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ches scientifiques, éparses dans un nombre infini de mémoires.

Tel Lefebvre-Gineau, né dans les Ardennes, en 1751, de parents sans fortune. Distingué à l'école par l'évêque de Pamiers, il fut recommandé au baron de Breteuil, qui l'institua professeur de mathématiques de ses enfants. Il s'enrichit durant la Révolution par des opérations commerciales fructueuses. Puis, devenu membre de l'Institut dans la section de physique, il fut désigné pour la commission chargée d'établir le système décimal. Fourcroy en fit un inspecteur général de l'instruction publique. Tel, Noël, fils d'un marchand drapier de SaintGermain-en-Laye, né en 1755, qui, à Louis-le-Grand, eut pour condisciple Robespierre. Il y professa dans la classe de troisième; mais à la Révolution, il fut employé aux relations extérieures et envoyé en Hollande, comme ministre plénipotentiaire. Le gouvernement consulaire le fit entrer au Tribunat; Fourcroy, à l'instruction publique, comme inspecteur général. C'était sa vraie situation.

Tel, Coulomb, l'un des physiciens les plus réputés du Consulat, né à Angoulême en 1736. Ses débuts d'homme de science eurent lieu aux Antilles, où il construisit le fort Bourbon, de Martinique. Rentré en France à la Révolution, il rompit toute relation avec le gouvernement et se consacra entièrement à l'instruction de ses enfants. Plus tard, il accepta le poste d'inspecteur général de l'instruction publique.

Tel, Biot, physicien et chimiste, jeune encore

1. Biot (Jean-Baptiste), né à Paris en 1774. Fit ses études au lycée Louis. le-Grand, prit ensuite du service dans l'artillerie et fut reçu en 1794 à l'École polytechnique. Il fut nommé peu après à l'École centrale de Beauvais, comme professeur, et en 1800, au Collège de France, fut chargé de la chaire de physique. En 1803, fut élu à l'Académie, en remplacement de

pendant le Consulat, et néanmoins, en 1806, désigné avec Arago1 pour se rendre en Espagne y reprendre la triangulation de la méridienne interrompue depuis la mort de Méchain. Et Gay-Lussac, un Limousin, aussi jeune que Biot, protégé de Berthollet en sortant de l'Ecole polytechnique et devenu célèbre par ses expériences aérostatiques et ses travaux suj l'iode. Et Poinsot, qui fit partie de la première promotion de l'Ecole polytechnique; à dix-neuf ans ingénieur des ponts et chaussées, et ensuite professeur au lycée Bonaparte; enfin inspecteur général de l'Université, en 1806. Et Fontanes, le grand maître de cette Université que Bonaparte avait créée pour s'emparer de toute la jeunesse écolière. Je ne reviendrai pas sur ce Protée politique, qui fut littérateur, poète, critique au Mercure de France, président du Corps législatif et chef de l'Université. En mes précédents volumes, j'ai fait connaître assez sa souplesse de courtisan et ses mérites littéraires.

Delambre, devenu secrétaire perpétuel; et lorsqu'en 1804, le premier Consul sollicita de l'Institut un vœu favorable à l'établissement de l'Empire, M. Biot refusa de voter, l'Académie, dans sa conviction, devant rester étrangère à toute démonstration politique. Il entra à l'Observatoire en 1804, et la même année, accompagna Gay-Lussac dans sa première ascension aérostatique et s'éleva à une hauteur de quatre mille mètres. Il mourut en 1862, à Paris.

1. Dominique-François Arago naquit à Estagel, près de Perpignan, en 1786. Son père, qui occupait depuis la Révolution l'emploi de caissier de la Monnaie, à Perpignan, lui fit de bonne heure faire ses études au collège de cette ville. A dix-sept ans, le jeune François fut admis, après un brillant examen, à l'École polytechnique. Au sortir de cette école, il fut attaché à l'Observatoire comme secrétaire du Bureau des longitudes, et en 1906, Napoléon, sur la recommandation de Monge, le chargea avec M. Biot et deux commissaires espagnols de continuer la grande opération géodésique de Delambre et Méchain, pour donner une mesure plus parfaite de l'arc du méridien terrestre, mesure qui a servi de base au nouveau système métrique. Après de nombreuses péripéties sur un navire, pris et repris par des vaisseaux ennemis, il put rentrer en France en 1809. Il avait vingt-trois ans; l'Académie le reçut comme membre titulaire, et l'empereur le nomma professeur à l'École polytechnique, où il enseigna l'analyse et la géodésie pendant plus de vingt ans. Il mourut en 1853.

CONCLUSION

Arrivé au terme de cet ouvrage, je dois jeter un regard en arrière et après avoir fait œuvre de chroniqueur sur toutes les classes de la société, juger l'homme qui fut l'auteur et le dominateur du Consulat, c'est-à-dire Bonaparte, Premier Consul.

Quand on parle de lui, il semble que l'on ne puisse être juste et qu'il n'y ait d'autre alternative que d'être louangeur ou malveillant. Cet homme, que ses pires ennemis qualifient d'extraordinaire, n'est pas encore assez éloigné dans le temps, même après un siècle, pour obtenir de ses juges l'impartialité. Est-ce vraiment parce qu'il a renversé, en brumaire, un Directoire qui s'anéantissait dans la honte; chassé des assemblées qui montraient leur faiblesse par leur incohérence, qu'il faille le traiter en condottière, comme certains historiens? A-t-il accompli ce coup d'Etat, seul ? « Avec l'armée, » disent-ils d'un air lamentable, comme si l'armée était un instrument inavouable. Mais l'armée était soutenue par l'opinion, excitée par le mépris des honnêtes gens contre le pouvoir établi et encoura– gée par les hommes politiques les plus intelligents! Le général avait été rappelé d'Egypte par certains ministres, par tous ceux qui voyaient la patrie s'effondrer dans un abîme de scandales toujours renaissants; et dès qu'il eut posé le pied sur le rivage, il

vit aussitôt se grouper autour de lui un parti prêt à le défendre. Ce parti fut le plus fort. C'est ce qui sauva la France.

L'histoire, au surplus, n'est qu'une suite de coups d'Etat des résolus contre les incertains, des audacieux contre les timorés. La révolution de cette époque fut un saut de bascule où triompha l'énergie sur toutes les lâchetés publiques.

Et croit-on que si Bonaparte n'avait pas débarqué à Fréjus, le Directoire eût duré longtemps? Est-ce qu'à son défaut d'autres généraux n'auraient pas agi de la même manière : Bernadotte, ou Moreau, ou Joubert? Joubert mourut, tué à Novi. On sait bien, cependant, qu'il n'était envoyé en Italie que pour y conquérir un plus grand prestige et revenir chasser les tyranneaux qui dominaient la France. Si le général Bonaparte n'eût triomphé, la Terreur aurait recommencé et, après la Terreur, la nation aurait certainement rappelé les Bourbons. Or, ces princes étaient-ils capables de rétablir l'ordre, de chasser les ennemis menaçants? Quels généraux leur auraient obéi ? Ces conjectures s'évanouissent quand on les serre de près ; et l'on se retrouve encore à excuser l'échauffourée de Brumaire.

S'il fallait absolument jeter l'anathème à Bonaparte pour cette chevauchée triomphante contre les assemblées réunies à Saint-Cloud, on ne devrait pas oublier les résultats qui suivirent: la transformation presque subite de la France, la renaissance de toutes les forces vives de la patrie. Ceux qui ont lu les volumes précédents de cet ouvrage savent en quel état le général trouva le trésor public, l'armée, le clergé, la magistrature, les maîtres de la jeunesse écolière; à quelle licence s'abandonnaient les mœurs; quels hommes et quelles femmes paradaient dans les

lieux publics. Il n'y avait plus qu'une armée famélique, des généraux guidés par leur bon plaisir ou par leur seule ambition; des prêtres chassés de leur presbytère, ne célébrant les cérémonies du culte qu'avec crainte et en cachette; des magistrats véreux ou incapables, produits de l'élection, et des écoles abandonnées parce qu'il n'y avait plus de maîtres. La littérature, à ce moment, était-elle plus libre qu'au temps du Consulat? La censure n'existait-elle pas, comme sous Bonaparte, et les théâtres ne devaient-ils pas obéir aux caprices des gouvernants? Au lieu de Bonaparte, c'était Barras; avant Barras, Robespierre. Eux, aussi, avaient eu leurs courtisans ; et ce que l'on prônait en eux, c'étaient leurs vices, non leur gloire, comme celle du général à qui la victoire ne faillit jamais. On reprend, alors, et l'on dit que les électeurs auraient envoyé à Paris des hommes nouveaux et probes, plus avertis par les événements queleurs prédécesseurs; la liberté aurait été maintenue, et les dix ans passés en apprentissage auraient servi d'exemples et de leçons. Comme si les hommes, réunis en assemblée, n'obéissaient pas toujours à des meneurs, et ceux-ci à un ou deux chefs qui commandent en secret, dans un salon ou dans un club!

En Brumaire, an VIII, ceux qui dirigeaient les assemblées obéissaient aux suggestions de M de Staël. C'était sa pensée qui se fût affirmée, sa politique qui eût dominé; et cette politique n'était autre que celle de Necker. Valait-elle mieux que celle de Bonaparte? On l'a vue, cette femme, pendant le Consulat, exciter ses affidés contre les résolutions du Premier Consul; soulever l'opinion sur le mot de sujets, inséré dans un traité de paix avec la Russie; faire repousser par le Tribunat et ensuite par le

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