J'allois remarquer la contradiction qui se présente ici entre l'inégalité de fait qui est ici reconnue, et l'égalité de droit qui a été proclamée dans le premier article par rapport à la propriété mais nous serons forcés d'y revenir bientôt. Contribution commune en raison de leurs facultés-on auroit dû dire pour parler exactement en raison de leurs facultés pécuniaires, mais passons. Cette théorie des impôts est-elle praticable? L'est-elle au moins sans porter de grandes atteintes à la liberté ? Il faut, pour exécuter ce plan, commencer par une inquisition exacte, par une dissection complète de toutes les circonstances de la condition privée des individus. Il faut que cette inquisition se soutienne sans relâche et que le Collecteur des contributions publiques puisse se faire rendre compte à chaque instant de tous les changements qui surviennent dans les affaires de chaque famille. Tout ce qu'il importe de plus à un homme de tenir secret doit être dévoilé, peut-être même à ceux dont il auroit le plus d'intérêt à se cacher; et il est possible ou qu'il compromette les causes de sa prospérité en les dévoilant, ou qu'il achève sa ruine en la faisant connoître. Après tout cela, cette contribution proportionnelle sera très-inégale, si l'on n'a fait entrer en compte que les possessions, sans estimer la différence des besoins respectifs. Quand les taxes sont assises sur des dépenses volontaires, chaque individu se trouve à peu près appelé à contribuer selon ses facultés, parce que la mesure de sa fortune est assez communément celle de sa dépense. Mais ce système raisonnable d'égalité n'étoit pas celui des Législateurs François de cette époque, car ils ont rejeté presque toute cette partie des contributions qu'on peut appeler volontaires, qui ne se sentent point, qu'on acquitte graduellement, et qui se proportionnent d'ellesmêmes aux facultés croissantes ou décroissantes des individus. Ils se sont laissé tromper par des métaphysiciens politiques qui ont pris en aversion toutes les taxes qu'ils ont appelées indirectes, taxes sur les consommations, taxes sur les superfluités, et qui ont donné la préférence à celles qu'on ne paie jamais que par contrainte, à celles qui soumettent les contribuables à une inquisition vexatoire.' ART. XIV. Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. OBSERVATIONS. Supposez que l'auteur de cet article fut un ennemi de l'Etat, qui se proposoit de troubler le cours des affaires publiques et de mettre tous les citoyens aux prises, rien ne pouvoit -être plus adroitement adapté à ce but mais si c'est un ami de l'Etat, et qu'il ait eu pour objet de donner aux dépenses publiques un contrôle salutaire, on ne sauroit rien concevoir de plus puéril. Qu'entend-on par tous les Citoyens? Entendon tous les citoyens collectivement, agissant en corps, ou chaque citoyen individuellement? Ce droit que j'ai, puis-je l'exercer par moi-même quand il me plaît, sans le concours de personne, ou faut-il que j'attende jusqu'à ce que j'aie engagé tous les autres ou' du moins la majeure partie des autres, à se joindre à moi pour en faire usage? La différence qui en résulte, par rapport à l'exercice du droit, est énorme: mais ces Rédacteurs qui emploient indistinctement, ce semble, les mots disjonctifs et les mots conjonctifs, ne paroissent pas même la soupçonner. Si je puis exercer ce droit par moi-même ? dans ma capacité individuelle, j'ai donc le droit d'aller à mon gré dans tous les bureaux. du revenu public, de demander compte aux Employés, de me faire apporter leurs livres, de les soumettre à toutes mes questions, d'arrêter toutes les affaires et vous qui êtes citoyen aussi bien que moi, vous avez le même droit que j'ai. Si vous voulez l'exercer en même temps, qui doit avoir la préférence ? qui doit être obéi le premier ? qui réglera ce pas entre nous et mille autres? Cettes manière d'instituer le Gouvernement seroit plutôt celle de le dissoudre. Si les citoyens ne peuvent exercer ce droit que collectivement, c'est-à-dire, agissant en corps, il falloit donc expliquer de quelle manière ces corps collectifs devoient se former. C'est-là précisément ce que la loi devoit nous apprendre, et ce qu'elle ne nous apprend pas Le droit de consentir! Singulier mode d'expression pour signifier le droit d'accepter ou de rejeter! Le droit de voter est clair. Le droit de consentir présente une idée ridicule. Il rappelle ce qu'un railleur disoit d'un Sénat dans un gouvernement despotique. « Ces » Messieurs ont le droit d'approuver tout ce » qu'on leur propose ou d'aller en exil. » Ces petites pagodes Chinoises qu'on vendoit à Paris sous le nom de Notables, n'avoient d'autre › mouvement de la têté qu'une inclination en avant. C'étoit l'image du droit de consentir. Je ne donne pas cette remarque comme bien importante: mais il est étonnant qu'une Assemblée qui prétendoit fixer les mots, fixer. les idées, fixer les lois et tout fixer pour toujours, se servit dans une occasion essentielle, d'un terme équivoque et impropre, comme si la langue françoise étoit réduite à ce bégayement inepte.om |