morale, la religion, ne fournit pas la présomption la plus légère pour conclure que ce qu'il fait à cet égard ne soit pas bon. Si son attaque n'est dirigée que sur ce qui est mauvais en ce genre, il peut faire du bien, et beaucoup de bien. Que fait le sophiste? Il écarte avec soin la distinction requise, et il impute à celui qu'il combat le dessein de miner, d'attaquer ou de détruire la chose même désignée par le terme générique. Dans ce cas, le sophiste présente son argument d'une manière oblique plutôt que directe: il procède par insinuation , sans rien affirmer positivement. Ce qu'on propose, par exemple, c'est la réforme de quelques abus dans le système actuel du Gouvernement, de la religion ou de la loi. Le sophiste évasif vous régale d'une belle oraison, où il exalte la nécessité du gouvernement, de la religion ou de la loi. Quel est le but de cette amplification? Le but est d'insinuer que la mesure proposée a une secrète tendance préjudiciable à l'un ou à l'autre 1 de ces objets de notre respect. Il éveille le le soupçon sans énoncer rien de positif. S'il eût fait une assertion directe, on se seroit attendu à quelque raisonnement en forme de preuve; mais où il n'y a point d'assertion, il n'y a point de preuve à offrir, il n'y en a point à demander.. De toutes ces dénominations abstraites et ambigues, il n'en est point qui plane plus haut dans cette atmosphère d'illusions, que le mot ordre, le bon ordre. Ce mot est d'un usage merveilleux pour couvrir le vide des idées et pour donner à l'Orateur upoair imposant. Celui qui parle du bon ordre, qu'entendil par-là? rien de plus qu'un arrangement de choses auquel il donne son approbation et dont il se déclare le partisan. L'ordre n'est que l'arrangement qui existe dans l'objet que l'on considère - le bon ordre est celui qu'on approuve. - Qu'étoit-ce que le bon ordre aux yeux de Néron ? celui qu'il lui plaisoit d'établir. Il n'y a point de police gênante, point de règles tyranniques, point d'emprisonnement arbitraire, qui n'aient été considérés par le despote comme nécessaires au bon ordre, et qualifiés comme tels par les esclaves du pouvoir. L'ordre est le mot favori dans le vocabulaire de la tyrannie. Pourquoi? parce qu'il est applicable au bien comme au mal parce qu'il ne réveille l'idée d'aucun principe fixe qui puisse servir à motiver la désapprobation. Au mot ordre, ajoutez social. L'expression paroît un peu moins vague, un peu moins arbitraire. Le mot social présenté à l'esprit un état de choses considéré comme favorable au bonheur de la société : mais souvent il n'est employé que pour désigner l'état actuel dans lequel la société existe. Cette guerre, connue dans l'histoire Romaine sous le nom de guerre sociale, n'étoit pas considérée comme contribuant beaucoup au bonheur public: mais elle n'en étoit pas moins appelée la guerre sociale. Intérêt, bien-être, bonheur, bien public, utilité générale, tous ces termes et d'autres semblables conduisent naturellement l'esprit à l'idée d'un but, d'une règle, d'un principe et même du seul principe, par lequel on puisse estimer ce qu'on doit de blâme ou d'approbation à l'état de choses en question. - Mais le mot ordre n'a point d'idée accessoire de cette nature qui puisse importuner un despote. Il n'en résulte aucune indication qui serve à guider le jugement. En Angleterre, le mot Établissement (Ecelésiastique) est souvent enrôlé pour le même service. Ceux qui ne veulent attaquer que ses défauts, sont accusés de vouloir renverser l'Établissement même (1).. (1) Plusieurs personnes très-sincèrement attachées au Culte Anglican, reprochent trois défauts à l'établissement ecclésiastique : 1.o L'extrême inégalité des salaires, l'excès et le déficit. L'excès - ayant une tendance à détourner les Ecclésiastiques des devoirs de leur profession, et invitant, comme une loterie, un trop grand nombre de personnes à courir cette chance; le déficit repoussant de cet état les sujets les plus propres à le bien remplir, ou les rendant incapables de le remplir comme il faut. 2.o Le mode du salaire. - La dixme opère comme un découragement pour l'agriculture, - et produit entre les Ecclésiastiques et les Paroissiens les dispositions les plus propres à nuire au ministère des premiers. 3.o Les formes d'admission. L'obligation de signer des formulaires de Foi, si dangereuse pour les bases de la moralité. : 1 CHAPITRE VIII. SOPHISME DES TERMES IMPOSTEURS. Ce que l'on défend sous un nom LA MOTHE. TOUT ce que nous avons dit du sophisme précédent s'applique également à celui-ci, c'est qu'il en diffère très-peu. La seule différence, est qu'il s'applique à des cas où l'objet, sous son vrai nom, seroit clairement injustifiable. Il faut donc avoir recours, pour le justifier, à quelque terme déceptif d'une signification plus étendue et qui embrasse d'autres objets que le public est disposé à approuver. Avec cet artifice, au lieu d'exciter le dégoût et l'aversion par l'emploi du mot propre, vous parvenez à vous faire écouter sans répugnance et à envelopper le mal avec le bien. Le mot persécution n'est pas dans le dictionnaire des persécuteurs. Ils ne parlent que de zèle pour la religion. - Lorsque l'Abbé Terray faisoit une banqueroute aux créanciers publics, il lui donnoit le nom de retenue. Dans l'emploi de ce sophisme, il y a deux |