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DES MOMIERS DE GENÈVE,

Suivie d'une Notice sur les Momiers du canton de Vaud, par un témoin oculaire.

(1824.)

Quand on ne considèreroit le protestantisme que sous un point de vue purement philosophi,que, rien ne seroit encore plus utile que d'observer ses variations perpétuelles et ses étranges contradictions; car on y découvre clairement les suites inévitables de la funeste erreur qui, dans l'ordre politique comme dans l'ordre religieux, détruit aujourd'hui toutes les vérités en les soumettant à l'examen et au jugement de chaque particulier, devenu ainsi l'unique arbitre de sa foi et de ses œuvres, devenu son roi et son dieu. On ne contestera pas sans doute que, depuis trois siècles, il n'ait existé, parmi les protestants, des hommes d'une vaste science et d'une grande force d'esprit ; et cependant voyez si jamais ils ont pu convenir entre eux d'un seul dogme; nous pourrions ajouter, et d'un seul précepte de morale, puisqu'il n'est

point de devoir qui n'ait été nié par quelque sectaire, puisqu'ils ont justifié tous les crimes, et même jusqu'au meurtre, comme déjà Bossuet le reprochoit aux sociniens, et que, parmi les disciples de la réforme, il en est même qui, abusant d'une manière sacrilége de quelques paroles de l'Écriture, encouragent directement aux vices les plus énormes, afin, disent-ils, que la grâce abonde là où le péché a abondé. C'est la doctrine des antinomiens; et, en cela, il faut bien l'avouer, ils ne font que suivre l'exemple du fondateur du protestantisme, de Martin Luther, qui n'a pas craint d'enseigner en termes formels, que les bonnes œuvres sont plus nuisibles qu'utiles au salut: maxime anti-sociale autant qu'anti-chrétienne, et non moins destructive de l'état que de la religion.

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Or ce sont là des choses qu'il est bon de rappeler aux hommes pour leur faire comprendre tout le besoin qu'ils ont, non seulement d'une loi divine qui règle leurs croyances et leurs actions, mais encore d'une autorité vivante qui la promulgue et l'interprète infailliblement.

Ce qui se passe aujourd'hui à Genève en offre une nouvelle preuve singulièrement frappante. La vénérable compagnie des pasteurs,

fidèle au principe du protestantisme, qui n'admet d'autre règle de foi que la raison, ou l'Écriture interprétée par la raison, s'est vue obligée successivement d'abandonner toute foi précise, et de nier tous les dogmes fondamentaux du christianisme, le péché originel, et par conséquent la rédemption, la nécessité de la grâce, les peines éternelles, et enfin la divinité de Jésus-Christ. Nous disons qu'elle nie ces dogmes, car défendre de les soutenir, c'est les nier bien positivement; et il résulte de là que le centre de la réforme calviniste est devenu le centre du déisme, et qu'il n'existe plus dans la Rome protestante, je ne dis pas aucune foi chrétienne, mais aucune foi quelconque, puisqu'un ministre qui ne manque pas de puissants appuis dans sa compagnie a exprimé publiquement le vœu qu'on renonçât à tout symbole, même à celui des apôtres, qui commence par ces mots : Je crois en Dieu.

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Effrayés de cette monstrueuse apostasie, un jeune proposant, M. Empaytaz, et un ministre, M. Malan, essayèrent, il y a quelques années, d'opposer une digue au scepticisme de la vénérable compagnie des pasteurs de Genève, et

› M. J. Heyer, pasteur à Genève. (Voyez son Coup d'œil sur les Confessions de foi.)

se pressoient pour justifier les prévoyances de ceux que leurs agents appeloient les fanatiques. Considérez maintenant les résultats de la guerre entreprise avec tant de répugnance par le ministère, et jugez entre lui et ces fanatiques si injuriés. L'Espagne leur a dû son roi, sa religion, le retour de l'ordre et de la paix, et l'Europe sa sécurité.

Qu'ont-ils demandé encore? Que le royaume très chrétien cessât d'être régi par des lois impies. Tous les membres de la droite ont énoncé le même vœu oseroit-on le taxer d'exagération? Faudroit-il absolument, pour complaire aux ministres, être satisfait d'une législation déclarée impie par les députés de la France? Et seroit-il possible qu'ils se crussent attaqués personnellement toutes les fois qu'on réclame en faveur de la religion et des droits de Dieu?

Nous aimons à penser qu'au moins on ne leur est pas importun lorsqu'on rappelle à leur souvenir d'illustres infortunes qu'ont partagées plusieurs d'entre eux. Il y a neuf ans que la fidélité, dépouillée de tout, attend un morceau de pain. Ce n'est pas trop, ce semble, quand on a donné son sang. Puisse le ministère en juger ainsi!

Mais, s'il ne s'est point jusqu'à présent ex

pliqué sur cette question, il en est d'autres sur lesquelles on ne lui reprochera certainement pas de s'être montré indécis ou indifférent. L'éducation publique, telle à peu près que la révolution nous l'a léguée, est sans contredit une des plaies les plus effrayantes de l'époque actuelle. Même après avoir lu la lettre que nous avons adressée à monseigneur l'évêque d'Hermopolis, on ne peut se faire qu'une très foible idée de l'état des écoles. Nous ne le connoissions encore qu'imparfaitement nousmêmes, lorsque nous écrivîmes cette lettre. De tous les points de la France, il nous est parvenu depuis des documents qui ne prouvent que trop à quel point une réforme est indispensable. Des excès qu'on étoit presque fondé à croire impossibles sont multipliés audelà de tout ce qu'on peut se représenter. L'esprit de l'institution radicalement mauvais, et qui remonte à des temps déjà loin de nous, prévaut sur les efforts des bons maîtres. Nous le répétons, le mal est extrême, et nous bénissons Dieu tous les jours de nous avoir inspiré le courage de révéler ce qui devoit être su, pour qu'ons'occupât d'y remédier. Déjà quel ques actes éclatants, dans lesquels on reconnoît le zèle éclairé du Grand-Maitré, ont mon

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