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plus précises; les apparences extérieures et bientôt les caractères anatomiques et physiologiques allaient être pour Willis, Lorry et Plenck la base de toute classification. Parti du même point de vue que Plenck, Willan, au lieu de s'en tenir comme lui à l'apparence la plus frappante des maladies cutanées, établit sa classification d'après les caractères qu'elles présentent dans leur plus grand développement, dans leur période d'état et avant qu'elles éprouvent les altérations de la décroissance. Pendant que les auteurs anglais développaient cette méthode, une autre s'éleva en France, et brilla quelque temps d'un vif éclat, grâce à l'esprit de son auteur. Alibert adopta la classification de Galien, et distingua les maladies de la peau en deux ordres; il donna le nom de teignes à celles qui siègent à la tête, et celui de dartres à celles du corps, sacrifiant ainsi à une nomenclature vulgaire autant que peu précise. Ces deux ordres principaux furent subdivisés par lui en groupes nombreux, qu'il appela familles, cherchant à se rapprocher en pathologie de la méthode naturelle suivie par les botanistes. Mais l'élégance de sa parole ne put dissimuler ce qu'il y avait de peu rationnel et de confus dans sa classification; luimême en comprit l'insuffisance, et voulut la rendre plus claire. Il classa de nouveau les maladies de la peau, sous le nom de dermatoses, en groupes formés, les uns, d'après leur nature inflammatoire ou leur caractère fébrile, les autres, d'après leur siége, leur couleur ou leurs causes, et il réunit ces groupes comme des branches de ce qu'il appela l'arbre des dermatoses. Le talent d'Alibert faisait affluer les auditeurs à ses leçons, que suivaient des hommes haut placés dans la science; mais on sortait de son cours comme de celui d'un habile rhéteur du même temps, sans en rien emporter que le souvenir d'une heure passée le plus agréablement du monde.

Sa classification manquait d'unité ; il donnait trop d'importance à certains caractères secondaires, et dans ses descriptions poétiques plutôt que savantes on ne pouvait puiser une connaissance nette des maladies dont il faisait le tableau ; aussi quand les efforts de la nature ou des cataplasmes appliqués dans une intention perfide avaient détaché les croûtes de ses dermatoses, il devenait impossible au professeur de les caractériser, aux élèves de les reconnaître. On ne peut nier cependant qu'Alibert n'ait rendu de grands services à la science, en dirigeant l'étude et l'observation sur des maladies peu connues parmi nous.

Les leçons de Biett vulgarisèrent dans l'école française la classification de Willan et la thérapeutique énergique dont les auteurs anglais avaient les premiers donné les formules. C'est à cette méthode que se rattachent pres

que tous les ouvrages qui depuis quinze ans out été publiés sur les maladies de la peau. Ces affections ont été classées ainsi par MM. Cazenave et Schedel, élèves de Biett:

1o Exanthèmes, 2o vésicules, 3o bulles, 4o pustules, 5° papules, 6o squames, 7° tubercules, 8° macules.

Dans cinq autres ordres sont comprises les affections suivantes : lupus, pellagre, syphilides, purpura, éléphantiasis des Arabes, kéloïde.

On peut objecter que la pellagre, les syphylides, le purpura présentent des symptômes qui se rattachent à plusieurs des huit premiers ordres, et la nature de ces affections ne semble pas motiver leur classement en un groupe séparé. Telle syphilide, par exemple, devra nécessairement être décrite comme papuleuse, telle autre comme pustules, macules, etc.

M. Rayer trace un cadré plus large, et divise les maladies cutanées en quatre sections. La première comprend les maladies de la peau proprement dites, la seconde les altérations des dépendances de la peau, la troisième les corps étrangers observés à la surface, dans l'épaisseur ou au-dessous de cette membrane; la quatrième l'éléphantiasis des Arabes, affection qui n'influe que secondairement sur la peau, le bouton d'Alep, le pian et quelques autres maladies peu connues ou rares en Europe.

Nous empruntons au bel ouvrage de M. Rayer le tableau suivant, qui donne un résumé complet des maladies cutanées.

SECTION I.

MALADIE DE LA PEAU.

CHAPITRE I. Inflammations affectant une seule forme élémentaire.

Exanthèmes. Érythème, érysipèle, rougeole, roséole, scarlatine, urticaire, exanthèmes artificiels.

Bulles. Pemphigus, rupia, bulles artificielles (vésicatoires, etc.).

Vésicules. Herpès, eczéma, hydrargyrie, gale, suette miliaire, sudamina, vésicules artificielles.

Pustules. Variole, varicelle, vaccine, vacci. nelle, acné, couperose, sycosis, impetigo, fa vus, ecthyma, pustules artificielles.

Furoncle. Orgeolet, clou, anthrax. Gangrène. Pustule maligne, charbon, gangrène typhoïde.

Papules. Strophulus, lichen, prurigo, papules artificielles.

Squames. Pityriasis, psoriasis, lèpre, pellagre, squames artificielles.

Tubercule. Lupus, éléphantiasis des Grecs, cancer, tubercules artificiels.

§ II. Inflammation affectant plusieurs formes élémentaires.

Brúlure. Exanthémateuse, bulleuse, gangréneuse.

Engelure. Exauthémateuse, bulleuse, gangréneuse.

Syphilides. Exanthémateuse, bulleuse, vésiculeuse, pustuleuse, squameuse, papuleuse, tuberculeuse, végétante.

CHAPITRE II. Sécrétions morbides: Tannes, concrétions crétacées, tumeurs folliculeuses, enduit cérumineux, flux sébacé (acne sebacea de Biett).

CHAPITRE III. Congestions et hémorra gies cutanées et sous-cutanées. Cyanose, vibices, ecchymoses, pétéchies, purpura, dermatorragie.

CHAPITRE IV. Anémie.

CHAPITRE V. Névroses. Exaltation, diminution, abolition de la sensibilité d'une partie ou de la totalité de la peau, sans altération appréciable de cette membrane ou des centres

nerveux.

CHAPITRE VI. Vices de conformation congénitaux ou acquis. Appendices, fanons, cicatrices, hypertrophie, atrophie du derme et du réseau vasculaire, novus et tumeurs vasculaires, kéloïde. Décoloration : leucopathie (albinisme) générale ou partielle. Coloration: novus pigmentaire, éphélide, lentigo, chloasma, méladermie, ictère, teinte bronzée produite par l'usage interne du nitrate d'argent. Absence, épaississement, ramollissement de l'épiderme; ichthyose, appendices cornés, cors, désquamation des nouveaux-nés.

SECTION II.

ALTÉRATION DES DÉPENDANCES DE LA PEAU.

CHAPITRE I. Allération des ongles et de la peau qui les fournit. Onyxis: absence, défaut de développement, accroissement démesuré des ongles, changement de couleur, taches, désquamation, chute et reproduction des ongles, etc.

CHAPITRE II. Altération des poils et de leurs follicules. Inflammation des bulbes des poils, plique, coloration accidentelle, ca. nitie, alopécie, feutrage des cheveux, tissu pileux accidentel, etc.

SECTION III.

Corps étrangers inanimés ou animés observés à la surface de la peau dans l'épaisseur ou au-dessous de cette membrane.

Crasse du cuir chevelu des nouveaux-nés. Matières inorganiques, coloration artificielle. Pous, pulex irritans, pulex penetrans; ostre, ver de Médine ou dragonneau.

SECTION IV.

Éléphantiasis des Arabes, jambe des Barbades, bouton d'Alep, radésyge ou lèpre anesthésique, pian, acrodynie, etc.

Des articles spéciaux ont été consacrés dans l'Encyclopédie à plusieurs des affections dont le tableau précède. Nous renvoyons, pour les autres, le lecteur aux traités ex professo, et notamment à l'ouvrage de M. Rayer, qui contient une bibliographie et une synonymie très-complètes.

Hippocrate, Prorrhétiques, liv. II, Épidémies, liv. I, II, IV; Prenotions de Cos; Aphorismes, sect. II, III, VI, VII; De l'air, des eaux et des lieux; de la nature de la femme; des maladies de la femme, liv. II; Du médecin ; des ulcères.

Celse, De Re medica.

Galien, De compositione pharmacorum secundum locos; De temperamentis, liv. III; De exterioribus capitis affectibus; De remediis paratu facilibus, liv. III.

Cœlius Aurelianus, De morbis acutis et chronicis. Aretæus, De causis et signis acutorum et diuturnorum morborum, in-fol.; Leyde, 1733.

Aétius, Tetrabiblos, in-fol.; Bâle, 1842.

Avicenne, In re medica omnes, in-folio; Venise,

1864.

Fracastor, Syphilidis, sive de morbo gallico libri tres; Veronæ, 1830, in-4°; La Sifilide, avec le texte latin en regard; Parme, 1829. - De morbis conta. giosis, liv. II.

Guy de Chauliac, Chirurgiæ Tractatus, in-fol., 1870. Vidius-vidius, Ars universæ medicinæ, t. II, cap. 6. Accardius (Paulus), Tractationem de morbis cutaneis... ex ore Hieronymi Mercurialis excepit.... Venetiis, 1872, in-4° ; Bâle, 1876, in-4°; Venetiis, 1601 et 1625, in-4°.

Riolan (J.), opera omnia. De morbis cutaneis ; 1610, in-fol.

Turner (Daniel), Treatise of diseases incident to the skin; Londres, 1714, in-8°; traduction française 2 vol. in-12, Paris, 1745.

Lorry, Tractatus de morbis cutaneis, in-4°, Paris,

1777.

Plenck (J.-J.), Doctrina de morbis cutaneis; Vienne, 1776, in-8°.

Willan (R.), Description and treatment of cutaneous diseases; London, 1798 et 1814, in-4°, fig.

Bateman, A practical Synopsis of cutaneous diseases, in-8°, 1813.

Alibert, Précis théorique et pratique sur les maladies de la peau, 2 vol. in-8°; Paris, 1810-1822, —– Description des maladies de la peau observées à l'hôpital Saint-Louis, in-fol.; Paris, 1825, fig. —Monographie des Dermatoses, 2 vol. in-8°; Paris, 1832. Cazenave et Schedel, Abrégé pratique des maladies de la peau; Paris, 1828-1833, in-8°.

Martins (Ch.), Les préceptes de la méthode naturelle appliqués à la classification des maladies de la peau, in-4°, 1834. — Mémoire sur les causes genérales des syphilides, in-8°, 1838.

Gibert, Manuel spécial des maladies de la peau, in-12, 1834.

Rayer, Traité théorique et pratique des maladies de la peau, 2e édition, 3 vol. in-8°. Atlas, in-4°; Paris, 1835. A. L.

PÉCARI. ( Histoire naturelle.) F. Cuvier a désigné génériquement sous le nom de PÉCARI (dicotyles) un groupe de pachydermes longtemps confondu avec les cOCHONS, dont il diffère d'une manière générale : 1o par les

canines, qui ne sortent pas de la bouche; 2o par | enivrent, les bruits qui les effrayent, les traits

la présence sur la région des lombes d'une poche particulière contenant une substance d'odeur musquée, plus ou moins fétide; 3° par le manque presque complet de queue; 4° parce qu'ordinairement les pieds de derrière a'ont que quatre doigts.

Ces animaux n'ont encore été rencontrés que dans les forêts de l'Amérique méridionale, où ils vivent par troupes très-nombreuses. Ils n'ont pas été soumis en domesticité, comme les cochons; mais il est facile de les apprivoiser, ainsi qu'on a pu le remarquer dans nos ménageries; et comme ils se reproduisent en captivité, il ne serait probablement pas difficile de les soumettre complétement si le besoin s'en faisait sentir. On dit que leur chair est bonne quand on les prend jeunes, mais qu'ils n'ont pas autant de graisse que les porcs : ce qui n'est pas étonnant, puisqu'ils ne sont pas engraissés, et qu'à l'état sauvage ils sont toujours couverts d'une infinité de teignes, qui abondent dans les bois qu'ils habitent.

On a cru longtemps qu'il n'en existait qu'une seule espèce; mais F. Cuvier a démontré qu'il y en a deux le PÉCARI A COLLIER (dicotyles torquatus), dont il a été parlé à l'article COCHON (Voyez ce mot), et le TAJASSU (dicotyles labiatus). En outre, M. Lund a signalé quelques ossements fossiles, provenant du Brésil, comme devant se rapporter à une troisième espèce de ce genre.

Buffon, Histoire naturelle générale et particulière.

Fr. Cuvier, Mémoires du Muséum.

E. DESMAREST.

PÊCHE, PÈCHERIE. (Marine, Technologie.) Dans l'état actuel de l'art de la pêche, s'il est impossible d'énumérer et de décrire les innombrables instruments qu'il emploie; mais si la forme de cet ouvrage commande surtout la concision, on peut au moins, adop. tant la division tracée par Lacépède dans son Histoire des Poissons, en reconnaître quatre classes: 1° ceux qui attirent les poissons par des appâts et les retiennent par des crochets, c'est-à-dire la ligne flottante et la longue ligne de fond hérissée de baims; 2° ceux avec lesquels on va au-devant de leurs légions, on les cerne, on les presse, on les renferme dans une enceinte, ou ceux avec lesquels on attend que les courants, les marées, leurs besoins, les entraînent dans un espace étroit, dont l'entrée est facile et la sortie interdite, c'est-à-dire toutes les espèces de filets, les enceintes de joncs ou d'osiers, les nasses, etc.; 3° les couleurs qui les blessent, les lueurs qui les trompent, les feux qui les éblouissent, les préparations qui les énervent, les odeurs qui les

qui les percent, les animaux exercés et dociles qui se précipitent sur eux; 4o les instruments qui se composent de la réunion de plusieurs de ceux qui viennent d'être indiqués, tels qu'on les combine dans les grandes pêches.

De tous ces procédés le plus simple et le plus frivole en apparence, la pêche à la ligne, mérite une mention particulière. Nulle part elle n'est plus en honneur qu'en Angleterre : elle y est la récréation et l'exercice de toutes les classes de la société; la meilleure compagnie en fait ses délices; elle forme une secte de philosophie contemplative. Le respectable Isaac Walton, qu'on a surnommé le père commun des pécheurs, en publia les préceptes, dans un livre qui parut en 1653, sous le titre de Complete Angler, ou Parfait Pécheur à la ligne, et où l'on trouve cette maxime, qu'il en est de la pêche à la ligne comme de la poésie; qu'il faut être né pêcheur, comme on naft poëte. Cet ouvrage, augmenté par Charles Cotton, ami et fils adoptif de l'auteur, a été réimprimé souvent à Londres, et en 1825 on en a donné une édition de luxe, doublement remarquable sous le rapport de la typographie et des ornements qui l'embellissent.

Si nous voulions nous livrer à l'examen de ce genre de pêche, comme de tous les moyens de prendre le poisson d'eau douce, nous serions obligé de descendre dans des descriptions minutieuses qui présenteraient le double inconvénient d'être dépourvues d'intérêt, et d'absorber un espace que nous devons réserver aux pêches les plus importantes.

La pêche maritime est la véritable, la grande pêche, celle qui forme les navigateurs et enrichit les États. Elle a principalement pour objet la baleine, le cachalot, la morue, le thon, l'esturgeon, le saumon, le hareng, le maquereau et l'huître.

Pêche de la baleine et du cachalot. Les baleines se répandaient autrefois dans presque tout l'Océan, et pénétraient même dans la Méditerranée; mais, poursuivies par les pêcheurs, elles se sont insensiblement réfugiées vers le Nord. Elles habitent aujourd'hui la mer Baltique, la mer Glaciale, les côtes de l'Islande et du Groenland, le voisinage du Spitzberg, de l'île de Mayen, de Terre-Neuve. C'est là, au milieu des glaces, qu'il faut aller leur faire la guerre, Le printemps est la saison la plus favorable; plus tard elles vont respirer dans les ouver tures produites par la fonte des glaces, et où les canots ne pourraient pénétrer sans courir le danger d'être brisés. On arme des navires de trente-cinq à quarante mètres de longueur, sur dix de largeur et quatre de profondeur; la hauteur du tillac est de deux mètres trentetrois centimètres. Un bordage de chêne épais est destiné à les préserver du choc des gla

çons. Chaque bâtiment est pourvu de six ou sept chaloupes, d'environ huit mètres de longueur sur deux de largeur et un de profondeur. Son équipage est de quarante à cinquante hommes; quatre rameurs, un ou deux harponneurs et un patron montent les chaloupes, dont l'équipement consiste en sept pièces de cordages de cent vingt brasses chacune, en trois harpons, six lances, un pieu de fer, un épiloir, un hachot à marteau, une boussole et un pavillon. Le harpon est un dard triangulaire, en fer, long de près d'un mètre, trèseffilé, tranchant des deux côtés, barbelé sur ses bords, terminé à l'autre bout par une douille, dans laquelle on fait entrer un manche de deux à trois mètres de longueur. On attache une ligne ou corde de chanvre au dard même ou à sa douille. La lance est longue de cinq mètres, y compris le fer, qui en forme à peu près le tiers. Elle diffère du harpon en ce qu'elle n'a ni ailes ni oreilles, afin qu'on puisse la retirer facilement, et en porter plusieurs coups avec promptitude.

Tous ces préparatifs faits, voici comment on manœuvre. Un matelot-guetteur est placé sur un point élevé du navire; dès qu'il aperçoit une baleine, ou les jets d'eau qu'elle lance par ses évents, et qui ressemblent à une masse de fumée, il donne le signal convenu; les chaloupes sont mises en mouvement, et se dirigent sans bruit vers le cétacé. Dès qu'on est à portée, c'est-à-dire à environ dix mètres, un robuste harponneur, tenant le harpon de la main droite et la ligne de la main gauche, lance cette arme meurtrière. Il ne la dirige point vers la tête, trop dure pour être entamée, à moins qu'il ne veuille atteindre les évents, ouvertures qui existent près du front, qui conduisent à la trachée-artère, et par lesquelles l'air s'insinue dans les poumons de la baleine, quand elle vient respirer sur la surface de l'eau, il vise à l'un des endroits où le fer peut pénétrer, tels que l'ouïe, le dos, le dessous du ventre, les parties génitales, les deux masses de chair qui sont à côté des évents. On avail anciennement employé la baliste pour lancer le harpon; et les Anglais, ainsi que les Hollandais, ont même essayé, afin d'atteindre leur proie plus sûrement et à une plus grande distance, de substituer à cette machine une arme à feu, dans le canon de laquelle ils ont placé le harpon.

Dès que l'animal se sent blessé, il fuit emportant avec une extrême vitesse le trait dont ses flancs sont déchirés. On file rapidement la ligne, longue d'environ douze brasses, et prolongée par d'autres cordages; on a soin de la mouiller sans cesse, de peur qu'elle ne prenne feu, et de la disposer de manière qu'en se déroulant elle n'éprouve point une résistance qui ferait chavirer la chaloupe. S'il en est be

soin, une seconde chaloupe accourt au secours de la première, et attache successivement ses cordages à la ligne entraînée par la baleine. Celle-ci, tourmentée par la douleur, s'agite avec violence pour se débarrasser du harpon, se fatigue, s'échauffe, et remonte sur l'eau pour respirer. Alors toutes les chaloupes voguent vers elle; on lui pousse un second harpon, on l'attaque avec la lance. Elle se précipite de nouveau dans la mer, et se débat encore contre le destin qui la menace. Si la corde de la seconde ligne se relâche, si elle flotte sur l'eau, on a la certitude que le cétacé est mort ou considérablement affaibli.

On ramène la ligne à soi, on la dispose en cercle, afin de la filer de nouveau, dans le cas où le cétacé s'enfuirait une troisième fois. Enfin, quand il reparaît sur la mer pour la dernière fois, on le perce de la lance, on le frappe à coups redoublés; on manœuvre de manière à l'empêcher d'aller finir sa douloureuse agonie dans des profondeurs d'où il serait impossible de retirer son cadavre. On a soin, dans ce combat, d'éviter sa redoutable queue, qui, tombant horizontalement sur l'eau, avec le bruit d'un coup de canon, mettrait en pièces les barques et les pêcheurs. Les chaloupes le remorquent, et le traînent vers le vaisseau on sur le rivage. Là se termine l'expédition.

Telle est en général la pêche de la baleine, qui pourtant n'exclut point l'emploi de quelques autres procédés. Ainsi le capitaine anglais Kay a fait usage, en 1822, de fusées à la Congrève, qui, disposées exprès et lancées dans le flanc du cétacé, y pénètrent profondément, éclatent comme une bombe, et lui causent une mort terrible et prompte.

Le cachalot s'attaque, comme la baleine, par la lance et le harpon. La pêche n'en est pas moins dangereuse : il oppose plus de résistance encore, et on ne parvient qu'avec beaucoup d'efforts à lui arracher la vie. Ou le rencontre dans presque toutes les mers, quoiqu'il habite plus fréquemment les mers polaires.

La pêche de ces deux espèces de cétacés a mérité et obtenu l'encouragement des nations. La France, l'Angleterre, la Hollande, les ÉtatsUnis d'Amérique en ont surtout reconnu l'importance. Elle ne sert pas seulement à former de bons marins et d'intrépides matelots, elle est encore une source de richesses.

Pêche de la morue. L'Europe et l'Amérique tirent d'immenses ressources de la pêche de la morue, qui se tient ordinairement dans les profondeurs de la mer, et habite la portion de l'Océan septentrional située entre le quarantième et le soixante-sixième degré. Il est deux grands espaces qu'elle semble préférer. Le premier comprend les endroits connus sous les noms de Dogger's Bank, Well Banket Grommer.

Le second est occupé par les plages voisines de la Nouvelle-Angleterre, du cap Breton, de la Nouvelle-Écosse, et surtout de l'île de TerreNeuve, auprès de laquelle se trouve le fameux bane du même nom, d'une étendue de deux cents lieues de long sur soixante de large. Les nations de l'Europe ont exercé la pêche de la morue depuis le neuvième siècle avec plus ou moins de succès. Les Français s'en sont surtout occupés depuis la découverte du grand banc de Terre-Neuve. Ce fut, au rapport d'Anderson, en 1536 qu'ils y envoyèrent le premier vaisseau; ce sont maintenant les Anglais qui emploient le plus de navires à cette pêche. Les États-Unis, voisins de Terre-Neuve, sont pour eux de redoutables concurrents, En définitive, les pêcheurs français, anglais, hollandais, espagnols et américains, dirigent leurs efforts vers le grand banc, qui, dit-on, réunit chaque année six à sept mille vaisseaux, qui prennent environ quarante millions de pois.

sons.

L'emploi des filets pour la pêche de la morue est à peu près abandonné. C'est de l'hameçon que les pêcheurs se servent aujourd'hui. Les lignes sont plus ou moins longues, selon la profondeur des eaux. Il faut les com biner de manière qu'elles soient assez fortes pour retirer leur proie, et assez fines pour que le pêcheur sente mieux quand une pièce est prise, pour qu'elles soient plus maniables et plus faciles à relever, enfin pour moins effaroucher le poisson. A leur extrémité inférieure on attache un plomb qui les entraîne rapidement au fond malgré la dérive et les courants. On ajoute à chaque ligne une pile ou empile de deux ou trois brasses de longueur, qui suspend le crochet appelé haim. La force des haims est, comme en toute autre espèce de pêche, proportionnée à la force et au poids des animaux dont on veut s'emparer. Ils sont préférables en acier dans les parages où il n'y. a point de roches; ils valent mieux en fer dans les endroits où ils pourraient se rompre en s'accrochant à la pierre. Le haim garni d'un appåt est proprement ce qui constitue l'hameçon que l'on jette à la mer. L'extrême voracité des morues les porte à saisir promptement le moindre leurre qui leur est offert, et quelquefois même des haims non appâtés. Un morceau de plomb ou d'étain, imitant la forme d'un poisson, et d'un aspect brillant, un morceau de drap d'une couleur éclatante, de la viande salée, du lard, des maquereaux ou harengs salés, le cœur, la mâchoire sanglante et les entrailles d'une morue, les sardines, les éperlans et autres poissons, enfin toute espèce de crustacés: tels sont les appâts employés par les pêcheurs.

Quand ces dispositions sont arrêtées, le bâtiment forme le long de son bordage une espèce

de galerie un peu saillante en dehors, sur laquelle on fixe avec solidité de petits tonneaux défoncés en dessus et échancrés du côté de la mer. Chaque pêcheur, établi dans un de ces barils, file sa ligne dans l'eau; il l'agite, la traîne, comme pour exciter l'appétit vorace des morues; il la retire dès qu'il sent que l'hameçon est mordu, et amène le poisson à fleur d'eau. Si la pièce est d'une médiocre grosseur, il la prend lui-même; si elle est forte et belle, son voisin la tire à bord; il la saisit ensuite par les ouïes, et l'accroche par le derrière de la tête à un instrument qui se nomme élangueur, parce qu'il facilite le moyen d'arracher la langue de la morue, que l'on éventre immédiatement et que l'on jette dans un parc ou espace entouré de planches. C'est par le compte des langues ainsi extraites que chaque pêcheur connaît le nombre des morues qu'il a prises dans la journée. Les morues passent ensuite et successivement dans les mains d'un ététeur, qui, armé d'un couteau à deux tranchants, les décolle, et en sépare la tête sur un étal, et enfin dans celles de l'habilleur, qui les ouvre depuis la gorge jusqu'à l'anus, et en enlève la grosse arête, ou, en d'autres termes, les désosse.

Les morues n'ont point de marche bien réglée. Toutefois, on admet assez généralement que vers le milieu du mois de juin elles poursuivent les capellans, espèce de poissons dont elles sont très-friandes, qu'elles quittent alors les grands fonds, et s'approchent des bancs et des côtes; que le mois de juillet est celui où la pêche est le plus abondante au grand banc de Terre-Neuve; que le mois d'août n'y est pas propre; qu'on la recommence en septembre quand les vents le permettent; qu'elle se continue en octobre, jusqu'à ce que les glaces la rendent impraticable.

Pêche du thon. Ce poisson, d'une grandeur quelquefois considérable, mais qui a communément deux à trois pieds de long, est du genre des scombres. Il habite toutes les mers chaudes ou tempérées, et il en entre, par le détroit de Gibraltar, une quantité prodigieuse dans la Méditerranée. Les thons vont par bandes de deux à trois mille. La pêche en fut jadis célèbre, surtout aux portes de Byzance, comme le rapporte Aristote. Elle a lieu en général du mois de mai au mois d'oc tobre. Pendant les autres mois de l'année, ils se tiennent loin des rivages. Leur arrivée est en quelques endroits annoncée par celle des maquereaux, dont ils sont avides, et qu'ils poursuivent pour en faire leur proie.

On les prend à la ligne, tenue à la main ou attachée au bout d'une perche, en amorçant les haims avec des maquereaux, des sardines ou autres poissons, et même avec de simples simulacres. On les prend aussi avec diverses

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