€ d'animosité et de violence. Le pas est glissant. Le zèle contre les abus peut ressembler à la malveillance contre les personnes. Il y y a toutefois des caractères par lesquels on peut distinguer l'un de ces sentiments d'avec l'autre. y a Il est des cas où le langage de la raison pure peut suffire ce sont ceux où il n'y a point de passion, point d'intérêt à combattre ; mais dès qu'il s'agit de réformer de grands abus, il toujours des intéressés qui s'y opposent; et même, à parler en général, ceux qui gouvernent ont toujours un certain intérêt à conserver les choses comme elles sont. Celui qui leur propose une réforme trouve d'abord un premier obstacle dans leur indolence : ils ne veulent pas une surcharge d'occupations ou des occupations d'un genre nouveau, qui les obligent à sortir des ornières de la routine. Un second obstacle se présente dans la jalousie du pouvoir et l'orgueil des hommes en place : ils n'aiment pas à recevoir des conseils, à favoriser des mesures dont ils ne sont pas les auteurs. Si elles ont un plein succès, l'honneur n'en est pas pour eux, il est pour un rival dont la réputation s'élève aux dépens de la leur. Telles sont les difficultés qui se rencontrent dans le pénible service du Censeur politique. Il faut qu'il les connoisse pour apprendre à les vaincre; mais il faut aussi que le public les apprécie, afin d'être en état de former un jugement éclairé sur ceux qui s'exposent, pour le servir, à une tâche aussi ingrate que périlleuse. CHAPITRE XII. SOPHISME QUI TEND A CONFONDRE LES HOMMES ET LES MESURES [ad odium]. LES Es plans d'attaque et de défense doivent porter sur les mesures, et non sur les hommes. Cette règle, diametralement opposée à celle que suit l'esprit de parti, est fondée sur deux raisons principales : 1. Il est plus aisé de juger du mérite de telle ou telle mesure particulière, que de juger du mérite de tel ou tel parti, soit celui des Ministres, soit celui de l'Opposition. Une mesure proposée est un objet fixe et connu. Un parti est un être d'imagination auquel on prête aisément toutes les qualités qu'on veut. 2. Le plan d'attaque qui porte, non sur les mesures, mais sur les hommes, suppose une habitude continuelle de prévarication et de fausseté. D'après toutes les notions de morale généralement reçues, il est contre la droiture, dans un Membre de l'Opposition, de combattre une mesure ministérielle qui lui paroît bonne, ou de soutenir une mesure de son propre parti qui lui paroît mauvaise. Il ne peut ni parler ni voter contre son opinion, sans s'écarter des règles de probité les plus incontestables. Comment s'y prend-on pour justifier ce système de mauvaise foi? 1.° On prétend qu'un parti est le seul moyen d'agir, d'établir une surveillance, de donner une marche constante et régulière, soit au Ministère, soit à l'Opposition. Ce qu'on prouve très-bien, c'est qu'il résulte d'un parti plus de force et plus de persévérance pour atteindre à son but; mais on ne prouve pas que cette force et cette persévérance tournent au bien public. L'histoire des partis, soit dans les Républiques, soit dans les états mixtes, seroit une réponse bien forte à ces assertions. 2. Après avoir posé en principe qu'un parti étoit nécessaire, on fait aisément une vertu de ce qu'on appelle fidélité à ce parti : en sorte qu'un individu n'est plus jugé par sa conduite, par sa sincérité, par l'indépendance de son opinion, mais uniquement par sa constance à soutenir ceux avec lesquels il fait cause commune. 3. On affecte de regarder la véracité en politique, comme une morale de petit esprit, comme une preuve de simplicité et d'igno rance du monde et la crainte qu'ont tous les hommes de passer pour dupes, leur fait adopter, relativement à leur conduite publique, des maximes qu'ils réprouvent dans toutes les actions ordinaires de la vie. On seroit un peu moins fier de cette fidélité à un parti, si on considéroit de quoi ce sentiment se compose : l'indifférence sur les moyens, la dépendance dans les opinions, l'habitude de parler contre sa pensée, l'emploi habituel du sophisme voilà ce qu'il faut pour bien remplir le rôle de partisan. Il n'exige aucune étude, aucune connoissance de l'homme en général, aucune de la législation moins on a de principes généraux, plus on est propre à soutenir ce facile personnage. Pour embrasser ce plan de guerre personnelle, on n'a qu'à suivre la pente de son intérêt particulier ou de ses passions. Tout ce qu'il faut de raisonnement se borne à se demander ai-je à gagner ou à perdre en combattant pour ou contre? cet homme me plaîtil ou me déplaît-il ? Mais, dira-t-on, si je n'attaque pas, dans tous les points, le plan de mon ennemi, je le laisserai s'accréditer, se fortifier dans son poste, et usurper de la réputation par quelques me |