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cutif, le rend l'arbitre de la liberté publique.et de la propriété des citoyens.

L'assemblée nationale examine, dans. ce. moment, si ce droit doit être attribué au monarque ou si elle doit se le réserver. Tous les esprits sont tendus sur cet objet. Les préjugés que nous a laissés l'ancien régime, l'exemple de tous les états monarchiques, semblent balancer, dans un assez grand nombre d'esprits, les dangers évidens qu'entraine cette sorte d'organisation de la force publique.

Ce principe a été généralement reconnu dans l'assemblée nationale, que la souveraineté résidant dans la nation, ce droit lui appartenoit incontestablement. On est d'accord sur la distinction: exécuter la guerre et la paix, ou décider que la guerre ou la paix seront faites.

La question a été réduite à ses véritables termes: « Pour l'utilité de la nation, le droit de décider que la guerre ou la paix auront lieu, doit-il être délégué au corps législatif ou au monarque »?

Il s'est établi sur ce point trois systêmes les uns soutiennent que la nation doit jouir de ce droit par ses représentans, et qu'ils ne peuvent pas l'aliéner; d'autres réclament en faveur de la prérogative royale; d'autres veulent que le monarque et le corps législatif se concertent, ou que le pouvoir exécutif puisse faire la guerre défensive seulement.

Dès que l'utilité de la préférence à accorder à l'un des pouvoirs, est le point de la difficulté, íl semble qu'il n'y a pas d'autre moyen de la résoudre, que d'énumerer tous les avantages et tous les inconvéniens attachés à la délégation à l'un et à l'autre de ces pouvoirs.

A Rome, les consuls étoient, quant au pouvoir exécutif, ce que sont les rois dans les monarchies; ' ils étoient même beaucoup plus puissans; seule ment ils étoient amovibles. Ce pouvoir exécutif ne jouissoit pas du droit de faire la guerre et la

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paix.11 paroit que les objets qui devoient donner lieu à un tre, étoient d'abord examinés dans le sénat,qui étoit le grand conseil de l'état, et que quand le senat. avoit décrété qu'il y avoit lieu à faire la guerre, on portoit la pétition dans l'assemblée du peuple romain, qui décidoit en définitive s'il y auroit guerre. Ce fut, selon Tite-Live, un exemple nouveau et mauvais que donna le préteur Juventius, qui proposoit au peuple de déclarer la guerre aux Rhodiens, sans que les consuls en eussent été avertis, et sans que le sénat eût été consulté (1).

La décision de faire la guerre étoit donc exercée par le peuple lui-même, et par le corps sénatorial: les fonctions du pouvoir exécutif ne commençoient qu'après leur décision; il disposoit alors de la force publique, de la manière qu'il jugeoit la plus avan tageuse.

Je ne sais si l'on voudra compter l'exemple des Romains pour quelque chose. Mais il me semble que leur méthode prouve au moins qu'ils ne croyoient pas pouvoir mettre trop de réflexion à entreprendre la guerre, et qu'il leur avoit paru plus utile de se décider à ce sujet par le résultat de la volonté générale, que par la volonté des agens du pouvoir exécutif.

Ce seroit une discussion bien métaphysique que celle qui auroit pour but d'examiner si la décision qu'il y aura guerre est un acte de la volonté générale. Il faudroit examiner si cette décision n'emporte pas avec elle une obligation pour tous les citoyens de sacrifier leurs vies et leurs per

(1) Sed et prætor novo maloque exemplo rem ingressus erat, quod antè non consulto senatu, non consulibus certioribus factis, de sud unius sententia, rogationem ferret: vellent juberent ne Rhodiis bellum indici ? Tite-Live, décad. 5, liy. 5.

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sonnes, et si tous les citoyens peuvent être obligés à faire les sacrifices, autrement que par un acte de la volonté générale; mais puisqu'on est convenu que si la nation pouvoit s'assembler elle-même. elle devroit seule exercer ce droit; puisque la ques tion se réduit à savoir s'il est utile que la délégation de ce droit soit faite au pouvoir exécutif ou au corps législatif, ce seroit embrouiller les idées que s'éloigner de ces données.

Les défenseurs de la prérogative royale disent que les opérations qui précédent la guerre, exigent secret et célérité, deux choses incompatibles avec la nature du corps législatif. Mais comme en laissant au roi, par ces deux motifs, le pouvoir de la guerre et de la paix, il seroit à craindre qu'il en abusat; ils donnent au corps législatif deux moyens de le tenir en bride: le refus des subsides, et la responsabilité des ministres.

Les défenseurs de la prérogative royale opposent ensuite au corps législatif sa non-responsabilité pour ses décisions, la possibilité que ses membres soient corrompus, tout aussi bien que les ministres, par l'or des puissances étrangères, et l'absence momentanée des membres du corps législatif.

Ceux qui soutiennent que le droit de la guerre et de la paix doit être confié au corps législatif, opposent à leurs adversaires que les passions particulières des rois ou des ministres, leurs injustices ou leurs erreurs ont été et seront presque toujours les causes de la guerre ; que le droit de faire la guerre étant celui de rassembler telles forces militaires, et en tel lieu qu'on juge à propos, le pouvoir exécutif pourroit se servir de ces forces contre la nation pour changer ou détruire la constitution; qu'un roi victorieux est redoutable à la liberté; qu'il n'y a point de liberté individuelle où la volonté d'un seul peut faire égorger arbitrairement plusieurs milliers de citoyens; que la punition d'un ministre coupable ne peut que foible

ment venger,et ne répare jamais les pertes pubhiques...

Les raisons sont si foibles d'une part, et si fortes de Tautre, qu'il est difficile de concevoir ce qui peut tenir les esprits en suspens.

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Il est avoué d'abord qu'il n'y a point de principes en faveur du pouvoir oxécutif; sa nature est d'agir, d'exécuter. Lever, rassembler les troupes, tracer le plan de campagne, employer les forces publi ques, combattre par terre ou par mer, po ter le siége de la guerre dans un lieu plutôt que dans un autre, voilà des actions; et l'on conçoit bien que voilà le lot du pouvoir exécutif; mais décider si on fera la guerre ou non, ce n'est point agir, éxécuter, c'est délibérer sur un point qui intéresse tout le corps de l'état. Or, on voit bien que ceci n'est pas de la nature du pouvoir exé utif; car cette delibération peut exister sans que la guerre se fasse il suffit pour cela d'un changement de volonté ou de circonstances.

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S'il n'y a point de principes en faveur du pouvoir exécutif, il ne put y avoir que des considérations. Des considérations ne pourroient faire attribuer le droit de la guerre au pouvoir exécutif, qu'autant que leur masse l'emporteroit sur le principe et sur les considérations qui leur sont opposées.

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Première considération. Le secret des préparatifs; pure chimère ! Il est impossible que nul état de l'Europe augmente le nombre de ses troupes arme des vaisseaux, sans qu'au bout de quelques jours toutes les puissances n'en soient instruites. Or, comme un armement est un fait aussi notoire qu'une décision du corps législatif, le secret des préparatifs ne doit être d'aucun poids pour décider la question, puisqu'il ne peut pas même exister.

Seconde considération. La célérité des mesures; sans doute il faut de la célérité après avoir entre

pris, mais il faut de la réflexion avant d'entreprendre la guerre.

Il n'est pas à présumer 'que le pouvoir exécutif arme sans que le conseil royal délibère à ce sujet. Or, il ne faudroit pas plus de temps à cet égard au corps législatif qu'au conseil royal. Ou l'agression n'est que probable ou elle est constante; si elle n'est que probable, la lenteur de la décision peut être très-utile, et nous épargner des dépenses fort onéreuses. Si l'agression est constante, le danger public abrégera beaucoup les opinions, et rendra la décision prompte et unanime.

D'ailleurs, notre position politique et géographique exigeant que nous ayions une armée et une marine subsistantes, il y a des préparatifs tout faits, dont le pouvoir exécutif peut et doit user pour couvrir les propriétés nationales.

Il n'entre pas dans la question de savoir si le roi pourra ou ne pourra pas ordonner, sans le consentement du corps législatif, à la garnison de Strasbourg, par exemple, de se défendre contre trente mille Allemands qui seroient venus l'attaquer à Fimproviste. Le roi n'a pas plus besoin pour cela de l'aveu du corps législatif, que la garnison de Strasbourg des ordres du roi. Il n'y a dans une telle circonstance d'autre législateur que la néces

sité.

L'article qui déclare le roi chef du pouvoir exécutif, celui qui décrète une armée et une marine subsistantes sous ses ordres, constituent le pouvoir exécutif dans un état de défense habituelle; mais s'il a besoin pour la défense de l'état d'autres forces de terre et de mer; s'il ne s'agit pas de repousser actuellement l'ennemi, mais de demander réparation d'une injure commise par une puissance, ou par ses agens, ou par ses sujets de se mettre en mesure avec elle, lorsqu'elle fait des mouvemens et des préparatifs; de faire sortir l'armée hors de l'état, pour entrer chez un ennemi,. dont les vues hostiles sont connues, alors le priace

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