les délits de la presse, il faut soumettre les écrivains à une censure préliminaire; moyen si plein d'inconvénients qu'il vaut mieux adopter la marche opposée. Mais n'y a-t-il point de distinction à faire, soit dans le mode de la publication, soit dans la nature des choses qu'on publie ? Admettez l'article tel qu'il est, il s'ensuit non-seulement qu'un homme peut publier toutes sortes de libelles contre l'Etat, contre les individus, sans qu'on puisse l'en empêcher, mais encore qu'il peut choisir pour cela tous les moyens qu'il lui plaît, discours publics, affiches, placards, représentations théâtrales, estampes, caricatures, impression, etc. Tout cela, dis-je, il peut le faire sans qu'on puisse le prévenir, il n'est soumis qu'à des peines postérieures. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner si les inconvénients de cette liberté ne seroient pas moins grands en effet que ceux d'une restriction préliminaire, ceux de la censure: tout ce que je veux dire, c'est qu'il y a une différence entre la liberté de publier des opinions sur des matières politiques et religieuses, et celle de publier des libelles diffamatoires sur des hommes publics ou privés. Il y a une différence encore plus sensible entre publier par écrit et publier de vive voix ou sur un théâtre baranguer le peuple dans les carrefours ou l'assembler par des placards. On conçoit trèsbien qu'un Législateur pourroit laisser une entière liberté à la presse, sauf à répondre des. délits, et en même temps, interdire les moyens de communication qui s'adressent plus directement aux passions de la multitude, et qui peuvent l'enflammer avant qu'on ait eu le temps d'y porter remède. 1 ART. XII. LA La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. OBSERVATION S. C'est une grande louange pour cet article que sa complète inutilité. Point de principe. anarchique, point d'appel à l'insurrection. Avec un léger changement, on en feroit un lieu commun aussi insipide qu'irréprochable: savoir que la force publique, entretenue aux dépens du public, doit avoir pour objet l'avantage général de la société, et non l'avantage exclusif de ceux qui la dirigent. Mais d'après la manière dont cet article est rédigé, il paroît que dans l'Assemblée Nationale on ne connoissoit point de différence entre déclarer ce qui est et déclarer ce qui doit être. La force publique est-elle en effet instituée partout pour l'avantage de tous ? est-ce là une matière de fait, un point historique? II s'ensuit que tous les Gouvernements sont également bons. Ce n'est pas ce qu'ont entendu les Législateurs François. Mais quand ils ont dit que la force publique est instituée pour l'avantage de tous, ils ont cru dise qu'elle devoit l'étre. Doit-on se donner pour les précepteurs des Nations, quand on ne sait pas même exprimer sans ambiguité, sans absurdité, les idées les plus triviales? ART. XIII. OUR l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. OBSERVATIONS. Cet article, aussi innocent que celui qui précède, n'apprend rien, sinon qu'un des droits imprescriptibles et naturels consiste dans l'obligation de contribuer à une masse inconnue de dépenses publiques. Dire qu'une contribution commune en argent est le meilleur moyen de subvenir aux frais de l'Etat, c'est dire une chose raisonnable mais il n'est pas vrai que ce moyen soit indispensable, c'est-à-dire le seul possible. Dans le gouvernement de Berne, il n'y avoit point d'impôt. L'Etat avoit d'autres sources de revenu. Je ne fais cette observation que pour montrer jusqu'où l'on doit porter l'exactitude dans des matières de ce genre: car d'ailleurs, ce n'est pas une erreur importante. |