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PEIGNE. (Technologie.) Instrument de corne, de bois, d'ivoire, d'écaille, etc., présentant une série de dents plus ou moins longues, pointues et généralement placées en ligne droite. Ce nom s'applique aussi à un grand nombre de machines et d'instruments en fer, en cuivre, en acier, en bois, en roseau, etc., dont on se sert pour apprêter la laine, le lin, le chanvre, le coton, pour la passementerie, etc.; nous ne parlerons guère ici que des peignes qui servent à démêler les cheveux, à décrasser la tête et à relever et retenir la chevelure des femmes, c'est-à-dire de ces petits meubles de toilette dont tout le monde fait usage, et dont très-peu de personnes connaissent la nature et la fabrication.

On chercherait en vain et l'époque et le lieu de l'invention du peigne; il est évident en effet que cette invention remonte à la plus haute antiquité: aussitôt que l'homme éprouva le besoin de la propreté, il lui fut impossible de se passer de peignes, d'autant plus qu'il por⚫tait entières sa chevelure et sa barbe (1).

(1) Chez les Grecs les hommes aussi bien que les femmes prenaient le plus grand soin de leur chevelure. Les Lacédémoniens surtout, qui portaient les cheveux longs, se faisaient remarquer par l'extrême propreté, on dirait presque la coquetterie, qu'ils inettaient dans cette partie de leur toilette; les éclatreurs envoyés par Xerxès vers le camp de Leonidas, avant la bataille des Thermopyles, trouvèrent une partie des compagnons du héros occupés à se peigner (Herodot. VII, 208; Strabon, X, 716 A). En général, c'était un signe de deuil et de profonde afflicLion que de paraître en public avec la barbe ou les cheveux en désordre (Sophocl. OEd. Col. 1257; Theocrit. Id. XIV, 4).

Chez les Grecs et chez les Romains les peignes étaient ordinairement de buis (Leonid. Tarent. in Anthol. pal. 6, 211; Ovid. Fast. VI, 229; Juven. Sat. XIV, 194; Martial, XIV, Epigr. 28), et l'on tirait, comme aujourd'hui, la plus grande partie de ce bois des bords de la mer Noire; le mont Cytorus, en Paphlagonie, était surtout célèbre par cette production (Virgil. Georg. 11, 437; Catul. IV, 11; Plin. Hist. nat. VI, 11, 2). Il est quelquefois fait mention dans les auteurs de peignes d'or (Callim. in Pallad. layacr. 31) et de peignes d'ivoire ( Apul. Metam. XI; Claudian. de Nupt. Honor. 102); mais l'on conçoit que le haut prix de la matière dut faire des premiers une très-rare exception, et réserver aux gens riches seulement l'usage des seconds. Des fragments de peignes trouvés à Pompéi, et trois peignes figurés sur un monument découvert à Amycla en Laconic, et dessinés dans l'ouvrage de Walpole (Memoirs relating to Turkey p. 482), prouvent que ce petit

Le bois fut longtemps la matière la plus fréquemment employée à la confection des peignes; sur la liste des dépenses qu'on fit pour les noces d'Élisabeth de France, fille aînée de Henri II (1559), noces « que le roy voulut être magnifiques, >> on lit: -« A << Nicolas Lévesque, faiseur de peignes, de<< meurant à Paris, 21 livres pour deux douzai. «nes de peignes de beine (d'ébène); pour << une douzaine de peignes de bouy ( de buis). » Cependant on fabriquait en France bien avant cette époque des peignes en or et en ivoire, puisque l'on trouve la note suivante dans l'Histoire des Français des divers états, par M. Monteil, quatorzième siècle : Le pays le plus industrieux, ou l'un des plus industrieux de la France, et peut-être même de l'Europe, c'est le Limousin. Entre autres objets, les bons peignes en viennent; peignes de bois, de corne, d'ivoire, d'or. »

Maintenant les bons peignes, et les plus parfaits, se fabriquent à Paris, à Ézy (Eure), et à Ivry-la-Bataille. Les Anglais ne peuvent rivaliser avec nous que pour le peigne d'ivoire fabriqué à la mécanique; tous les autres pays sont bien au-dessous de la France et de l'Angleterre pour la fabrication de ces instruments. On en fait beaucoup en Allemagne; mais ils sont tellement inférieurs aux nôtres, si peu reguliers de forme, de coupe et de denture, que, malgré leur bas prix, on n'ose même pas les expédier dans les plus lointaines colonies.

écail

On fait en bois, ergot, corne, ivoire, le 1o le décrassoir, dont le nom indique suffisamment l'usage, et que les fabricants et marchands du midi désignent sous celui de peignette. Ce peigne a à peu près la forme et la grandeur d'une carte à jouer; ordinai. rement les dents, placées des deux côtés du décrassoir, sont fines; cependant on en fait qui ont un rang de dents fines et un rang de grosses dents. C'est en Normandie et dans le inidi de la France que l'on fabrique ce genre de peignes. 2o Le peigne à retaper, long de 15 à 22 centimètres, et toujours plus haut du bout de la grosse dent que du bout de la fine; il est, le plus souvent, bossu ou droit, quelquefois cintré ou arrondi aux extrémités. - 3o Le peigne fantaisie, dont les formes sont variées à l'infini. Ce peigne n'a pas toujours, comme le retaper, des grosses dents sur la moitié de sa longueur et des fines sur

meuble de toilette avait chez les Grecs et chez les Romains la forme de notre peigne à décrasser, c'està-dire qu'il était dentelé des deux côtés. On en a trouvé en Égypte qui ne le sont que d'un seul côté, et qui répondent, par conséquent, à nos démêloirs. Mais il ne paraît pas que les anciens aient connu le chignon: les femmes attachaient leur chevelure avec des épingles, des bandelettes, des réseaux, et nous ne connaissons aucun monument de l'antiquité qui puisse nous autoriser à dire qu'elles employaient le L. P peigne à cet usage.

le reste; on le coupe généralement beaucoup plus fiu des deux bouts, et comme ses plus grosses dents semblent tenir le milieu entre les fines et les grosses ordinaires, on l'appelle peigne bátard ou anglais, car nous avons Ja triste manie d'attribuer à nos voisins d'outre-mer tout ce que nous faisons de mieux. Les beaux peignes à décrasser en ivoire portent aussi le nom de peignes anglais. Les peignes gravés et ceux à baguette ronde, à filets, à gouttière, etc., qui ont à peu près la forme et la denture du retaper, doivent être mis au nombre des peignes fantaisie, car ils ont plus d'élégance que de solidité. On ne fait bien le peigne fantaisie qu'à Paris et à Ézy (Eure).-4° Le peigne à queue, qui n'a que des dents très-fines pour lisser les cheveux. -5° Le déméloir, peigne à dents très-grosses; il est taillé en rectangle de douze à seize centimètres sur six environ. 6o Les peignes à chevaux, dont on se sert pour peigner la crinière et la queue des chevaux.—7o Le peigne à chignon, que l'on portait très-grand autrefois et que l'on fait tout petit depuis une dizaine d'années. Son nom semble avoir changé avec sa forme, car aujourd'hui on le désigne aussi sous celui de peigne à nœud. Les dents de ces trois derniers genres de peignes se découpent à la scie; cependant à Paris plusieurs fabricants se servent, depuis quelque temps, d'une machine qui leur permet de prendre les dents d'un chignon entre celles d'un autre chignon; par ce moyen, qu'on emploie également pour les papillotes, on fait presque le double de peignes avec la même quantité de marchandise. 8° Les peignes à papillotes, qui sont très-minces et courbés comme le chignon, afin de se placer plus convenablement sur la tête.

9o Les peignes à étui, montés sur un manche et se fermant comme un couteau, ce qui les rend très-commodes pour les voyages. Le peigne à chignon, les papillotes, les étuis, sont des articles qu'on ne fait bien qu'à Paris.

Peignes de bois. Les bois qui servent ordinairement à confectionner les peignes sont le buis, le platane, l'alizier et l'érable. Le premier étant le plus beau et le plus solide, on cherche à donner aux peignes faits d'autre bois la teinte naturelle du buis. L'alizier, l'érable, etc., sortent de nos forêts, et le buis nous vient du Levant et du Midi. Pour employer convenablement toutes les espèces de bois, il est indispensable de faire sécher les planchettes; sans cette précaution, les peignes se déjetteraient, et les dents se renverseraient en tous sens. On ne fait guère en bois que le peigne à décrasser.

Peignes d'ergot. Le sabot du cheval s'emploie pour la fabrication du peigne à retaper qui se vend sous la dénomination de façon.

buffle; le beau peigne de cheval, bien noir, ressemble beaucoup à celui de corne de bufile, el si les fabricants le livrent au commerce pour ce qu'il vaut, c'est-à-dire pour un tiers de moins que le buffle, beaucoup de marchands sont moins scrupuleux. Le peigne façon-buffle est inférieur en qualité au peigne de corne ordinaire, qui se vend beaucoup moins cher. On emploie aussi l'ergot de bœuf, mais il est si mince et si petit qu'on n'en fait que de manvais décrassoirs et quelques chignons de dernière qualité. Pour rendre l'ergot de bœuf et de cheval propre à la fabrication du peigne, on le chauffe sur le feu, et quand il a acquis la souplesse nécessaire, on l'ouvre et on le met dans une presse à plaques de fer, bien graissées, pour en faciliter l'écrasement. Chaque ergot ne fait ordinairement qu'un peigne. Le sabot de cheval, qui est souvent vert d'un côté, l'est beaucoup moins lorsqu'on le laisse sécher avant de l'aplatir.

Peignes de corne. C'est en corne que se font le plus grand nombre des peignes; celle du buffle est la plus estimée, non pas qu'elle soit meilleure que celle du bœuf, mais parce qu'elle est noire, plus forte, et qu'elle se polit mieux; on en fait beaucoup de peignes fantaisie et de peignes à nœuds. La corne de buffle qui nous vient du Levant est plus grande et plus noire que celle de l'Inde. Il y a dix ans on faisait peu de peignes de buffle, mais alors ils étaient d'une qualité bien supérieure, car après avoir chauffé la corne on la dressait seulement dans la presse, tandis que maintenant on l'écrase comme on fait de l'ergot, ce qui déplace le fil et rend les dents des peignes' plus susceptibles de se fendre. Si le fabricant préfère employer le buffle ainsi préparé, c'est que les plaques écrasées sont plus grandes et qu'il paye moins cher la façon des peignes, les quels n'en sont ni moins noirs ni moins beaux. Il n'en est pas de même de la corne de bœuf; lorsqu'elle est écrasée, tout le blanc, qui en est la partie la plus estimée, devient vert et diaphane, ce qui la rend propre à recevoir la conleur pour imiter l'écaille. La pins belle corne de bœuf est celle d'Irlande; mais les Anglais, qui le savent aussi bien que nous, ont soin de he la laisser sortir de leur royaume qu'après sa mise en œuvre. Nous en sommes réduits à vendre pour peignes de corne d'Irlande les plus blancs que nous trouvons dans les cornes qui nous arrivent de l'Amérique méridionale. La corne de France n'est pas aussi recherchée que celle du Brésil et du Paraguay, parce qu'elle est moins grande, moins blanche et moins égale d'épaisseur. Il est inutile de parler des cornes de bélier avec lesquelles on fait des peignes aussi mauvais que petits. Disons en passant que les pays qui nous fournissent le plus de cornes tirent de France

beaucoup de peignes faits de ces mêmes cornes. Peignes d'ivoire. Les Européens tirent l'ivoire des côtes d'Afrique et des Indes. Le plus estimé est celui de la Guinée, qui est vert; après celui-là on recherche le plus blanc pour la fabrication de tous les objets de tabletterie. Si l'on préfère l'ivoire vert, c'est qu'il blanchit en vieillissant, au lieu que le blanc jaunit. Le peigne que l'on fait ordinairement en ivoire, est le décrassoir.

Peignes d'écaille. Les feuilles d'écaille dé tortue nous viennent des Antilles ou d'autres points de l'Amérique. Celles qui proviennent des tortues trouvées mortes sur les plages sont bien inférieures en qualité, en beauté et en force aux écailles des tortues prises vi vantes. En France on ne fait guère de peignes d'écaille qu'à Paris. Ce sont des papillotes, des retaper-fantaisie, des peignes à chignon, à décrasser et à étui.

Il y a aussi des peignes métalliques pour la coiffure, et celui de Puget, breveté en 1833 et 1840, eut un très-grand succès; cependant on revient toujours aux peignes de corne et d'écaille, qui sont plus souples et plus doux. L'orfèvre, le bijoutier et le joaillier en confectionnent de cuivre, d'argent, d'or, garnis d'émaux, de perles, de diamants, de filigrane, etc. Enfin il y a des peignes de plomb, employés pour brunir les cheveux, mais il s'en vend très-peu.

On se sert depuis vingt-cinq à trente ans, pour la fabrication du peigne à décrasser en bois, ergot, corne et ivoire, de machines trèsingénieuses, qui cependant ne remplacent pas parfaitement les divers outils employés pour le peigne à retaper. Les dents du décrassoir dit à la mécanique sont très-régu lièrement coupées et vidées; mais comme elles restent carrées, excepté à la pointe, qui du reste est très-courte, elles pénètrent difficilement dans la chevelure. Il est regrettable que la concurrence ne permette pas de donner un coup de carrelet au décrassoir, ce qui, en arrondissant un peu la dent, en triplerait la valeur réelle, car, ainsi préparée, elle entrerait plus facilement dans les cheveux, qu'elle ne couperait plus. Les machines de M. Massue, à Paris, pour fabriquer le décrassoir d'ivoire, sont mises en mouvement par la vapeur; celles de MM. Martel, à Ivry-la-Bataille, le sont par l'eau, et les autres métiers ou mécaniques destinés en France à cet usage sont conduits par des hommes seulement. 11 y a des machines pour débiter, rogner, mettre en façon et faire la denture. Toutes les tentatives faites jusqu'à ce jour dans le but d'inventer des machines propres à la confection du peigne à retaper sont restées infructueuses.

Pour tirer d'une corne entière un peigne prêt à être poli on se sert d'un grand nombre

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d'outils; nos lecteurs en jugeront par la nomenclature suivante, qui n'est pas complète : Scies pour tronçonner la corne et rogner; serpette, pour la couper lorsqu'elle est convenablement chauffée; pinces, qui servent à l'ouvrir; presse pour l'aplatir; glands pour dresser parfaitement les morceaux ; - plane et chevalet, pour les gratter; équanette et grélot, pour les mettre en façon ; estadou ou étadou pour couper ou découper les dents; - vidures pour régulariser la coupe au pied de chaque dent; ;carrelets, pour commencer la pointe, furgues, pour retrancher les quatre vives arêtes de chaque dent, du bas au milieu; lime pour terminer la pointe; — gréles, pour faire la grosse dent; et ratisse, pour unir toute la surface du peigne.

-

L'établi sur lequel travaille le peignier se nomme banque; l'outil dans la mâchoire duquel il fixe son peigne pour l'ouvrer se nomme gland à main.

Si une dent de peigne en corne se fend ou se casse, on peut, en chauffant le dos, rapprocher les autres dents de manière à régulariser l'espacement laissé trop grand; quant à l'écaille elle se soude parfaitement. On polit les peignes avec de la ponce en poudre, du tripoli de Venise et de la peau de buffle. Plusieurs industriels de la capitale se servent depuis quelques années, pour ce genre de travail, d'une machine ou tour, à l'aide duquel ils peuvent polir la grosse dent sur toutes ses

faces.

:

Chaque jour il se fabrique à Ezy, par deux cents ouvriers environ, 200 douzaines de peigues à retaper, en corne de bœuf, de buffle et de cheval, qu'on peut estimer à 6 francs la douzaine; donc plus de 400,000 francs par an; et la somme de la fabrication de Paris est encore plus considérable, à cause de récaille et de l'ivoire qu'on y emploie. Nous pouvons porter à plus d'un million et demi pour la France entière le chiffre de la fabrication annuelle des peignes.

En 1842 il fut exporté pour 73,740 francs de peignes d'ivoire et pour 94,080 francs de peignes d'écaille. Le chiffre des importations est de 67,740 francs pour les peignes d'ivoire et de 2,400 francs seulement pour ceux d'écaille.

On exporte une bien plus grande quantité de peignes de corne; mais comme ils sont, dans le Tableau général du commerce de la France, confondus avec tous les autres objets de tabletterie, il nous est impossible d'en faire connaître la valeur.

ANDRÉ JOURDAIN.

PEIGNE. (Histoire naturelle.) Genre de mollusques bivalves de l'ordre des lamelli branches subostracés, comprenant des espèces qui chez les Grecs portaient déjà le nom

de peigne (xas), et que Linné avait cependant réunies à son grand genre huître (ostracæa). C'est à Bruguière que l'on doit la création réelle du genre PEIGNE (pecten), qui depuis a été adopté par tous les zoologistes. Ce groupe de mollusques a pour caractères: coquille libre, régulière, mince, solide, équivalve, équilatérale, auriculée, à bord ovale droit; les sommets contigus; charnière sans dents; une membrane ligamenteuse dans toute la longueur de la charnière, outre un ligament court, épais, presque tout à fait interne, qui remplit une fossette triangulaire sous le sommet; une seule impression musculaire subcentrale. L'animal a le corps plus ou moins comprimé, orbiculaire, le manteau garni d'un seul cordon de papilles tentaculaires et de petits disques oculiformes, perlés, pédonculés, régulièrement espacés entre eux; un rudiment de pied canaliculé et un byssus; la houche est entourée d'appendices charnus, Irégulièrement ramifiés.

Les habitudes de ces mollusques sont assez semblables à celles des moules; mais ils sont en général plus libres. Jamais ils ne s'enfoncent dans le sable; ils vivent au contraire au fond de la mer, car tous sont marins, appliqués comme les huîtres par une seule valve, mais non fixés. Quelques espèces qui ont un byssus ne changent probablement jamais de place; mais on assure que les autres sont sus. ceptibles de se mouvoir, et qu'elles peuvent s'élever dans les eaux, même jusqu'à la sur. face de celles-ci, en agitant les deux valves de leur coquille. Sur les côtes on mange les grandes espèces de ce genre, mais c'est une nourriture grossière, et qui n'est employée que par les classes peu fortunées. La valve creuse des peignes est quelquefois employée pour servir de plat; c'est elle aussi qu'on voyait figurer sur les habits des pèlerins: en outre la coquille des petites espèces sert à fabriquer de petits ouvrages de fantaisie, tels que des bourses et des pelottes.

On connaît un grand nombre d'espèces vivantes du genre peigne, et nos mers, surtout la Méditerranée, en nourrissent un grand nombre. La seule que nous voulions décrire ici est le PEIGNE DE SAINT-JACQUES (pecten Ja cobæus), qui se distingue par ses côtes striées longitudinalement en dessus et lisses sur les côtés. Il se trouve très-communément sur les côtes de la Galice, où la superstition en avait fait l'ornement du camail en cuir que portaient les vagabonds fainéants qui allaient autrefois en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle.

Le nombre des espèces fossiles est également très-considérable, et plusieurs sont véritablement caractéristiques de divers terrains secondaires et tertiaires. Tel est le pecten quinque costatus de la Craie, ayant une de ses

valves plane ou concave, tandis que l'autre, très-convexe, présente cinq côtes plus saillautes entre les sillons égaux dont elle est couverte.

De Lamarck, Animaux sans vertèbres.
De Blainville, Malacologie.

E. DESMAREST.

PEINE. (Législation.) Il est peu de sujets sur lesquels l'esprit humain se soit autant exercé, surtout depuis le milieu du dernier siècle jusqu'à ce jour; et sans doute il n'y en a pas qui soit plus digne de fixer l'attention des publicistes et la sollicitude des législa teurs. De nombreux traités, de savantes dis sertations ont éclairé cette importante matière; et s'il reste encore quelques principes controversés, le plus grand nombre du moins sont avoués par tous les bons esprits.

C'est un droit incontestable que celui qui appartient à toute association humaine de veiller à sa conservation, et conséquemment d'instituer des peines contre les délits qui tendraient à la dissoudre ou à la troubler; c'est, de plus, un devoir de l'association en corps de protéger la vie, l'honneur et les propriétés de chacun de ses membres contre toute violente atteinte : car c'est pour obtenir cette protection individuelle que l'association s'est établie ou maintenue. C'est ainsi que partout où il se forma des réunions de plusieurs familles, il ne tarda point à s'y introduire, par la force du besoin, des moyens de répression contre les actions nuisibles, et à s'y établir des peines qui purent et durent même varier, selon que les intérêts de l'association se modifièrent, ou suivant que les lumières s'étendirent.

Le droit de punir est donc l'une des nécessités attachées à l'ordre social dès sa naissance (1); et le but de la punition, quel est-il? est-ce de venger les lois violées, selon l'expression du Deuteronome (2)? est-ce simplement, selon les philosophes anciens, de préserver la société (3)? Toute discussion à ce sujet peut devenir oiseuse quand on est d'accord que la punition doit tout à la fois être juste envers celui qu'elle atteint, et utile à la société: c'est en effet ce double caractère qui constitue une bonne législation pénale.

Dans l'examen des peines qu'elle peut admettre, la première question et la plus ardue est celle de savoir s'il est aucun délit qui doive être puni de mort.

Une longue suite de siècles s'était écoulée sans qu'en France ni ailleurs il se fût élevé de doutes sur la légitimité de la peine de mort, dans son application restreinte aux plus grands

(1) Voy. le Traité des Delits et des Peines, de Beccaria, § 2, du droit de punir, p. 18. (2) Mea ultio. (Deuter.)

(3) Pæna non iruscitur, sed cavet. (Sence.)

crimes; en déplorant sa nécessité, les écrivains les plus philanthropes se bornaient à demander qu'elle fût resserrée dans ses plus étroites limites; quelques-uns avaient exprimé le vœu qu'en l'appliquant on l'exemptât au moins de toutes les tortures qui étaient au delà de la mort simple (1); enfin les publicistes les plus distingués admettaient avec douleur, mais sans hésitation, cette terrible peiue, comme un remède de la société malade (2).

Telles étaient les opinions et les habitudes de nos sociétés européennes quand un savant italien, Beccaria, fit paraître dans le dernier siècle son célèbre Traité des Délits et des Peines, ouvrage dans lequel il s'élevait indéfiniment contre toute application de la peine de mort, en temps de paix, et ne l'admettait, comme par impuissance de l'empêcher, que dans les moments de trouble public où les lois se taisent et restent sans force (3).

Une si grave question, traitée avec beaucoup de profondeur, ne pouvait apparaître sans exciter vivement l'attention des jurisconsultes et des publicistes: fortement empreinte d'un caractère propre à subjuguer toutes les âmes sensibles, l'opinion de Beccaria devait trouver de nombreux partisans parmi ceux auxquels répugne si naturellement l'effusion du sang humain. Au nombre des écrivains qui prirent la plume pour la soutenir, on ne tarda point à compter le jurisconsulte anglais Bentham, qui lui imprima toute la faveur attachée à l'autorité d'un grand nom (4).

L'époque où s'agitait cet important débat semblait favorable aussi à l'innovation proposée; les esprits, disposés en France à de nombreuses réformes, ne pouvaient manquer, sinon d'accueillir celle-ci, au moins de l'examiner; aussi devint-elle dans l'Assemblée constituante, et sur le rapport de Michel Lepelletier-Saint-Fargeau, l'objet d'une sérieuse et savante discussion, dans laquelle l'opinion d'Adrien Duport se fit remarquer parmi celles qui tendaient à l'abolition indéfinie de la peine de mort.

Cependant, malgré l'unanimité des membres composant les deux comités de constitution et de législation criminelle (5), l'Assemblée se borna à restreindre les cas où la peine capitale pouvait s'appliquer, et à écarter ce qu'elle

(1) Montaigne, liv. II, chap. 2, de ses Essais.

(2) Montesquieu, Esprit des Lois, liv. II, chap. 4. (3) Voy. le Traité des Délits et des Peines, § 28. (4) Foy. le Traité de Legislation par Jérémie Bentham, troisième partie, des peines, ch. 9.

(8) Ces membres étaient pour le comité de constitution, les députés Thouret, Siéyès, Target, Talleyrand-Périgord, Desmeunier, Rabaud-Saint-Etienne, Tronchet et le Chapellier; et, pour le comité de législation criminelle, les députés Beaumetz, Freteau, Lepelletier-Saint-Fargeau, La Rochefoucault Duport, Chabrol et Dinocheau.

offrait de plus barbare dans les divers modes de l'exécution.

Mais tout en se soumettant à cette décision, l'opinion publique restait flottante; et les lumières immenses de ces deux comités, qui avaient voté pour l'abolition indéfinie de la peine de mort, étaient un fanal propre à rallier les hommes que le décret n'avait pas convaincus de sa justice et de sa nécessité.

La question se reproduisit donc sous la Convention nationale, et cette fois ce fut sans beaucoup d'efforts que l'abolition de la peine capitale fut admise en principe, mais avec ajournement jusqu'à la paix générale, terme toujours reculé, et auquel on n'était pas encore parvenu quand sous l'empire, et en 1810, fut rédigé le nouveau Code pénal des Français: celui-ci, de même que la loi émanée de l'Assemblée constituante, admet ou maintient la peine de mort dans plusieurs cas déterminés.

Cet itératif témoignage de la volonté souveraine ne pouvait toutefois ni prescrire le silence aux écrivains, ni leur interdire les recherches qui, dans leur pensée, tendaient an perfectionnement de la législation sur le point le plus important des institutions humaines.

Ces recherches ont donc continué avec une nouvelle ardeur, et l'on a vu même des corps savants y provoquer les écrivains, en proposant des prix à ceux qui résoudraient le mieux ce grave problème de là plusieurs ouvrages, parmi lesquels se fit remarquer celui de M. Charles Lucas (1).

Dans cet écrit, l'auteur déniait à la société le droit de punir de mort, même l'assassin, et il n'accordait à la loi que le pouvoir de réduire le malfaiteur à l'impuissance de nuire de nouveau; mais cette limite posée au droit qui appartient à la puissance publique constituait une théorie trop nouvelle, et peut-être trop dangereuse dans ses conséquences, pour ne pas trouver de contradicteurs. Aussi un écrivain du premier rang, un penseur profond et éclairé (2), réclama-t-il, en séparant le droit du fait, pour l'intervention sociale le maintien de la juste latitude qui lui est due, c'est-à-dire la faculté tout entière d'examiner d'abord si la peine de mort peut être utile ou non, pour l'admettre ou la rejeter après cet

examen.

Cette opinion n'obtint pourtant pas l'adhésion de M. Lucas, qui, dans un nouvel écrit, crut pouvoir soutenir sa première proposition, en lui donnant pour base, ou plutôt en répétant cette maxime, que la justice humaine est une simple justice de conservation, qui commence avec le péril et expire avec

(1) Ouvrage couronné à Genève et à Paris.

(2) M. de Broglie, dans le cinquième cahier de la Revue française.

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