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élever la voix en faveur de la religion et de la morale, en faveur de Dieu et du Rui. Il n'y a point d'autre question; c'est là-dessus que nous sommons les ministres de s'expliquer. Quelle que soit, au surplus, leur réponse, nous savons quel est notre devoir, et nous le remplirons.

DU DEVOIR

DANS LES TEMPS ACTUELS.

Supermuros tuos Jerusalem constitui custodes,
tota die et totâ nocte in perpetuum non
tacebunt. Qui reminiscimini Domini, ne
taceatis, et ne detis ei silentium, donec
stabiliat, et donec ponat Jerusalem laudem
in terrâ.

(ISAIE, LXII, 6 et 7.)

(1823.)

Toutes les fois que de grands intérêts, principalement de l'ordre spirituel, sont attaqués et défendus; lorsqu'on dispute aux hommes leurs croyances, la règle de leurs pensées et de leurs actions, en un mot, les vérités dont se nourrissoit leur intelligence, et leur conscience même, une prodigieuse agitation règne dans la société. Des partis se forment, il s'établit une guerre terrible au sein des peuples; et ce n'est pas seulement un combat de doctrines, car les doctrines ne peuvent être ébranlées que tout ne s'ébranle, institutions, lois, mœurs. Dans ces crises effrayantes, il ne manque jamais de se trouver un certain nombre

de ces gens d'entre-deux dont parle Pascal, indécis par timidité, indulgents par calcul, qui ne savent ni ce qu'ils pensent, ni ce qu'ils veulent, parcequ'ils n'ont pas la moindre idée de ce qu'on doit penser et vouloir. La foiblesse de leur caractère et le peu d'étendue de leur esprit les inclinent à croire qu'en toute contestation la sagesse consiste à se tenir également éloigné des opinions et des prétentions opposées, et que toute lutte, quel qu'en soit l'objet, doit se terminer par des concessions mutuelles; ce qui suppose qu'on ne dispute jamais que des choses arbitraires, ou dont l'homme, en tout cas, a le droit de disposer comme il lui plaît.

Cette sorte de gens, la plus dangereuse peutêtre quand il lui arrive d'être en pouvoir dans les temps difficiles, ne sert qu'à conduire avec moins de bruit les nations à leur ruine. Elle ne détruit pas, mais elle laisse détruire; elle ne fonde rien, mais elle empêche de rien fonder et de rien réparer. Essentiellement inerte, ce qu'elle craint surtout, c'est l'action, parcequ'il n'y a point d'action sans résistance. Elle a peur du mouvement, peur de la force, peur de la vie; et, cherchant un repos qui n'existe point, ou qui n'existe que dans le

tombeau, elle ne veut pour doctrine que l'indifférence, pour ordre que ce qui est, le mal comme le bien; pour justice qu'une égale protection de ce bien et de ce mal, pour paix que le silence.

Et qu'on ne s'étonne point de l'ascendant que cette espèce d'hommes parvient quelquefois à obtenir dans la société. Lorsqu'un peuple, après de grands désastres, tarde à rentrer dans les voies d'où il étoit sorti, il perd peu à peu l'espérance, et jusqu'au souvenir d'un état meilleur. Le succès des méchants encourage leur audace et fait illusion sur leurs principes même. Les bons, toujours sacrifiés, se lassent de combattre inutilement, et saisissent avec joie le premier prétexte qui leur est offert d'abandonner, sans trop de honte, une cause long-temps malheureuse. L'intérêt personnel multiplie les défections. Toutes les passions viles se réveillent. Les uns supputent ce que peut valoir ce qui leur reste d'honneur et de conscience; les autres s'endorment entre les débris de l'édifice social renversé, et s'irritent quand on essaie de les tirer de leur sommeil.

Ainsi tout va se corrompant : la raison publique s'affoiblit, les cœurs se dégradent; on

s'étourdit sur le présent, on oublie l'avenir ; et néanmoins il reste au fond des âmes une inquiétude vague et comme un sinistre pressentiment. Seuls tranquilles et inébranlables, les chrétiens trouvent dans leur doctrine, et l'explication de ce qu'ils voient, et la consolation de ce qu'ils craignent, et là garantie de ce qu'ils espèrent. Trop éclairés sur les causes et la gravité du mal pour s'imaginer, à l'exemple de quelques hommes aveuglés, qu'on rétablira l'ordre et qu'on sauvera le monde par les chétives combinaisons d'une politique aussi fausse qu'étroite, par des pactes avec les passions, les opinions, les intérêts, et le crime même, ils n'attendent de tout cela que de plus grandes calamités, mais ils les attendent sans trouble; car ils savent que leur vraie patrie, la société religieuse dont ils sont membres, subsistera au milieu de ces vastes bouleversements, et demeurera éternellement stable au milieu de ces ruines: ils savent que sa beauté ne sera que plus éclatante par le contraste des sociétés difformes qui naîtront incessamment et se dissoudront autour d'elle; ils savent enfin que le désordre, parvenu au terme fixé, y rencontrera la barrière qu'il lui est défendu de franchir. Alors finira le règne de l'homme,

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