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à la gauche, pour aller à Sceaux, où ils fe féparerent pour ne plus fe revoir jamais, Le Duc de Bourgogne, & le Duc de Berri partirent avec le Roi leur frere, & l'accompagnerent jufques fur la frontiere qui fépare les deux Royaumes. Ils arriverent le vingt-uniéme jour de Janvier 1701. à faint Jean-de-Luz, d'où ils fe féparerent au bout de trois jours. Cette féparation fe fit dans l'Ifle des Faifans, où le mariage de la Reine Marie Therese avoit été conclu par le Cardinal Mazarin, & Dom Louis de Haro. Un grand nombre des principaux Seigneurs Efpagnols attendoient le Roi fur la frontiere, & le conduifirent comme en triomphe à Madrid, où tous les peuples témoi gnoient le defir, & l'impatience qu'ils avoient de le voir.

1701. Sur la route nonobftant les fatigues du voyage, le Roi d'Efpagne s'enfermoit tous les jours avec le Duc de Beauvilliers, & le Duc d'Harcourt, pour s'inftruire des affaires de fon Royaume. Le vingt-unićme de Janvier étant arrivé à l'Ile de la Conférence, où la paix des Pyrenées avoit été concluë, il fe fépara des Princés fes freres le Duc de Bourgogne, & le Duc de Berri; il les embraffa en pleurant, & leur donnant toutes fortes de marques d'une amitié fincere, tous les affistans EL

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pagnols & François en parurent attendris. Les Gardes & la Maifon du Roi l'attendoient à Iron, qui n'eft éloigné que de cinq ou fix cens pas du lieu où les Princes le féparérent. L'Evêque de Pampelune fut L'Evêque le premier qui le reçut, & le complimen- de Pampeta depuis qu'il eut mis le pied en Efpa- pimente gne. Le premier acte d'autorité que fit le le Roi Phi. lippe V. Roi en entrant en Efpagne, fut de nommer le Comte de Palma Viceroi de Gatalogne à la place du Prince Darmftat. Com me il étoit à propos que la Reine douairiere fortît de Madrid avant que le Roi y arrivát, il lui donna le choix des Villes de Valence, de Grenade, & de Cordove pour fe retirer; mais comme la faifon étoit trop rude pour faire un long voyage, elle opta la ville de Tolede pour y faire fa demeure avec la permiffion de fa Majesté; elle partit de Madrid le deuxième jour de Février, elle arriva le lendemain à Tolede, & fe logea dans la maifon du Cardinal Portocarrero, en attendant que le Palais de la feue Reine Mere du Roi Charles II. fût préparé pout la loger.

On fut affez étonné à Madrid quand on fçut que l'Inquifiteur general, l'un des fix Regens, avoit reçu un ordre exprès du Roi, de fortir de la Ville dans vingt-quatre heures, & d'aller refider à Segovie, dont il étoit Evêque, il obéit, & partit

dès le lendemain. Le Comte d'Averfberg Refident de l'Empereur, fut prié de la part des Régens de fortir de Madrid avant l'arrivée du Roi, à moins qu'il n'eût ordre de le reconnoître. Il voulut s'en excu fer, difant qu'il n'étoit plus revêtu d'aucun caractere de Miniftre public, & qu'on ne devoit le regarder maintenant que comme un fimple particulier. Le Confeil n'eut point d'égard à fes remontrances, & donna auffi ordre de fortir de la Ville au Marquis Ariberti, Envoyé de l'Electeur Palatin; parce que fon Altesse Electorale n'avoit point fait de réponse à la lettre par laquelle on lui avoit notifié la proclamation du nouveau Roi d'Efpagne.

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De même les Etats Generaux fembloient balancer fur le parti qu'ils avoient à prendre dans cette conjoncture. Ils faifoient de tous côtez de grands préparatifs de guerre, & des négociations pour conclure de nouvelles alliances.Cependant le vingt-uniéme jour du mois de Février leurs Députez mirent entre les mains du Comte d'Avaux un Mémoire par lequel les Etats Generaux reconnoiffoient le Roi

d'Espagne, avec affurance qu'ils fouhaitoient de maintenir avec fa Majefté Catholique la bonne intelligence qu'ils avoient toûjours entretenue avec le feu Roi fon prédeceffeur.

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arrive aux

Ce ne fut que le 18. du mois de Février fur les cinq heures du foir que le Roi d'Epagne arriva aux portes de Madrid: il n'entra portes de pas dans la Ville; il alla au Palais du Buen- Madrid. retiro qui en eft tout proche. Ce Prince avant toutes chofes alla rendre graces à Dieu dans l'Eglife de Nôtre-Dame d'Atocha, très-celebre en ce pays-là. Le Cardinal Portocarrero reçut fa Majefté à l'entrée du Palais, avec plufieurs Grands d'Efpagne qui l'y attendoient.

Dès le lendemain au matin le Roi travailla avec les Miniftres aux affaires du Gouvernement, & il a toûjours continué depuis avec une application peu ordinaire aux Princes de fon âge. La patience & la douceur qu'il témoigne en recevant tous les placets qu'on lui prefente, lui attire l'amitié, & les bénédictions de tous fes fujers. Ils furent principalement charmez d'une action de piété que fit le jeune Prince à la vûë de tous les habitans de Madrid. Il rencontra un Prêtre qui-venoit de porter le Viatique à un Moribond. Le Roi defcendit incontinent de cheval, & fuivit à pied le caroffe où le S. Sacrement étoit porté par le Prêtre felon la coûtume du pays, & l'accompagna jufqu'à l'Eglife Paroiffiale. Les Efpagnols font naturellement fort fenfibles aux démonstrations extérieures de pieté. Ce que fit le Roi

Les Hol

les Anglois

en cette occafion redoubla l'affection que l'on avoit déja pour fa Majefté. Une autre affaire acheva de les perfuader de fes bonnes intentions, & de l'équité de fon Gouvernement. Le feu Roi Charles II. avoit fufpendu le payement de toutes les penfions; Philippe V. les rétablit dès fon premier avenement à la Couronne, quoique les finances ne fuffent pas en trop bon état. Comme plufieurs grands Seigneurs étoient intereffez en cette affaire, elle fit beaucoup d'honneur au Prince, & lui attira, des éloges de tous côtez. Quoique les Etats de Hollande euffent landois & decl ré par un Acte authentique qu'ils redeman connoiffo ent Philippe V. en qualité de d'nt des Roi d'Efpagne; cependant ils s'aviferent dans la fuite de demander fix Villes des Pays-Bas Espagnols, pour y mettre des Garnifons Hollandoifes, & pour en faire une barriere entre la Hollande & les Etats du Roi d'Efpagne. Le Roi d'Angleterre à l'exemple des Hollandois demanda aussi deux Ports de Mer appartenants au Roi d'Efpagne, pour en faire des Places de fureté. Le Comte d'Avaux Ambaffadeur extraordinaire du Roi de France auprès des Etats Generaux leur dit de la part des deux Monarques qu'il n'y avoit point de réponse à faire à de pareilles propofitions, qu'ils devoient fe repofer fur le Traité

Places de
Jûreté.

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