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fois. Au reste, M. Barrot n'approuve pas que Roberspierre ait fait guillotiner les prêtres, et je suis de son avis; ni qu'il ait imaginé la fète de l'Étre-Suprême, et je suis encore de son avis; car il n'appartient pas plus à l'homme d'imaginer un culte, même lorsqu'il en sent le besoin, que d'imaginer ou d'inventer Dieu. M. Barrot ajoute qu'on ne s'est que trop occupé de religion dans ces temps malheureux. Ceci ressemble beaucoup à une plaisanterie, mais elle n'est pas heureuse. On ne plaisante point de la mort, et le rire a mauvaise grâce au milieu du sang et des tombeaux.

Retiré loin de Paris, à la campagne, je n'ai reçu qu'aujourd'hui la lettre de M. Barrot. Je m'empresse, Monsieur, de vous l'envoyer, avec prière de l'insérer dans le Conservateur. M. Barrot assure que la religion l'ordonne. Je ne vois pas bien comment; mais je m'en rapporte à lui et à vous. Il se pourroit cependant que le Constitutionnel, par zèle religieux, eût pris les devants, et que l'article dont on m'a parlé ne fût autre chose que cette même lettre. En ce cas, son insertion dans le Conservateur, formant un double emploi, la religion n'ordonneroit peut-être pas aussi rigoureusement de l'y insérer, et vous pourriez n'être pas aussi

disposé à céder aux instances de M. Barrot et aux miennes, sans que lui ni moi eussions droit de nous plaindre, puisque après tout le public n'y auroit rien perdu '.

En ce qui me concerne, je dois des remerciements à M. Barrot, qui obligeamment ne laisse échapper aucune occasion de confirmer par ses aveux ce que j'ai cru devoir dire de la tendance de ses principes.

Il avoit soutenu qu'en France la loi n'est d'aucune religion; de là je conclus que, selon lui, la loi est athée. Oui, répond-il aussitôt, la loi est athée, et doit l'être. Si, dans sa lettre, il se fàche, ce n'est point parceque je lui impute ces deux assertions; au contraire, il les avoue, il les répète de nouveau: « Pour moi, dit-il, qui ai commis le crime » énorme de dire que la loi doit être ce qu'elle » est, etc. » Sa colère vient uniquement de ce que cette maxime, la loi doit être athée, ne me paroît pas tout-à-fait aussi admirable qu'à lui.

J'en avois tiré la conséquence que la loi doit tolérer toutes les morales, comme elle tolère toutes les religions, ou, en d'autres termes,

La lettre de M. Odilon-Barrot avoit été en effet publiée dans le Constitutionnel.

que la loi n'est d'aucune morale, comme elle n'est d'aucune religion. M. Barrot en convient encore; car il est d'une franchise étonnante. Voici ses paroles :

Après avoir posé en principe que la loi n'existe que pour contraindre, il ajoute: «Dans >> ce siècle désenchanté, nous reconnoissons » deux espèces de devoirs dans la société, ceux qui sont forcés, et ceux qui sont abandonnés » au libre arbitre de chacun. Les premiers tom> bent dans le domaine des contraintes légales; » les seconds dans celui de la simple persua»sion. La religion et la morale sont dans cette dernière classe. »

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La loi n'existe que pour contraindre ; la morale ne tombe pas dans le domaine des contraintes légales; les devoirs qu'elle impose sont abandonnés au libre arbitre de chacun. Cela est clair, ce me semble.

Tels sont, continue M. Barrot, les princi>pes qui nous régissent, et vers lesquels ten» dent toutes les sociétés modernes. C'est le » résultat de la civilisation. »

Ainsi, le résultat de la civilisation est d'avoir exclu des lois la religion et la morale. Je n'ose montrer tout ce que cette assertion renferme d'absurdités détestables. Je craindrois de nou

veaux aveux de M. Barrot. Sa logique l'entraîne si loin, que je tremblerois de tenter une troisième fois un esprit si droit dans l'erreur. Je me tais pour le sauver des dernières conséquences de sa doctrine.

SUR LES CAUSES DE LA HAINE

QU'INSPIRE A CERTAINS HOMMES

LA RELIGION CATHOLIQUE.

(1820.)

La religion catholique est attaquée avec plus de fureur que jamais; c'est un fait incontestable. On tourne en dérision sa doctrine et son culte, on blasphème son fondateur, on outrage ses ministres, on les calomnie, on les désigne à la haine publique, on emploie jusqu'à la violence pour empêcher la prédication. de l'Évangile ; et les factieux ne daignent plus même déguiser le projet qu'ils ont formé, l'espérance qu'ils ont conçue d'abolir parmi nous la religion de nos ancêtres, la religion de Charlemagne et de Louis IX, de Duguesclin et de Turenne, de Bossuet et de d'Aguesseau, de Vincent de Paul et de Fénelon. Le complot ourdi dans l'ombre par, quelques sectaires du dernier siècle se poursuit au grand jour avec un acharnement dont il n'existoit pas d'exemple.

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