Page images
PDF
EPUB

de croyances, viennent tour à tour affirmer » des croyances contraires, développer avec un » droit égal la vérité et le mensonge, étonner ⚫ les imaginations foibles de la multitude, en lui présentant, sous les mêmes formes dog»matiques, des systèmes opposés et des doctrines ennemies. Et prenons-y garde, déjà les , hommes témoins de ces contradictions à cha» que moment renouvelées, de ces luttes pu»bliques entre les opinions les plus diverses » sont eux-mêmes divisés entre eux, et n'ont » que leur propre conscience et leur croyance > personnelle pour faire un choix entre tant de principes opposés. Ainsi, cette fatale incer»titude, qui déjà règne dans tous les esprits, » s'accroît incessamment par l'incertitude des » doctrines publiées par les hommes qui sont » appelés à avoir quelque influence sur les croyances publiques. Chose vraiment inouïe! » l'autorité qui doit enchaîner les opinions les » livre au contraire à leur propre caprice ; les gouvernements qui ne peuvent se fortifier que » par l'unité tendent à s'affoiblir eux-mêmes » par la division; c'est du sommet de la puis»sance que descend l'anarchie.»

D

Nous ne pouvons tout citer; il faut lire dans l'ouvrage même les sages et profondes ré

flexions de M. Laurentie sur ce sujet. Ce n'est point un censeur chagrin qui blâme pour blåmer; au contraire, c'est un publiciste ami de son pays, invariablement attaché au trône et dont le bonheur seroit de voir dans ce qui est ce qui doit être.

- Il prouve, et c'est l'objet qu'il s'est proposé principalement, que le jury, si vanté par nos idéologues politiques et si cher à tous les révolutionnaires, est une institution de l'enfance des sociétés, lorsqu'il n'existe point encore de magistrature régulière; que cette institution, non seulement imparfaite, mais essentiellement vicieuse, recèle le principe anti-social de la souveraineté du peuple, et que, dans l'état actuel de nos mœurs, elle est et sera toujours, quelque modification qu'on y apporte, également corrompue et corruptrice. Il la juge dangereuse, surtout lorsque les crimes politiques sont soumis à la décision des jurés, et c'est ce qu'aucun homme sensé et de bonne foi ne contestera. Il est au moins absurde que le pouvoir, qui est toute la société, confie son existence à quelques individus pris au hasard, et se présente devant eux sur le même rang que les conspirateurs qui ont tenté de le renverser, pour recevoir sa sentence.

Cette analyse rapide ne peut donner qu'une idée fort incomplète d'un écrit plein de choses, et qui, au milieu de tant de pamphlets qui nous inondent journellement, se fait remarquer par la sagesse des vues, l'heureux enchaînement des pensées, la force et la clarté du style, et par je ne sais quel caline de raison prodigieusement rare aujourd'hui, et qui n'en a que plus de charme.

L'idée qui frappe après avoir lu cet excellent ouvrage, c'est qu'il n'y a pas maintenant en Europe un seul peuple qui pût répondre à ces deux questions: Qu'est-ce que la vérité? Qu'estce que la justice? ce qui montre l'étonnante supériorité de notre siècle sur tous les autres siècles. En cet état des esprits, je ne doute nullement que si l'on proposoit le décalogue sous la forme de projet de loi, à une assemblée délibérante quelconque, il ne passeroit point sans de vifs débats et sans de nombreux amendements tant les lumières ont fait de progrès depuis ces temps barbares, où les hommes ne savoient encore sur leurs devoirs que ce que Dieu leur avoit dit.

SUR

L'OBSERVATION DU DIMANCHE.

[ocr errors]

Y a-t-il un jour saint, une religion de l'Etat reconnue dans la capitale de la France? Nous avons entendu plus d'une fois des étrangers faire cette question, et il n'étoit pas aisé d'y répondre et d'expliquer quelle est l'existence. légale, l'autorité publique du christianisme dans la principale ville du royaume très chrétien. A force de lumières, nous abolissons peu à peu ce qui nous reste de commun avec tous les peuples civilisés. Il n'en est point qui ne rendent hommage à la Divinité, en consacrant à son culte un jour spécial. Nous seuls nous souffrons qu'on s'affranchisse de cette loi sacrée, aussi ancienne que le monde. Le gouvernement semble voir sans crainte et sans étonnement l'indifférence religieuse passer des doctrines dans les mœurs. On ne connoît plus que l'ordre matériel; on ne conçoit plus surtout qu'il y ait des devoirs imposés à la société entière. On renvoie Dieu aux individus; on soumet ses commandements à leurs opinions;

[ocr errors]

on reste neutre entre ses préceptes et les passions d'une populace corrompue. De là le peu d'importance qu'on paroît mettre à faire respecter, au moins extérieurement, le jour du repos. Presque partout les travaux continuent sans interruption; et comme si ce n'étoit pas déjà trop que de tolérer un pareil scandale, les agents de l'administration en donnent euxmêmes l'exemple, et jusque dans les églises, pendant le saint-sacrifice, aux jours les plus solennels; cela s'est vu, tout Paris le sait. Cependant il existe des règlements relatifs à l'observation du dimanche quel en est donc le but? Pourquoi défendre ce qu'on paroît résolu à ne point empêcher? Mieux vaudroit déclarer franchement que chacun peut, à son gré, violer la loi divine; il semble inutile d'habituer le peuple à violer de plus les lois humaines, s'il y a encore des lois humaines pour ceux qui ne reconnoissent point de loi de Dieu.`

Certes, il se passe sous nos yeux des choses étranges, et qui doivent d'autant plus alarmer qu'on les remarque moins. Quand le mal cesse de surprendre, quand il devient l'ordre ordinaire dont personne n'est frappé, c'est alors qu'il est grand. Nous en sommes là sur beaucoup de points. Il n'y a guère maintenant que

« PreviousContinue »