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belles. Ces jolis animaux, dit M. Audouin, sont parmi les insectes ce que les oiseauxmouches et les colibris sont parmi les oiseaux. Avant de briller entre les plus gracieuses créatures de l'air, les papillons passent, au sortir de l'œuf, par des états fort différents, et, par un contraste assez étrange, ils causent sous la première forme autant d'horreur qu'ils inspirent d'intérêt sous la dernière. Leur laideur dans leur vêtement en forme de chenille est passée en proverbe, mais assez injustement, car il est des chenilles fort belles et ornées des teintes les plus suaves. Ces chenil. les se nourrissent sans exception de végétaux; quelques larves de petite espèce mangent de la cire, diverses graisses, et attaquent nos étoffes de laine; cependant on peut dire que nul papillon n'est positivement carnassier. Durant leur existence aptère et rampante, on les voit, sous la figure de vers, composés de dix anneaux, non compris la tête qui est formée de deux gros yeux et de puissantes mandibules, avec des mâchoires propres à couper et à broyer, mâchoires qui doivent s'oblitérer pour faciliter la succion dans l'état parfait. Les chenilles ont en outre des pattes écailleuses postérieures, destinées à cramponner l'animal sur les divers corps où il rampe, et d'autres pattes antérieures, qui sont des crochets durs. Dans celles qu'on appelle arpenteuses la par. tie mitoyenne du corps est dépourvue de pattes quelconques, et il en résulte une manière toute particulière d'ambulation, qui consiste en ce que l'animal, ayant saisi de ses pattes antérieures un point d'appui, se courbe en rapprochant tout contre les pattes postérieures; aussitôt qu'il s'est cramponné par leur moyen, il s'étend de toute sa longueur en avant, saisit encore un nouveau point d'appui, en rapprochant successivement la partie postérieure, et avance de la sorte assez vite en réitérant sa manœuvre.

Après avoir changé plusieurs fois de peau, les chenilles se préparent à passer à la forme aérienne par un sommeil léthargique, sous une forme intermédiaire. Pour ne pas demeurer durant ce long repos exposées sans défense à leurs ennemis, elles recherchent quelque abri, où plusieurs se suspendent saus enveloppe par leur extrémité postérieure, en s'attachant par le milieu du corps au moyen d'une ceinture de soie; d'autres se filent des coques soyeuses, souvent environnées d'enduit impénétrable. Alors, se dépouillant d'une dernière peau, qui était ce qui lui restait de la chenille, apparaît la chrysalide ou nymphe, vulgairement appelée fève, sans pattes apparentes, immobile, et comme insensible. Voyez METAMORPHOSES.

Le papillon, selon son espèce, demeure plus ou moins de temps dans cet état d'en

gourdissement, où se prépare un changement total, dont on peut déjà discerner les formes rudimentaires à travers l'enveloppe assez dure qui revêt la chrysalide; il en sort enfin en brisant cette enveloppe, et, après avoir séché ses ailes en les étendant, on le voit s'élancer dans les airs, mu par un nouvel instinct qui résulte de nouveaux besoins. C'est seulement alors que se fait sentir pour lui le besoin de la reproduction, et qu'un sexe y cherche l'autre. L'éducation des vers à soie, qui sont des papillons, peut être proposée, par exemple, dans l'observation des métamorphoses de toute la classe.

Le nombre des papillons connus est aujourd'hui immense, et surpasse à lui seul le nombre de tous les insectes qui furent connus de Linné. On recherche beaucoup ces brillants animaux dans les collections, où l'on doit avoir soin de ne pas les tenir exposés à une trop vive lumière, parce que leurs couleurs s'y affaiblissent ou même disparaissent. Pour les ranger méthodiquement, on les a divisés en trois grandes familles, qui dans les ouvrages de Linné furent simplement les trois genres papilio, sphinx et bombix. Ces trois genres, élevés au rang de familles, sont aujourd'hui appelés des diurnes, des crépusculaires et des nocturnes, désignations qui indiquent à quelles heures voltigent de préférence les espèces qu'on range dans chacune d'elles.

Parmi les diurnes brillent en Europe co élégants et délicats polyommates que le nombre des taches en forme d'yeux, dispersées sur leurs ailes d'azur, firent aussi appeler argus; les nacrés, dont les ailes postérieures sont en dessous marquées de plaques brillantes, qu'on dirait être de nacre, d'argent ou des miroirs; les porte queue, qui sont terminés par des den. telures plus ou moins allongées; les sylvains, dont les teintes sombres ne sont pas sans élégance, et qui se tiennent dans les bois, avec tant d'autres espèces diaprées de rouge, de noir, de jaune, de blanc ou d'un vert métallique. L'espèce la plus commune en Europe est le papillon du chou, dont la chenille est l'un des fléaux de nos jardins. L'apollon, qui est aussi une espèce à fond blanc, mais rehaussée de belles taches rouges, se tient au voisinage des glaciers, dans les hautes montagnes.

Parmi les crépusculaires sont ces grosses espèces à antennes prismatiques, à ailes étroites, mais allongées et puissantes, qui font entendre vers le soir, autour des fleurs de nos parterres, un bourdonnement assez extraordinaire. Leurs couleurs ne sont pas brillautes comme celles des diurnes, mais elles n'en sont pas moins distribuées de la manière la plus élégante. Entre les mieux favorisés sous ce rapport on doit citer le sphinx du nérion, qui est vert et rose, comme s'il tenait des

teintes du feuillage et de la fleur du bel arbuste qui nourrit sa chenille. C'est encore à cette famille qu'appartient l'atropos, vulgairement appelé téte de mort, à cause de l'image roussâtre d'une tête de mort que cet animal, de stature pesante, et varié de nuances vives, mais lugubrement réparties, porte sur son corselet.

Enfin les nocturnes, qui sont les plus nom. breux et qui semblent redouter l'éclat du jour, varient beaucoup plus par leur taille que par leurs nuances. Si parmi eux on peut citer l'atlas et le paon de nuit, dont les ailes ont souvent de huit à dix pouces et plus d'ouverture, on peut aussi trouver dans la nombreuse tribu des teignes, qui sont aussi des papillons, des espèces presque imperceptibles. Voyez LÉPIDOPTÈRES.

BORY DE SAINT-Vincent. PARABOLE. (Géométrie.) Étant donnés un point fixe ou foyer F et une droite indéfinie QQ' appelée directrice, la parabole est une courbe MAM' (Voyez l'Atlas, GÉOMÉTRIE, pl. V, fig. 63), dont chaque point M est à la même distance du foyer et de la directrice, MFMQ. Prenons pour axe des x la perpendiculaire DAx menée par le point F sur QQ', et pour origine des coordonnées x et y, le milieu A de la longueur FD. D'après la génération, le point A est sur la courbe, puisque AF AD; on le nomme sommet: Ay, parallèle à QQ, est l'axe des y.

=

:

AP et PM sont les coordonnées x et y du point M faisant AD=AF=p, on a FM2 =y2+FP2=y2 + ( x − { p )2; QM=DP =x+p; ainsi, d'après la définition, y2 + ( x − ¦¦ p )2 = (x+¦p)2; développant les carrés et réduisant, on trouve y2 = 2px pour l'équation de la parabole. Cette courbe est indéfiniment ouverte d'un côté, et symétrique de part et d'autre de son axe Dx. Le rayon vecteur est FM=z=x+ip: on appelle p le paramètre.

On démontre par la méthode des tangentes que la soutangente TP est double de l'abscisse, ou ATAP; et que la tangente TM coupe par moitiés l'angle QMF.

Toute équation du second degré à deux variables, Ay+Bxy+Cx2+...o, ap. partient à une parabole, lorsque B2 — 4 AC =0, c'est-à-dire quand les trois premiers termes forment un carré parfait. Telle est, par exemple, l'équation (2y - 3,x)2=5y: on pourrait, par une transformation de coordonnées, ramener cette équation à la forme y2=2px.

La parabole n'a ni centre ni diamètres consignés. Toute parallèle MO à l'axe Ax coupe par moitiés un système de cordes mn parallèles à la tangente au point M.

Par les quadratures, on trouve que la

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La parabole jouit de plusieurs propriétés curieuses.

1° Cette courbe est une section conique; on l'obtient en coupant un cône droit par un plan parallèle à une génératrice.

2o C'est une ellipse dont le grand axe est infiniment allongé. L'orbite des comètes n'est visible pour nous que près du sommet ou pé. rihélie; elle se confond alors avec une parabole, et il suffit de trois observations pour connaître tout le cours visible de l'astre.

3o On prouve en mécanique qu'un corps pesant lancé obliquement à l'horizon, dans le vide, décrit une parabole symétrique de part et d'autre de la verticale menée par le point culminant, qui est le sommet. Il existe deux inclinaisons qui conduisent un projectile, lancé par une force donnée, d'un point à un autre, sur le même plan horizontal; ces deux directions font un angle égal, l'un en dessus, l'autre au-dessous de la ligne, à 45 degrés.

On nomme courbes paraboliques toutes les lignes qui ont leur équation comprise dans la forme.

y=a+bx+cx2+dx3+ etc.

Comme chaque valeur de z répond à une valeur réelle et unique de y, la courbe a un cours continu depuis l'infini négatif jusqu'à l'infini positif; elle ne forme ni nœuds, ni duplicatures, ni lacunes, mais peut accomplir des serpentements successifs, comme dans la fig. 64.

FRANCOEUR.

PARADIS. (Histoire religieuse.) C'est le nom que les chrétiens donnent au séjour ré. servé aux élus, au lieu mystérieux et invisible dans lequel les âmes jugées dignes de la récompense éternelle doivent aller jouir, près de Dieu, de l'infinie béatitude.

Ce mot est la transcription française du grec ларádεtoos, lequel est lui-même dérivé du chaldéen pardes, employé en plusieurs passages de la Bible, dans l'accéption de verger, parc, jardin, et qui se retrouve en sanscrit, en arménien, en syriaque, en persan, en arabe, sauf de légères altérations conformes au génie particulier de ces langues, avec le sens de terre étendue et bien cultivée.

Le mot paradis, яaрáčetσoç, a servi dans la version des Septante à rendre le nom qui est donné au lieu habité par Adam et Ève avant leur chute, et que le texte hébreu appelle proprement le jardin d'Éden. Plus tard,

les chrétiens hellénisants ont étendu cette expression au séjour des élus; et dès lors, afin de distinguer les deux paradis, que certains chrétiens regardaient du reste comme identiques, on a ajouté l'épithète de terrestre au mot paradis lorsqu'il désigne le jardin d'Éden, et réservé le mot pur et simple de paradis au paradis céleste, au séjour des bienheureux.

1. Paradis terrestre.

La détermination de l'emplacement du jardin d'Éden a été l'objet de nombreuses recherches de la part des érudits et des théologiens. Ceux-ci se sont en effet généralement accordés, en présence du texte formel de la Genèse, qui nomme deux fleuves de la Chaldée, l'Euphrate et le Tigre, parmi ceux qui arrosaient l'Éden, à regarder ce lieu comme ayant occupé un emplacement matériel, et répondu à un point déterminé de l'ancien monde. On a au reste beaucoup varié sur l'assimilation des deux autres fleuves mentionnés, et tour à tour l'Éden a été étendu aux proportions d'une région immense, ou resserré dans les bornes d'un très-petit territoire. Daniel Huet, évêque d'Avranches (1), J. Hardouin (2), D. Calmet (3), Étienne Morin (4), C. F. Bahrdt (5), J. A. Kayser (6), K. Michaeller (7), J. Schulthess (8), Rosenmüller (9), Winer (10), Beke (11), ont tour à tour traité cette intéressante question.

Entre toutes les hypothèses qui ont été proposées sur l'emplacement du paradis terrestre, celle qui nous semble la plus vraisemblable a été émise, il y a quatre ans, dans une dissertation publiée à Londres, sous ce titre : A Commentary on Genesis, c. 11, v. 10, by W. A. C., et l'analyse en est consignée dans le Bulletin de la Société de Géographie de Paris, août 1848. L'auteur adopte en partie les idées de Daniel Huet, en les modifiant, de manière à lever les difficultés que cet illustre prélat n'avait pas résolues. Il fait remarquer que, d'après la Genèse, le fleuve qui arrosait le jardin de l'Éden ne se partageait pas en quatre fleuves, comme on traduit généralement

(1) De la situation du Paradis terrestre; Paris,

1691.

(2) De situ Paradisi terrestris, excurs. ad Plin. H. N. lib. VI, t. 1, p. 389 sq.

(3) Dictionnaire de la Bible, art. PARADIS. (4) De Paradiso terrestri, en tête de la Géographie sacrée de Bochart.

(B) Eden, das ist Beitr. über d. Paradieses ; Francf.,

1772.

(6) Das geretteste Eden; Francf, 1772.

(7) Das neueste über die geographische Lage d. in dischen Paradieses; Vienne, 1796.

(8) Das Paradics, das Indische und Uberindische, historische, mythische und mystische; Zurich, 1806. (9) Handbuch d. biblisch. Alterlhumskunde, t. I, p. 172 sq.

(10) Biblisches Realwarterbuch, art. ÉDEN. (11) Horw biblica.

ce passage, mais se divisait vers quatre sources, c'est-à-dire était formé par la réunion de quatre rivières. De ces quatre rivières deux ne sont l'objet d'aucune difficulté: ce sont l'Euphrate et le Tigre. Le premier de ces fleuves coule à l'ouest; le second à l'est. Ce qui donne à supposer qu'en citant les quatre rivières de l'Éden, Moïse procédait de l'est à l'ouest. Or, une première donnée, qui vient jeter une vive lumière sur la question, c'est que l'Euphrate et le Tigre se réunissent à Corna pour former le Schatt-el-Arab ou fleuve des Arabes, et qu'une tradition locale place précisément le jardin d'Éden aux environs de

Corna. M. W. A. C. reconnaît ensuite le Géhon, lequel doit être cherché à l'est, dans le Kerkhah, qui se jette dans le Schalt-el-Arab, et qui pour la longueur de son cours et le volume de ses eaux est peu inférieur au Tigre luimême. Son ancien nom de Géhon semble même se retrouver dans celui de Koon ou Koun que porte un de ses deux affluents principaux. Il est dit dans la Bible que le Géhon entourait toute la terre de Cousch; et comme les commentateurs entendaient sous ce nom la terre d'Éthiopie, il en résultait à leurs yeux une grave difficulté. Mais l'auteur anglais reconnaît dans cette terre de Cousch le Kohistan ou Koschistan actuel, que le Koon ou Koun arrose précisément de ses ondes. Enfin M. W. A. C. identifie le Fison ou Phison au Haffar, appelé aussi Karoun, Pasitigris, c'est-à-dire Tigre persan, et Djidjlé Chaster, et qui a sa source au sud-ouest d'Ispahan, non loin de la frontière de Pars ou Fars, d'où paraît être venu au fleuve biblique son nom de Fison, Phison, qui rappelle ceux de Persia et de Parthia, dérivés de la même racine. La terre d'Havilah, qu'entourait le Phison, se retrouve dans le Ka'aban, ou terre de Ka'ab ou Chaab, dont le nom n'est, selon toute vraisemblance, qu'une altération du nom de Chavilah.

De ces rapprochements curieux l'auteur conclut que l'Éden s'étendait du point où le Karoun se décharge dans le Chatt-el-Arab jusqu'aux rivages du golfe Persique (environ 20 milles de longueur).

C'est donc, à notre avis, dans cette contrée qu'il faut placer le berceau des traditions relatives au paradis terrestre. Mais si, quant au fond, la conception de l'Éden repose sur des faits historiques et des données géographiques positives, on n'en saurait dire autant des détails que la Genèse y a ajoutés. On y reconnaît les traces de plusieurs mythes dépourvus de toute valeur historique. Ce qui est rapporté de l'arbre de la science du bien et du mal, de l'arbre de vie, se rattache à toute une famille de mythes qui se retrouve dans les religions des peuples de race sémitique et indo-euro.

péenne ou aryenne. Il est difficile de ne pas reconnaître le type de l'arbre de vie dans cette plante Hom, qui joue un si grand rôle dans la religion mazdéenne, et dont le jus donne l'im mortalité, la vie. Ce Hom, appelé aussi Gokeren (1), est identique au Soma (Asclepias acida) des Indous de l'âge védique, lequel était l'un des éléments essentiels du culte. On reconnaît également un souvenir de la légende biblique dans l'Amrita du brahmanisme (Voyez AMBROISIE). Dans le ciel d'Indra, disent les Hindous, il y a un arbre appelé Kat-PagaViroutcham, qui jaillit de l'Amrita, qui a été baratté par les dieux. Cet arbre Hom est le type de l'Auwuoc des Grecs, et de l'Hamamah des Orientaux (2).

La légende du jardin des Hespérides, situé comme le paradis terrestre, aux confins de l'univers, a trop d'analogie avec celle d'Adam et Ève mangeant la pomme, séduits par le serpent, pour qu'on ne pense pas que ces fables découlent d'un fonds d'idées commun (3); le dragon Ladon rappelle le serpent tentateur. Sur certains cercueils de momies on voit représen té un sujet que rappelle aussi ce mythe: l'âme du défunt reçoit le breuvage mystique de la déesse Netpé. Celle-ci est assise sur un arbre qui semble n'être autre que l'arbre de vie, et qui est placé dans un champ dont un serpent défend l'entrée (4). Dans la mythologie scandinave, l'histoire de la pomme dont Idoun a la garde, et qui a le pouvoir de rajeunir les dieux, dérive de la même source (5).

On reconnaît aussi quelque ressemblance avec l'arbre de la science du bien et du mal dans l'arbre Bodhi, en chinois Peïto, à l'ombre duquel Chakya-Mouni acquit la perfection de l'intelligence.

§ 2. Paradis séjour des bienheureux.

La croyance au paradis dérive directement de celle à l'immortalité de l'âme. Du moment que les hommes ont été conduits à croire qu'il y a au delà de cette vie une existence nouvelle, ils ont naturellement admis un séjour, un genre d'existence différent pour les bons et pour les mauvais. L'idée qu'ils se sont formée de ce séjour a été subordonnée au degré de développement de leur intelligence (Voyez ENFER). Plus leurs idées étaient grossières, exclusivement tournées vers les objets matériels qui les entouraient, plus il y avait d'analogie entre le séjour qu'ils attribuaient aux âmes vertueuses et celui dans lequel ils vi

(1) Boun-Dehescht, ap. Zend-Avesta, tom. II, p. 404. (2) Anquetil-Duperron, Usages civils et religieux des Parses ap. Zend-Avesta, tom. II, p. 333.

(3) Wolcker, Mythische Geographie d. Griechen und Romer, p. 67.

(4) Leemans, Lettre sur les monuments egyptiens. du musée de Leyde, p. 137.

(8) J. Gritom, Deutsche Mythologie, 2o édit., p. 296.

vaient. A leurs yeux le paradis n'était qu'une région délicieuse où le défunt retrouvait tout ce qui avait fait sa joie ici-bas. Telle est l'image que se formaient du paradis les tribus aborigènes de l'Amérique, les populations scandinaves et celtiques; tel est encore le tableau que les musulmans tracent à leur imagination de la félicité réservée aux vrais croyants. Les Indiens de la Nouvelle-Californie croient qu'ils auront, près de leur dieu Chinigchinig, de riches vêtements, du gibier en abondance, de belles femmes et des jeux de toute espèce (1). Homère nous donne de l'Olympe habité par les dieux une description qui répond à ces idées enfantines. « Ce séjour, dit-il, n'est point agité par les vents, n'est point inondé par la pluie; la neige n'y tombe jamais. Partout circule un air pur et serein qu'environne le plus brillant éclat; les dieux fortunés s'y réjouissent sans cesse (2). »

Ainsi que l'a judicieusement remarqué M. Fr. Zschokke (3), les paradis des peuples primitifs dans l'ancien monde ont été presque toujours de jolis jardins, des contrées agréables, des bocages délicieux. Tel était le paradis que les traditions des anciens Prussiens plaçaient entre Fischhausen et Pillau en Samland; tels étaient les bocages des champs Elysées que nous décrivent Virgile et Stace, et ceux dans lesquels les peintures égyptiennes offrent les âmes des justes errant en société avec les dieux, entre lesquels ils ont été jugés dignes d'être admis (4).

Cette conception enfantine et grossière se retrouve, dès les premiers âges de la Grèce, dans le mythe des îles Fortunées. On imaginait que ces îles étaient placées aux extrémités du monde, et que les dieux y transportaient ceux qui avaient mérité leur faveur. Dans Homère Protée dit à Ménélas : « Les dieux vous transporteront dans les champs Élyséens situés sur les confins de la terre, où se trouve le blond Rhadamanthe; c'est là qu'une vie facile est accordée aux humains; là vous n'aurez jamais de neige, ni de pluie, ni de longs hivers, mais sans cesse l'Océan vous enverra les douces haleines du zéphyr qui rafraîchit les hommes (5). » Cette croyance à des îles mystérieuses situées aux extrémités de l'univers, tantôt à l'Occident, comme les îles des Hespérides, lesquelles appartiennent à la même fable, tantôt à l'Orient, a fourni à Homère l'idée de l'île Schéria, demeure des Phéaciens, ainsi que

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l'un des plus savants archéologues de notre époque, M. Welcker, l'a si bien prouvé (1).

La conception de ces iles se confondait originairement avec celle des champs Élysées, que l'on transportait généralement aux extré mités de l'univers, dans la direction de l'Occident surtout, comme l'Amenti ou séjour des morts chez les Égyptiens. Cette confusion est manifeste dans la vision de Théocrite que Plutarque a placée dans son traité sur le démon de Socrate. Les Grecs supposaient que Kronos régnait dans ces îles, où le valeureux Achille avait été transporté (2). Lorsque les connaissances géographiques des anciens s'étendirent, on recula successivement l'emplacement des îles Fortunées. Des rives septentrionales du Pont-Euxin, de l'embouchure de l'Ister, près duquel les premières légendes rapportaient qu'Achille avait été conduit après sa mort, on les transporta au delà du détroit de Gadès. Plutarque (3) et Procope (4) placent ces lles non loin de la Grande-Bretagne, sans doute parce qu'il existait chez les populations celtiques de ce pays des traditions analogues à celles des îles des bienheureux chez les Hellènes. Ces traditions sont vraisemblablement celles qui se rapportent à l'île d'Avallon (5) ou d'Afallach, dans laquelle fut transporté Arthur, héros qui dans les traditions bretonnes occupe un rang analogue à Achille (6). Cette île d'Avallon était remplie de pommiers, ainsi que le rappelle la signification de son nom; et c'est là une circonstance qui rattache le mythe breton à la légende du jardin des Hespérides. Plutarque désigne sous le nom d'îles des Héros, ou des Demons, ces îles fabuleuses, qui étaient parfois identifiées à certaines îles réelles, peu fréquentées, désertes, et auxquelles se rattachaient, pour cette raison, des croyances su⚫ perstitieuses. Sur les sarcophages grecs et romains on voit souvent figurer ces démons ou héros, c'est-à-dire les âmes divinisées, car tel était le plus souvent le sens attaché aux mots δαίμονες, ἥρωες. Ils sont représentés par des enfants montés sur des dauphins, des hippocampes, des griffons marins, et conduisant

(1) Voy. Die Homerische Phæaken und die Inseln der Seligen, dans le Rheinisches Museum für Philologie, Jahrg. I, Heft. 2, 1832.

(2) Herod. Attic. Opera. ed. Fiorillo, p. 38. Ces îles des bienheureux sont plusieurs fois mentionnees dans les inscriptions funéraires; voy. Gori, Inscript. etrusc., t. II, p. 219.

(3) De Oracul. Defectu, 13.

(4) De Bello Gothico, IV, 20.

(s) Voy. sur l'ile d'Avallon, Werlauff, Bidrag til den Nordiske Ravhandels Historie, p. 108, 109. Cette ile paraît être la même que l'Abalus, que Pytheas nous représente comme abondante en ambre jaune, et que la Basilea ou Basilia (terre basse) mentionnée par Timée, Métrodore, Xénophon de Lampsaque, etc. Voy. Ukert, Geograph. der Griechen und Ramer, II,

497-531.

(6) Aug. Thierry, Hist. de la Conquête de l'Analeterre pars Normands, t. I, p. 22.

aux iles Fortunées, en compagnie avec les Néréides, le défunt ou la défunte dont les cendres reposent dans le sarcophage (1).

Lors de l'établissement du christianisme en Irlande les souvenirs de l'île d'Avallon et des iles Fortunées se confondirent avec les idées chrétiennes sur le paradis terrestre; et de cette confusion naquirent les histoires du paradis de saint Patrice et de l'ile saint Brandan, qui jouirent d'une si grande popularité au moyen âge. C'est à ces traditions païennes que se rattache également la légende de Thierna na oge, la terre de la jeunesse, séjour mystérieux que le paysan irlandais croit apercevoir dans le crystal des eaux des lacs (2).

Dans l'Inde, comme dans la Perse et l'Égypte, le tableau que l'imagination se traça des paradis fut marqué au coin de cet anthropomorphisme grossier, fonds commun de toutes les théogonies. Le Souarga des Indous, où l'or et les pierreries brillent de toutes parts et où les élus se nourrissent de beurre clarifié (3), le Gorotman des Perses sectateurs de Zoroastre, d'où s'exhalent des parfums délicieux, aussi bien que l'Asgard des Scandinaves, dérivent de la même conception enfantine.

Lorsque les idées sur la divinité commencèrent à se dégager des formes grossières sous lesquelles elles s'étaient éveillées pour la première fois dans l'esprit de l'homme, lorsqu'on ne conçut plus seulement les dieux comme des êtres supérieurs à l'homme en puissance, mais comme doués de vertus infinies, comme la source et le principe de tout ce qui est bon et beau, on plaça le bonheur suprême dans un commerce, dans une union intime avec les dieux. Le paradis fût des lors considéré comme le lieu où les hommes vertueux seraient unis aux dieux et partageraient leur félicité. Mais avant que cette idée élevée se fût totalement épurée, on se représenta cette union, ce com. merce avec les êtres supérieurs sous des traits absolument semblables à ceux du commerce, de l'union des hommes entre eux. On supposa que les élus seraient les convives, les commensaux des immortels, et le bonheur que l'on faisait découler de la société divine ne fut pas moins terrestre que celui qu'on avait accordé aux héros dans les îles Fortunées. Ce fut généralement dans les hautes régions de l'air (Voyez CIEL), au-dessous de la lune, que, conformément à une idée qui paraît être d'origine égyptienne, on plaça les âmes des justes.

« Les âmes de ceux que nous avons appelés immortels, dit Platon, après s'être élevées jusqu'au plus haut du ciel, en franchissent le

(1) De Clarac, Musée de sculpture ancienne et moderne, tom. II, I, p. 482, 483.

(2) Crofton Croker, Fairy Legends and traditions of the south of Ireland, part. III, p. 12.

(5) Lois de Manou, trad. par Loiseleur Deslongchamps, liv. I, st. 95.

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