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bien, on n'en verra pas d'autres? Les révolutionnaires assurent qu'il y en a tant! Après une pensée de guerre, précédée de douze mois d'inaction complète, effrayé de son courage, le ministère dit, Négocions; et il négocie effectivement sur les cadavres des défenseurs de Ferdinand VII; et, rassuré parcequ'il négocie avec les hommes à marteau, il annonce enfin que la paix ne sera point troublée, c'est-à-dire qu'en ce qui le concerne, la révolution s'accomplira paisiblement en Espagne, pourvu que l'honneur de la France et sa dignité n'en souffrent point.

D'honneur et de dignité, il n'en faut plus parler, on le conçoit trop bien; parlons de l'existence.

Avez-vous donc espéré que la révolution d'Espagne, si elle triomphe, se renferme entre ses frontières? Ne voyez-vous donc pas qu'en ce moment elle est le bras de la révolution européenne, et que ce bras est levé sur vous? Vous croyez éviter la guerre, et vous ne faites autre chose que nous en préparer une plus terrible.

Vous montrez votre foiblesse au dedans, votre foiblesse au dehors; et, poursuivis par les fantômes d'un esprit troublé, vous vous réfugiez dans votre peur comme dans un asile inviolable:

eh bien donc, dormez là, jusqu'à ce que la révolution vous réveille!

Ecoutons cependant le ministère, ou du moins ceux qui se sont chargés de justifier sa politique. Quand la malheureuse Espagne sera couverte de ruines et inondée de sang; lorsque les derniers soutiens de la royauté et de la religion auront succombé; lorsque des millions de frénétiques (car la contagion s'étendra), las de s'égorger entre eux, jetteront sur la France un regard avide, et se précipiteront dans nos provinces pour s'unir aux révolutionnaires qui les attendent, alors que fera-t-on ? La guerre? Non, ce n'est pas ainsi que nos profonds politiques l'entendent. Ils ont trouvé un autre moyen de préserver le pays, un moyen beaucoup plus constitutionnel, disent-ils : ils feront murer les Pyrénées!

A la vérité, ils espèrent qu'on ne les forcera pas d'en venir à cette extrémité; car enfin, ajoutent-ils, si la révolution consent à se modi-. fier elle-même? Pauvre illusion! elle le devroit pour ses intérêts, elle le devroit pour rendre son triomphe plus sûr, en le retardant de quelques instants. Mais je vous ferai une seule question: dites-moi avec qui vous traiterez, quelles garanties on peut vous donner, quelles garan

ties vous pouvez recevoir. Votre traité, quel qu'il soit, car je ne veux pas discuter ici cette question, votre traité ne sera qu'une consécration solennelle de la révolte,' et un appel général à la rébellion.

Mais qui peut prévoir les suites de la guerre? Eh! sans doute, qui peut les prévoir, quand on a fait tout ce qu'on pouvoit faire pour tourner les chances contre soi? Cependant le succès offre peu d'incertitude: on n'imagine qu'un évènement qui pourroit amener de grands revers; et de cet évènement sortiroit une accusation si terrible contre le ministère, qu'on ne sauroit se permettre dele supposer possible. Au reste, ne vous y trompez point : vous n'avez pas à calculer si vous ferez la guerre, mais quand vous la ferez. La révolution avance; elle avance en écrasant ceux qui seroient aujourd'hui pour vous d'inappréciables auxiliaires. Serez-vous plus forts quand ils ne seront plus? Pensez-vous que vos soldats seront plus en sûreté dans l'Espagne, lorsqu'au lieu des frères d'armes qui les appellent, ils n'y rencontreront que leurs tombes et leurs mânes indignés? On a osé calomnier ces nobles défenseurs du trône, on a osé dire que « le jour où l'armée » française entreroit dans leur pays, les roya

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» listes s'uniroient aux révolutionnaires pour les » repousser. Qu'ont répondu les royalistes? « Nous n'avons point refusé contre Buonaparte »le secours des Anglais et des Portugais, com>> ment repousserions-nous le secours des Fran»çais, nos alliés naturels, pour détruire la » révolution? Si les Catalans, les Arragonais, les Navarrois, sont étonnés de quelque chose, » c'est d'attendre encore les Français. » Ils ont lieu en effet d'être étonnés: appelés pour défendre Dieu et le roi, ce sera la première fois, depuis douze siècles, que les Français libres auront manqué à un semblable rendez

vous.

On feint d'appréhender de compromettre les jours du roi; comme si la révolution victorieuse devoit être plus douce, plus humaine que la révolution vaincue! N'est-ce pas au contraire ses craintes qui ont protégé le roi jusqu'ici? Personne, assurément, ne forme des vœux plus ardents que les nôtres pour la conservation de cette tête sacrée ; nos sentiments ne peuvent être douteux; et c'est pour cela que nous oserions dire qu'il ne s'agit pas uniquement de sauver le roi, mais encore la royauté, et non seulement la royauté chez un seul

Lettre du général Quesada, insérée dans les journaux.

peuple, mais la royauté dans l'Europe entière. Le temps presse : puisse la dernière heure ne pas sonner pendant que les ministres négocient!

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