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dre, le Comte de Renel, le Sieur de Vandeüil, le Sieur d'Avennes, & plufieurs autres braves Officiers furent tuez. Le Duc de Lefdiguieres y fut bleffé. Le Roy fans fe ménager, s'expofa fouvent au feu du Canon & de la Moufqueterie, pour animer les Troupes par fa prefence & par fon exemple. Il demeura deux jours fans dormir, & prefque fans manger. Pendant toute l'Action le Duc de Vendôme demeura toûjours expofé aux plus grands: périls, donnant fes ordres par tout avec an fang froid, & une prefence d'efprit merveilleufe; rempliffant tous les devoirs d'un Soldat intrépide, & d'un grand Capitaine.

Les Ennemis aprés leur déroute vouloient au moins fauver Luzara, & leurs Magafins; mais la Garnison fe rendit à difcretion dés le lendemain de la Bataille. On a trouvé dans la Place toutes fortes de provifions en abondance, de Blé, de Farine, de Vin, & d'Eau-de-vie. Il n'y eut dans l'Armée des deux Couronnes que deux mille cinq cens hommes de tuez ou de bletfez, & plus de fix mille dans l'Armée des Imperiaux. Ils publierent cependant qu'ils avoient eu tout l'avantage de cette Journée, quoi que leurs Ennemis fuffent demeurez les maîtres du champ de Bataille, & de la Campagne, qu'ils euffent

pris Luzara, & tous leurs Magafins. Ils firent chanter à Vienne le Te Deum pour certe Victoire, au même tems qu'on le chantoit auffi en Espagne & en France.

Cette bonne nouvelle tira la Reine des allarmes & de l'inquietude où elle étoit. Cette fage Princeffe fe refufoit toutes fortes de divertiffemens & de plaifirs, pendant l'abfence du Roy fon Epoux ; jufqueslà qu'elle ne voulut pas permettre aux Dames de fa Cour de reprefenter une Comedie qu'elles avoient préparée, pour divertir la Reine, leur difant qu'elle fe fentoit incapable de prendre goût à aucun divertiffement, tandis que le Roy feroit expofé tous les jours aux périls de la

Guerre.

& Hollan

rivent de

La joie que goûtoit la Reine depuis la Les Flottes victoire de Luzara, fut troublée par la Angle nouvelle qu'elle reçut, que les Flottes An- doite argloife & Hollandoife étoient arrivées vant Ca devant Cadix. Elle fit promptement af- dix. fembler le Confeil du Gouvernement; & pleine d'une intrépidité qui paroiffoit au deffus de fon âge, & de fon fexe, elle s'offrit avec un courage heroïque, d'aller en perfonne en Andaloufie, fi l'on croyoit que fa prefence pût engager fes Sujers à mieux faire leur devoir. Ces marques de courage & de bonne volonté charmerent le Confeil & tous les Seigneurs Caftillans,.

qui font naturellement touchez de toutes les actions où il paroît du grand & de l'heroïque. El'e offrit en même tems fes pierreries, pour être vendues ou engagées, fi l'on avoit befoin d'un prompt fecours d'argent. Ce bon exemple de la Princeffe, & ces marques d'un entier dévoüement pour le fervice de l'Etat, engagerent tous les Ord es à faire des efforts extraordinaires, pour la confervation du Royaume. Le Public & les Particuliers à l'envi, témoignerent leur zele pour défendre la Patrie contre l'invafion des Anglois & dess Hollandois, Ennemis de la Religion Catholique. Le Cardinal Portocarrero fournit à fes frais trois cens foixante Cavaliers bien équipez. Le Cardinal Salazar Evêque de Cordoue, fournit un Regiment complet de mille hommes de pied.

La Reine employa avec des foins infatigables toutes fortes de moyens humains. & divins, pour attirer les benedictions du Ciel fur fa Perfonne & fur fes Etats. Allant faire fes devotions dans l'Eglife de Nôtre-Dame d'Atocha, tres-celebre à Madrid, elle rencontra dans les rues un Prêtre qui portoit le Viatique à un malade; la Reine defcendit incontinent de Caroffe, & fuivit à pied avec la Princeffe des Urfins, le tres-Saint Sacrement juf qu'au logis du moribond. Toute la Ville

témoin de ce pieux fpectacle, élevoit jufqu'au Ciel avec de grandes acclamations, la pieté de cette vertueufe Princeffe.

L'invafion des Anglois & des Hollandois jetta d'abord l'épouvante & la confternation aux environs de Cadix, & dans la Ville, & ne fit pas tout le mal que l'on en apprehendoit; elle excita la haine & l'indignation publique, à caufe des cruautez, des profanations, & des facrileges qu'ils commirent en differens endroits où ils aborderent; ce qui redoubla infiniment 'e zele des Espagnols contre les Ennemis de l'Etat & de la Religion..

de l'Ami

rante de

Ils témoignerent auffi beaucoup d'in- Defertion dignation & de courroux contre le mauvais procedé ou la perfidie de l'Amirante Caftille. de Caftille. Le Roy d'Efpagne l'avoit nommé pour Ambaffadeur auprès de Louis XIV. Il avoit accepté cet Emploi avec joie ; il s'étoit mis en chemin avec une fuite de trois cens perfonnes, pour aller à Paris, comme il en faifoit le femblant, & comme il le publioit lui-même; mais il rebrouffa chemin & changea de route; il se fauva en Portugal avec tous ceux de fa fuite, qui voulurent s'attacher à fa fortune, & s'engagea dans des interêts tout contraires à ceux de fon Maître legitime, auquel il fit tout le mal qu'il put, par lui-même & par fes Emiffaires.

Avant que de partir d'Italie, pour re tourner en Caftille, le Roy voulut finir fa glorieufe Campagne par le Siege & la prife de Guaftalla, Place importante. Ce Prince vifita plufieurs fois la tranchée, & les poftes les plus avancez, avec un fang froid, qui marquoit beaucoup d'intrépidité; il faifoit diftribuer de l'argent aux Soldats, pour les encourager à bien faire leur devoir. Il accorda une Capitulation honorable à l'Infanterie Imperiale qui gardoit la Place, & qui en fortit avec Armes & Bagages, Tambour battant, Méche allumée, Drapeaux déployez, & des munitions pont tirer vingt coups chacun, afin d'adoucir un peu leur chagrin par ces marques exterieures d'honneur.

D'un autre côté, les Imperiaux eurent de quoi fe confoler de la perte deGuaftalla, par le Siege & la prife de Landau. La conquête de cette Place importante fut le coup d'effai du Roy des Romains. Le Sieurde Melac Gouverneur de la Ville, aprés une longue & vigoureufe réfiftance, voyant fa Garnifon réduite à un petit nombre de Soldats, dont la moitié étoient malades, ou bleffez, jugea à propos de capituler au bout de trois mois de Siege, pour fauver ce rete de braves Soldats qui s'étoient fignalez par plufieurs belles actions. Il fit donc battre la chamade le neuf de Septem

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