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ont dicté insolemment à leur souverain prisonnier.

Cependant les ministres qui avoient cru échapper avec quelque honneur au supplice d'agir, ne tarderont pas à recueillir le fruit de leur foiblesse. Ces mêmes factieux, qu'ils ont şi habilement ménagés, leur feront sen tir le mépris qu'inspire toujours une conduite lâche et tortueuse. Ils repousseront dédaigneuse ment leurs avances, et n'y répondront que par des sarcasmes et par des menaces.

Que feront, en des circonstances si difficiles pour eux, les hommes du présent? Ils feront chaque jour ce qui leur paroîtra le moins embarrassant chaque jour, la guerre s'ils y sont forcés, la paix s'ils le peuvent; et très probablement dès lors ils ne feront, comme elles devroient être faites, ni la guerre ni la paix. Ils s'exposeront, eux et l'État, à toutes les chances fâcheuses des résolutions opposées. Ils craindront le repos, ils craindront le mouvement, ils craindront tout, hors ce qu'il faudroit craindre. Ils diviseront, ils décourageront l'opinion publique : ils chercheront un allié dans le sommeil, et que sait-on? peutêtre un asile dans la mort.

Cependant la révolution, qui ne sommeille

jamais, les observe avec une joie mal dissimulée; elle applaudit à leur timidité, elle flatte leur indécision, elle leur promet ses bonnes grâces s'ils persévèrent, et se montre prête à ouvrir ses rangs pour les recevoir. Mais recevra-t-elle aussi les Bourbons et la monarchie?

Non, ce n'est pas ainsi qu'on soutient les États, et Dieu les a établis sur d'autres bases que cette politique incertaine et honteuse. La justice et la vérité sont leurs fondements, et c'est par une volonté puissante qu'ils vivent. Le pouvoir qui hésite cesse d'être pouvoir pendant qu'il hésite. On n'obéit qu'à celui qui commande; et lorsque ceux qui ont le droit, qui ont le devoir de commander, se taisent, il en vient d'autres qui commandent sans droit; et on obéit, parcequ'ils ont la force, et que les peuples ont le besoin d'obéir: c'est leur penchant, leur nature, leur être tout entier.

Que prévoir donc dans une position aussi étonnante que la nôtre? Qu'est-ce que l'avenir nous réserve? Sommes-nous destinés à subir des calamités nouvelles? Le génie du mal l'emportera-il encore une fois ? Nous le demandons aux ministres : eux seuls peuvent résou

dre ces questions. Les destinées de la France et de l'Europe sont en leurs mains. Pour nous, sentinelle obscure et peut-être importune, nous ne pouvons que répéter ces paroles mémorables que fit entendre, dans la chaire chrétienne, un prélat illustre, au moment où nos longs 'malheurs alloient commencer : « Nous ne som> mes ni prophète ni enfant de prophète, les » mystères du Très-Haut et les secrets de l'ave»nir ne nous ont point été révélés; mais, » voyant sur le soir le ciel en feu, nous nous » sommes dit que la journée du lendemain seroit brûlante! >>

A L'ÉGARD

DE LA GUERRE D'ESPAGNE.

(1823.)

Jamais peut-être le ministère anglais ne s'étoit trouvé dans une position aussi délicate que celle où l'ont placé les derniers évènements. Pitt, en combattant la révolution, assuroit l'ascendant politique et commercial de l'Angleterre ; ses subsides lui donnoient la suprême direction de la guerre contre la France démocratique et impériale, et lui créoient ainsi en Europe une sorte de suprématie dont elle profitoit avec habileté pour le développement de sa prospérité commerciale. Satisfait dans son orgueil et dans ses intérêts, le peuple étoit moins accessible à l'influence de l'esprit démagogique. Il trouvoit partout du travail, et le travail produisoit l'aisance : il n'avoit pas le temps d'être séditieux.

Cet état, quoique très brillant, ne laissoit pas d'avoir des inconvénients graves. Le succès

même étoit un écueil, et l'Angleterre se trouvoit dans cette position singulière, qu'engagée dans la lutte terrible de la société contre l'anarchie, elle avoit à craindre presque également une victoire décisive et une défaite. Succomber, c'étoit éprou ver toutes les horreurs d'une révolution semblable à la nôtre vaincre entièrement, c'étoit perdre l'ascendant qu'elle avoit acquis sur les autres puissances, et qu'elle exerçoit au profit de son industrie et de son commerce.

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On a vu, en effet, depuis 1816, l'influence de l'Angleterre diminuer sur le continent, et ses manufactures languir, malgré les efforts d'une vigilante administration, et malgré les nouveaux débouchés qu'a ouverts à leurs produits là révolte des colonies espagnoles. Délivrés de l'ennemi commun, les différents états de l'Europe sont rentrés dans leur indépendance; ils ont senti le joug britannique, et ils ont cherché à s'en affranchir; ils se sont occupés aussi de leur prospérité intérieure; et, sous ce rapport, Buonaparte a donné des exemples dont il seroit difficile de prévoir tous les résultats.

D'un autre côté, la foiblesse des lois et des gouvernements ayant réveillé les espérances des révolutionnaires du continent, ils se sont de

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