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ment les caractères que je lui attribue, ces conséquences sont rigoureuses.

Et d'abord est-il rien de si grand, de si sublime que ce que la religion nous enseigne par rapport à Dieu, c'est-à-dire touchant notre dernière fin et les moyens d'y parvenir? Cette parole, je crois en Dieu, cette parole que tout chrétien, que le pauvre paysan répète tous les jours, il n'a pas été donné aux philosophes païens, aux plus vastes génies, éclairés des seules lumières de la raison, de la pouvoir prononcer. Aucun n'a dépassé le doute, aucun n'a dit avec cette simplicité et cette force: Je crois en Dieu. C'est que Dieu seul pouvoit élever jusqu'à lui l'esprit de l'homme; c'est que lui seul pouvoit mettre dans son cœur la foi, don surnaturel, don infini dans sa nature comme dans ses effets, et qui, nous conduisant à la certitude par des routes inconnues à l'intelligence, nous fait entrer en participation de ce sentiment intérieur par lequel Dieu prononce qu'il existe. Je suts, dit-il, celui qui suis; et le petit enfant qu'il a instruit dans le secret du cœur, répète : Il est celui qui est!

Or, une religion qui repose sur une vérité si féconde et si haute ; une religion qui m'offre pour modèle un Dieu-Homme, et l'éternité

pour récompense ou pour punition de mes œuvres; une religion qui me montre un Être toutpuissant dont les yeux sont toujours ouverts pour observer ma conduite; qui me laisse dans l'attente d'un jugement formidable, où mes pensées les plus secrètes seront examinées ; qui me représente cette vie comme un pèlerinage, et ce monde comme un lieu d'exil, afin qu'étant créé pour le ciel, je ne m'attache point à la terre; qui, m'arrachant à l'empire des sens, m'apprend à regarder la mort comme le passage à une vie meilleure, où je dois continuellement m'efforcer d'arriver: une religion qui me dit, Sois parfait comme Dieu même est parfait ; qui me relève avec tendresse dans mes chutes, parcequ'elle ne connoît point de crimes inexpiables, et qu'elle peut appliquer des mérites infinis; qui ordonne au juste de trembler, et fait de l'espérance la première vertu du pécheur; qui arrête la présomption par la crainte, sourit au repentir, déclare heureux ceux qui pleurent, maudit les joies dissolues du siècle, détrône l'orgueil humain, et proclame le règne de l'amour cette religion, sans aucun doute, mérite tous les hommages de ma raison et de mon cœur.

Je sais qu'elle contrarie les penchants de la

nature corrompue, qu'elle déclare aux passions une guerre inexorable. La vanité, la mollesse, la vengeance, la haine, sont autant de victimes qu'il lui faut immoler; mais il n'y a rien là qui m'étonne, rien qui n'ajoute à la confiance qu'elle m'inspiroit déjà. J'y vois un nouveau caractère de vérité très éclatant; car plus la religion est pure et rigoureuse dans ses préceptes, moins je puis reconnoître en elle l'ouvrage de l'homme. Les passions troublent l'ordre moral; la religion qui a pour but de lè rétablir, doit donc combattre les passions. Les lois mêmes n'ont pas d'autre objet; et la religion n'est plus sévère, elle ne commande des vertus plus difficiles, elle n'interdit des fautes plus légères, elle ne prescrit, en un mot, une plus haute perfection, que parcequ'elle est la plus parfaite des lois.

Il est vrai qu'elle me propose à croire des dogmes incompréhensibles, des mystères impénétrables qui consternent la raison; mais cela même, loin de m'ébranler, m'affermit de plus en plus. Tout, et l'homme même, est mystère pour l'homme. Que croirois-je, si je ne croyois que ce que ma raison conçoit? Leciel, la terre, la vie, la mort, le grain de sable que je foule aux pieds, la paille que le vent emporte,

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me sont éternellement incompréhensibles; et je prétendrois comprendre Dieu, sa nature, ses attributs, son essence! Insensé! contemple ton néant, ta bassesse profonde, et cesse de demander compte à l'Éternel de son être et de ses perfections. Il t'en a révélé ce qu'il t'étoit possible, ce qu'il t'étoit utile d'en savoir: crois et adore; car l'inaccessible hauteur de la doctrine qui fait le désespoir de ton esprit est la plus invincible preuve de son origine céleste. Une religion sans mystères seroit une religion fausse, puisqu'elle ne nous donneroit ni l'idée ni le sentiment de l'infini; une religion sans obscurité seroit une religion absurde, ou plutôt ce ne seroit rien, puisque cette religion nous laisseroit dans une ignorance complète de la Divinité, qui est évidemment au-dessus de notre intelligence, et par conséquent n'établiroit entre elle et nous aucuns rapports.

Le christianisme n'est donc obscur en quelques uns de ses dogmes, que parcequ'il est divin, que parcequ'il nous transporte dans les régions de l'infini, et déploie à nos regards une perspective immense, où l'œil cherche en vain des bornes qui fuient toujours. Si la religion se vantoit de dissiper entièrement les ténèbres de notre esprit, il seroit sans doute facile de la

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convaincre de mensonge; mais au contraire elle nous dit : « Vous n'apercevrez jamais clai»rement ici-bas les sublimes vérités que je vous révèle ; vous n'en pourriez soutenir l'éclat, et » voilà pourquoi je vous les présente envelop»pées d'un voile que la mort seule déchirera.

Croyez sans essayer de comprendre : courbez >> votre raison altière sous l'humble joug de la foi; avec le sacrifice du cœur, j'exige encore > celui de l'intelligence.

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Tel est le langage de la religion, et la raison elle-même découvre aisément les motifs du sacrifice qu'on lui demande. L'homme est tombé par l'orgueil. Dans l'insensé désir de s'égaler à Dieu, il voulut ravir la science, et ne conquit .que l'erreur. Au lieu de s'élever, comme il s'en flattoit, jusqu'au niveau du souveraiu Être, toutes ses facultés se dégradèrent, et il descendit au-dessous de la brute. Si tu manges de ce fruit, tu mourras, lui avoit dit le Créateur: il osa douter de sa parole et braver ses menaces; le châtiment suivit de près. La rébellion de ses sens devient le premier fruit de sa rébellion contre Dieu son entendement se couvre de ténèbres; de honteux mouvements jusqu'alors inconnus l'agitent et le fatiguent presque sans relâche. Devenu le roi de ses pensées en même

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