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0941987-190

DÉDICACE

AU PEUPLE BELGE.

Renaissez parmi nous, nobles mœurs de nos pères,
Valeur, foi, loyauté, vertus héréditaires !

RECEVEZ ici les témoignages de ma gratitude, ô Belges, mes amis, peuples hospitaliers, déjà chantés par moi! La reconnaissance, vertu aujourd'hui ignorée chez les hommes, m'engage à vous offrir cet ouvrage; il est digne d'être lu par vous: peut-être, votre caractère un peu grave ne s'accommodera-t-il pas de mes vives saillies, demon humeurun peu légère; peut-être même ces souvenirs ne devraient-ils point paraître augrand jour que lorsque je n'aurai plus rien à redouter..., que lorsque la vérité hardie pourra jaillir et répandre toute sa lumière. Cependant la crainte est une faiblesse que j'ai appris à mépriser, en sage instruit à l'école

des révolutions. Dans toute ma vie, je n'en ai connu que le nom; mais jamais, ni devant le courroux ministériel, ni sous le poids des fers, je n'en ai éprouvé le sentiment. J'ai été persécutée au milieu de vous, froissée par le malheur, dévorée d'inquiétudes et de chagrins la vigueur de mon esprit n'a : pu être ébranlée par de telles épreuves. Je voudrais n'accuser personne, car les récriminations répugnent à mon cœur ; mais il faut se résoudre à rompre le silence, puisqu'il s'agit de mon honneur. Belges, ô Belges! je posai le pied, une première fois, sur la terre du bonheur et de la liberté en 1818. Personne, plus que moi, n'a su apprécier votre gouvernement doux, paternel et clément; il m'était, sans doute, réservé de le faire; quel sujet de méditation et pour vous et pour moi!!!! Toutes les choses possibles, qui échappent à nos regards au sein du bonheur, se sont offertes à mon imagination et à mon cœur dans la prison de Bruxelles; je me suis gardée jusqu'à cet instant de chercher à découvrir les coupables auteurs de mes maux..... Aussi puis-je répondre, avec la même fermeté que le faisait

Scipion à Claudius: S'il est vrai que je n'ai point cherché à savoir les noms de tous les Romains qui m'ont persécuté, du moins j'ai tâché de faire en sorte qu'il n'y eût aucun d'eux qui ne connút le mien.

Année mémorable de 1821, tu fus l'époque de la plus grande faute que j'aie commise en ma vie, et qui,momentanément, a plongé mon destin dans un abîme d'infortunes. Belges, je ne fus jamais plus digne d'éloges; les plus douces pensées flattaient mon imagination; séduite par un espoir trompeur, je m'affermis dans le dessein que j'avais formé de retourner à Bruxelles, sans m'occuper de tous les périls qui semblaient m'environner, sans songer, sans m'arrêter aux inquiétudes auxquelles je m'exposais.

Pourquoi dissimuler ici une vérité trop sensible et que je dois publier? Nous sommes tous dominés par l'amour de la gloire, et les cœurs les plus nobles sont ceux sur qui elle exerce le plus d'empire. J'ai essayé d'offrir un tribut d'éloges à d'augustes princes, et je me flatte que vous reconnaîtrez que je n'ai affaibli ni exagéré leur éloge.

Belges, voilà mon crime, voilà mon seul crime! la reconnaissance! C'est ici la partie imposante de ma cause, j'avais fait naître des lauriers au milieu d'une terre étrangère!!! *. Combien le malheur a dû les flétrir! (Quel auteur éprouva jamais une pareille humiliation?) Les vents impétueux et jaloux m'ont brisée contre un écueil. Dans cette tourmente affreuse aucun pilote ne s'est présenté pour me tendre une main généreuse. Sans la Providence, qui veille sur moi, je devais nécessairement succomber!!!

Cependant ce n'est point la satire de votre gouvernement que je vais entreprendre, mais

* Madame la baronne d'Estorff, dame du palais, ayant soumis à S. M. la reine l'exemplaire des œuvres que Mlle Lenormand, de Paris, lui avait adressé à cet effet, est chargée, de la part de S. M. la reine, de la remercier, en lui transmettant la bague ci-jointe, qui lui parvient plus tard parce qu'elle avait quitté Bruxelles à l'époque où Mme la baronne d'Estorff s'est empressée de s'acquitter des ordres reçus à cet égard; et elle saisit aujourd'hui cette occasion pour offrir à Mlle Lenormand ses re

*

*La lettre de Madame la baronne d'Estorff et la bague dont S. M. la reine a daigné me gratifier m'ont été remises à Paris, par M. l'ambassadeur du royaume des Pays-Bas.

celle de quelques abus que je vais signaler! Des agens provocateurs minent sourdement un trône occupé par un sage? S. M. Guillaume 1er ne rêve que le bien, il lui manque un Sully pour pouvoir l'opérer? De là naît une foule d'abus. La vérité, cette vérité sublime, l'unique palladium des lois, des libertés, reste voilée dans son temple. Un sombre murmure retentit sous les voûtes consacrées à Thémis! Le mensonge et la całomnie assiégent les palais des grands....!

mercîmens de l'exemplaire qu'elle a bien voulu lui envoyer, en la priant d'agréer l'assurance de son estime très-distinguée. Bruxelles, 29 décembre 1818.

Leurs altesses royales le prince et la princesse d'Orange ont bien voulu agréer les œuvres de Mlle. Lenormand de Paris, accepter la dédicace d'un nouvel ouvrage qu'elle est sur le point de publier (la Sybille au congrès d'Aix-la-Chapelle,) et permettre qu'il paraisse sous la protection et l'éclat de leur nom illustre. M. le colonel du Caylar, premier aide-decamp de son A. R., lui a remis, au nom du prince et de la princesse, une bague magnifique enrichie de diamans, dont ces augustes et généreux protecteurs des lettres, ont daigné la gratifier.

(Extrait de l'Oracle de Bruxelles, du Journal de la Belgique, 17 décembre 1818.) Toutes les feuilles allemandes et françaises, etc., etc., l'ont répété.

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