17.04. CHAPITRE IV. L'Empereur fait prendre à l'Archiduc l'e titre de Roi d'Espagne. Il s'embarque pour aller à Lisbonne. Il fait publier un Manifefte pour appuyer fes droits fur la Couronne d'Espagne. Philippe V. en fait autant. L'Archiduc fon fils le titre de Roi d'Ef'Empereur après avoir fait prendre a pagne, fe trouvoit dans de grands embarras pour le foûtenir. Il fit prefenter au commencement du mois d'Avril un Mémoire à la Reine d'Angleterre, pour lui expofer la preffante néceffité où l'Empire fe trouvoit réduit depuis que le Duc de Baviere avoit fait entrer une armée Françoife jufques dans le cœur de l'Allemagne: Outre ce malheur, le Prince Ragotzi échapé des prifons de l'Empereur, venoit de faire foulever les Hongrois, qui mettoient en défordre les Païs Héréditaires. Dans ces circonstances fâcheufes, il étoit d'une néceffité abfoluë d'envoyer un bon corps de troupes au fecours de l'Empire. La Reine d'Angleterre fe rendit aux preffantes follicitations de l'Empereur, & fit partir fur le champ, à la tête de fon armée, le Duc de Marleboroug, qui fe rendit en Allemagne à grandes journées, nonobftant tous les obitacles d'une marche longue & pénible, au travers de l'Electorat de Cologne, paffa le Mein, & s'avança vers le Danube avec une diligence incroyable. Il campa fur les bords de ce Fleuve, après avoir joint l'armée du Prince Louis de Bade. Cette armée ayant pénétré jufques fur les frontiéres des Etats du Duc de Baviere, les Généraux réfolurent de concert d'entrer d'abord en action, & d'attaquer la ville de Donawert, fituée fur le Danube, près de l'embouchure du Lech: c'étoit la premiere Place qui défendoit l'entrée de Baviere. Le Comte d'Arco comman doit dans la Place avec une nombreuse garnifon. Il y avoit autour de la Place dixhuit mille hommes retranchez pour la défendre. Cependant le Duc de Marlebo roug en arrivant, fut d'avis de les attaquer, fans donner à fes troupes le tems de fe repofer, après une marche pénible, pendant un tems pluvieux, qui rendoit les chemins incommodes. Ce combat ne commença que vers les fix heures du foir. Les Alliez après avoir été repouffez deux fois par les troupes de France & de Baviere, forcerent enfin les retranchemens, où ils firent un grand carnage,& mirent le refte en fuite. 1 Ce premier fuccés fut comme l'époque fatale des difgraces qui arriverent dans la Luite aux troupes des deux Couronnes pendant tout le cours de cette guerre. Ce fut au contraire l'époque heureufe de cette longue profperité avec laquelle les troupes des Alliez firent la guerre en Allemagne, en Flandre, en Italie, où elles gagnerent tant de victoires mémorables, qui les rendirent les maîtres de plufieurs Provinces. Le combat ne dura qu'une heure & demie, cependant près de dix mille hommes pé sirent, avec une perte égale des deux côtez, tant l'acharnement fut grand. Les riaux s'em Bavarois abandonnerent quinze piéces de parent de canon, leurs munitions, leurs provifions, les tentes, & tout le bagage. Certe victoire donna aux Imperiaux une libre entrée dans la Baviere. L'Electeur fut obligé de fe retirer fous le canon d'Aufbourg. Il donna ordre à la garnifon de Donawers de fe retirer & de brûler tous les Magafins ; mais les ennemis les prévinrent, empêcherent l'execution de fes ordres, & s'emparerent de la Ville. LesImpe toute la Baviere, L'armée victorieufe entra en Baviere, prit plufieurs Places, & mit tout le Païs fous contribution. Les François n'oublie rent rien pour fecourir le Duc de Baviere, dans le malheur où il fe voyoit réduit. Qutre les troupes que le Maréchal de Marlin avoit en Baviere, le Maréchal de Tallard eut ordre de marcher de ce côtélà, à la tête d'une grande armée, & de s'approcher du Danube en toute diligence. Lorfque l'Archiduc débarqua à Lifbonne, il y conduit neuf mille foldats, que la Reine d'Angleterre & les Etats de Hollande lui avoient donnez. Il répandit en arrivant plufieurs copies d'un Manifeste, dans lequel il difoit qu'il n'avoit d'autre deffein que de délivrer fes bons fujets les Efpagnols de l'esclavage fous lequel ils gémiffoient depuis l'invafion du Duc d'Anjou. C'eft ainfi que l'Archiduc parloit de l'entrée du Roi Philippe V. en Efpagne. Je fuis venu, ajoûtoit-il dans fon Mani fefte, prendre poffeffion d'une Couronne qui m'appartient légitimement. Il offroit une amnistie generale à tous ceux qui dans T'efpace de trente jours viendroient se join dre à lui; au lieu que tous les autres feroient regardez & traitez comme ennemis, traîtres à leur legitime Souverain, & foû, mis à toutes les peines qu'i's méritoient en cette qualité. Philippe V. de fon côté fit auffi publieg un Manifefte, pour battre l'Archiduc de fes propres armes. Il fit publier à la tête de fon armée un ordre à toutes les troupes, pour entrer inceffamment en Portugal ས་ག Le Roi d'Espagne : & y commencer la guerre Défendant toutefois, fous peine de la vie, d'y faire aucun prifonnier, ni d'offenfer perfonne, à la réserve de ceux que l'on trouvera les armes à la main; de piller, de commettre aucune in ulte, d'offenfer les femmes, les enfans, les Ecclefiaftiques, les Religieux, fous les mêmes peines. Dans le Manifefte, & la Déclaration de & l'Archi- guerre que Philippe V. fit publier en ce duc font tems-là, il difoit qu'il étoit de notoriéte publier des Manifeftes, publique qu'il étoit parvenu à la Couronne d'Efpagne par le droit de fa naiffance, reconnu par le feu Roi Don Charles II. fon oncle, lequel par cette raifon l'avoit institué dans fon Teltament feul légitime heritier de toute la Monarchie Efpagnole ; & que tous les fujets qui la compofent l'avoient reconnu en cette qualité. Le Pape, les Rois de France & d'Angleterre, les Rois du Nord, & même le Roi de Portugal le reconnoiffoient depuis quatre ans, fans que la guerre allumée par l'Empereur & fes Alliez en Italie, & dans les Païs-Bas, eût été capable de faire douter de fon bon droit, ni de rallentir le zele & la fidelité de fes fujets. Il fe plaignoit que le Roi de Portugal eût manqué non-feulement aux Traitez de ligue offenfive & défensive conclus avec les deux Couronnes, mais qu'il fe fût encore départi de la neutralité |