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Les troubles qui bouleversèrent l'empire romain après l'abdication de Dioclétien, et la modération de Constantin lorsque l'ordre y fut enfin rétabli, interrompirent pendant longtemps l'inévitable rivalité des deux peuples. Hormisdas régna donc tranquille, au moins de ce côté, de 303 à 310, et l'enfance de Sapor II, proclamé roi dès sa naissance, ne fut non plus marquée par aucune guerre importante. Mais ce prince, lorsqu'il fut en åge de régner, reprit toutes les pensées des premiers rois sassanides, et les Perses redevinrent la terreur des Romains affaiblis.

Il fit l'essai de ses forces dans une courte expédition contre les Arabes, qui avaient dévasté quelques provinces limitrophes, à l'âge de seize ans; et, excité par les faciles succès qu'il y obtint, il entreprit de conquérir l'Arménie. Tant que Constantin vécut, il n'osa pas cependant marcher ouvertement à son but, et il se contenta d'y protéger sous main le parti idolâtre; mais dès qu'il se vit délivré de cette crainte, il renversa Chosroès (338), et régna en Arménie. L'empereur Constance, qui se hâta de porter secours à Chosroès et de le replacer sur le trône, ne put l'empêcher de se reconnaître tributaire et d'abandonner l'Atropatène.

tima fort heureux d'acheter la retraite au prix de quinze places fortes, des cinq provinces transtigritanes, et de la suprématie sur l'Arménie et sur l'Ibérie. Jamais la Perse n'avait été plus puissante (364).

Cette splendeur de l'empire persan se maintint jusqu'à la mort de Sapor, parmi les troubles et les invasions qui ne cessaient alors d'aggraver la décadence de l'empire romain. Sapor fut cependant obligé de replacer sur les trônes d'Arménie et de Syrie les deux princes qu'il venait de dépouiller. Valens ne lui permit pas de transgresser à cet égard les termes du traité de 364.

Artaxerxès II, son successeur (380), Sapor III (384) et Varanes III (389), contemporains de Théodose le Grand, n'entreprirent rien de nouveau contre les Romains, et renouvelèrent même à plusieurs reprises la trêve de 379. Mais lorsque après Théodose l'empire romain fut décidément divisé en deux parties, et lorsque des princes impuissants eurent pris la place de ce grand empereur, la rivalité ne tarda pas à renaître.

A peine Jesdegerd (399-420) venait-il de conclure avec Arcadius une trêve de cent ans, que Théodose 11 en rendit l'observation impossible par le partage de l'Arménie entre les deux empires. L'existence de l'Arménie était indispensable comme séparation, comme barrière entre les Perses et les Grecs, ennemis d'ailleurs à tant de titres. L'Arménie était depuis plusieurs siècles comme un champ clos où ils se faisaient une guerre d'influence. Du jour où ils devinrent voisins, une guerre ouverte, acharnée, menaça d'être nécessaire. Jesdegerd est remarquable entre les princes persans par la douceur qu'il montra aux chrétiens.

Sapor avait ainsi effacé deux des plus funestes clauses de la paix de 303; il ne tarda pas à attaquer directement les Romains. Depuis que le christianisme était devenu la religiòn de l'empire, la haine des deux peuples était plus violente encore. Aussi la guerre fut terrible. Constance, défait dans huit grandes batailles, allait enfin vaincre à Singara (348), lorsque l'ardeur insensée de ses soldats convertit en un horrible désastre une victoire presque assurée. Les Romains s'enfuirent de tous côtés; Nisibis résista seule, et c'en était fait peut-être de la domination ro- Varanes IV, son successeur en 420, mainmaine en Asie sans une cruelle invasion des tint l'empire dans le même état de splendeur. Massagètes, qui obligèrent Sapor à abandonner Les Grecs furent plusieurs fois vaincus, les presque tout le fruit de ses triomphes. Cette Huns repoussés malgré le génie d'Attila; et, invasion devint la source de glorieux succès. non content de se défendre, il réussit à ranger Vainqueur des Massagètes, Sapor revint sous ses lois une importante province de l'Araaussitôt à ses desseins interrompus. Après bie, l'Yémen. Mais la puissance des Sassanides quelques dévastations impunies, il envoya à s'affaiblit sous Jesdegerd 11 (440-457), sous Constance une lettre célèbre, où il réclamait Pérosès (457-484), sous Balascès (484-491), toutes les provinces jadis dépendantes des durant toute la seconde moitié du cinquième Perses; et sur le refus que l'on fit de les lui siècle. Outre les dissensions intestines qui acremettre, il se mit en devoir de les conquérir. cablaient la Perse, ces princes eurent encore Constance ne put résister, et il mourut au mi- à lutter sans cesse contre les invasions des lieu des douleurs que lui causaient les rapides peuples barbares, et leurs efforts furent bien progrès de l'ennemi (361). Julien, plus habile souvent malheureux. Balascès, vaincu par les ou plus heureux, remporta au contraire des Huns, fut même contraint de leur livrer une avantages importants, et réduisit Sapor à en- partic de ses États et de leur payer tribut. tamer des négociations. Mais, aveuglé par de Heureusement la puissance des Huns était trop brillantes espérances, et égaré par des plus effrayante que solide. Deux ans après conseils perfides, il se laissa surprendre, et une révolution intérieure leur enleva pour

il expira sur les bords du Tigre à la fin d'une victoire inutile. Jovien, qui lui succéda, s'es

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quelque temps toute leur force, et la Perse secoua le joug qu'elle venait d'accepter..

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Alors commença pour les Perses une longue et glorieuse période de grandeur et de conquêtes. Le prince qui s'y signala le premier fut Cabades (491-531). Vainqueur à l'est des Indiens, au nord des Huns, il obtint surtout sur l'empire grec les plus éclatants succès. Anastase occupait alors le trône de Constantin. Cabadès lui demanda de l'argent; et sur son refus il lui déclara la guerre (502). Anastase y fut vaincu; mais les dangers qui menaçaient les Persans au nord la suspendirent bientôt, et Anastase mit à profit cette trêve pour fortifier les places qui garnissaient en Asie la frontière factice de l'empire d'Orient, Dara, Martyropolis, Théodosiopolis, etc. La paix se prolongea jusqu'en l'année 522, où l'empereur Justin Ier eut l'imprudence de prendre sous sa protection les Laziques, vassaux des Sassanides depuis plusieurs siècles. Elle fut rompue complétement sous Justinien. Cabadès, un moment vaincu par Bélisaire, se vengea sur les autres lieutenants de l'empereur, et il allait envahir les provinces romaines, lorsqu'il mourut (529).

Chosroes Noushirwan, son troisième fils, ne tarda pas à se montrer digne du choix qu'a. vait fait son père, puisqu'il imposa à l'empire grec un traité qui stipulait l'abandon des Laziques et un tribut de onze mille livres d'or (532). Noble début d'un si beau règne, au moment où le nouveau prince était menacé par des prétentions rivales au dedans, par les Arabes et les Huns au dehors!

Chosroès avait juré amitié perpétuelle au peuple romain; mais les progrès de Justinien en Occident lui faisaient craindre pour l'avenir quelque rupture funeste. Il résolut de prendre les devants et d'entraver la marche de son redoutable rival en soutenant Vitigès, roi des Ostrogoths, et en acceptant les offres des Arméniens révoltés. Cette nouvelle guerre, qui commença en 540, fut malheureuse pour le glorieux vainqueur des Vandales et des Ostrogoths. En vain offrit-on à Chosroès les conditions les plus humiliantes. Il refusa tout, et n'échoua que contre la Colchide. Chosroès renonça à ce pays (552), et rentra même dans ses anciennes limites. Mais l'empereur s'engagea à un tribut de trois mille pièces d'or. Jamais l'empire romain n'avait essuyé de plus honteux revers.

Le grand roi triomphait en même temps des Turcs, des Indiens, des Arabes. L'Arabie passa dès lors sous la suprématie des Sassanides. Elle la subit jusqu'à l'époque de Maho. met. Le sabéisme y pénétra avec les Perses.

La paix était enfin rendue à l'Orient, et Chosroès y dominait tranquillement, lorsque Justin II accueillit les ambassadeurs du Turc Dysabule, qui venaient, sous prétexte de commerce, contracter avec l'empire d'Orient une

alliance défensive contre les Perses; Chosroès, de son côté, voulait détruire le christianisme dans la Persarménie. La guerre éclata, et Justin mourut parmi les cruels revers qui en marquèrent les commencements.

Mais Chosroès le Grand ne tarda pas à mourir aussi, tandis que l'habile successeur de Justin, Tibère II, menaçait de s'emparer de Ctésiphon (579). Les beaux conseils qu'il donna à son fils Hormisdas furent mal suivis, et l'empire persan, si glorieux sous lui, commença à décliner sensiblement.

Hormisdas fut complétement vaincu par les Grecs, et il était en danger de perdre sa capitale, lorsqu'il eut l'imprudence de pousser à la révolte le plus heureux de ses généraux, Varanes, satrape de Médie, pour prix d'une grande victoire remportée sur les Turcs, qui venaient, au nombre de trois cent mille, au secours de l'armée impériale. Hormisdas fut déposé, et remplacé par son fils Chosroès Parviz. Renversé à son tour par Varanes, Chosroès s'enfuiten Syrie; mais les secours de l'empereur Maurice lui permirent de triompher aisément d'un usurpateur que la nation exécrait, que les mages avaient refusé de consacrer. Ainsi la Perse était,protégée par l'empire grec! Chosroès lui céda pour salaire plusieurs forteresses importantes et la Persarménie (589).

Chosroès persévérait dans cette alliance, se contentant sans doute d'exciter les Avares contre les Grecs, lorsque l'occasion s'offrit à lui de violer la paix sans paraître perfide, et même avec toutes les apparences de la fidélité. L'odieux Phocas venait de massacrer Maurice et sa famille (602). Chosroès jura de venger son bienfaiteur, son père adoptif, et, sous ce beau prétexte, il commença à infliger à l'Asie antérieure tous les maux de la guerre. La mort de Phocas et l'avénement d'Héraclius (610) ne purent le déterminer à déposer les armes. Ce refus montra que l'ambition était plus puissante sur lui que la reconnaissance.

Quelques années suffirent à Chosroès pour réduire l'empire grec aux dernières extrémités. Tandis que lui-même envahissait la Syrie, la Palestine, l'Égypte, la Cyrénaïque, et, faisant trophée de la vraie croix, s'efforçait de détruire en même temps et le christianisme et l'empire romain, l'un de ses généraux s'était avancé jusqu'aux rives du Bosphore, à travers l'Asie Mineure conquise, et de Chalcédoine, où il avait campé ; il fit pendant dix ans trembler Constantinople. Les Avares, alliés de Chosroès, dévastaient cependant toutes les provinces européennes, et pénétraient, sous la conduite de Baian, dans les faubourgs de la capitale. C'en était fait de l'empire; Héraclius lui-même en désespérait et pensait à faire voile vers Carthage, lorsque l'enthousiasme religieux sauva Constantinople et avec elle l'Eu

rope. La mort du brave Saïn, que Chosroès venait de faire écorcher vif pour n'avoir pas rejeté toute offre de paix, fut une circonstance heureuse.

Ce fut en 622 qu'Héraclius entreprit d'arracher au grand roi toutes ses conquêtes. Il y réussit parfaitement, moins encore en reprenant une à une les provinces perdues, qu'en envahissant l'empire persan et en réduisant son ennemi à trembler pour lui-même. Tauris prise, Ormia ruinée en expiation de Jérusalem, les ruines de Ninive conquises après une brillante victoire, frayèrent à Héraclius le chemin de Ctésiphon (627). En vain Chosroès poussait-il alors les Avares contre les murs de Constantinople: ils furent repoussés, et leur illustre chef, Baian, périt, pendant que les Turcs de l'Oxus et du Volga, alliés d'Héraclius, étendaient leurs ravages sur l'est et le nord de l'empire persan.

Chosroès, consterné par des revers si soudains et si terribles, venait d'appeler toutes ses armées au secours de sa capitale, quand Siroès, son fils, profita de ses malheurs pour le renverser du trône et pour le faire périr. Le premier acte du nouveau règne fut un traité de paix, aux termes duquel les deux princes rétablissaient les anciennes limites; Siroès rendit de plus tous ses prisonniers et la vraie croix, qu'Héraclius alla lui-même replacer à Jérusalem.

Ce fut la dernière lutte des deux empires. Ils étaient alors dans un égal épuisement ; seulement l'empire grecavait pour lui une religion et des lois supérieures à celles des Perses: cela seul explique leur différente fortune.

L'anarchie politique et religieuse où la déposition de Chosroès avait jeté l'empire des Sassanides était au comble, et déjà Siroès avait en sept successeurs ( en quatre ans), lorsque les Arabes, unis par Mahomet sous un scul culte et sous un seul gouvernement, s'élancèrent du fond de leurs déserts à la conquête du monde. Quelle résistance la Perse pouvaitelle opposer à ces jeunes générations qu'ani. mait la double force de l'enthousiasme et de l'ambition? Chosroès Parviz avait osé fouler aux pieds les lettres insolentes du prophète; ses successeurs étaient incapables d'empêcher que cette insulte ne fût cruellement punie.

La vengeance des Arabes fut prompte et terrible. A peine Mahomet venait-il d'expirer en dictant pour première loi à ses prosélytes la propagation de ses doctrines, que deux armées envahirent les États d'Héraclius et des Sassanides. Khaled, qui commandait celle de l'Orient, commença par soumettre les princes d'Ambar et de Hira, qui gouvernaient l'Irak babylonien sous la suzeraineté persane; et il allait commencer la conquête de la Perse, lorsqu'il fat appelé au secours d'Abou-Obéidah en

Syrie. Ce ne fut pour la Perse qu'un sursis de quatre années. Elle avait alors pour roi Jesdegerd III, âgé de douze ans seulement à son avénement (632). Cette époque a servi de base à une ère nouvelle parmi les Perses.

Les Perses, menacés de nouveau par les musulmans, coururent à la guerre comme à une croisade, et cent cinquante mille hommes vinrent se ranger sous le tablier du forgeron qui servait d'étendard aux descendants d'Artaxerxès. Mais leur chef, le vizir Rustan, mou. rut dans le combat, à Cadésiah, et les Perses se retirèrent après trois jours d'une lutte acharnée. Les Arabes franchirent l'Euphrate à leur suite, et entrèrent dans Ctésiphon. Le calife Omar reçut à Médine la couronne de Chosroès et le fameux tablier. Clésiphon détruite fit place à Koufah et à Bassorah.

Cependant Jesdegerd était devenu un homme. Nouveau Darius, il vint encore tenter le sort avec les forces de l'Orient; mais la défaite de Djalulah fut pour lui ce qu'avait été celle d'Issus pour le premier empire des Perses, et celle de Néhavend, victoire des victoires, fut le coup de grâce. Jesdegerd mon. tra dans cette lutte une louable énergie, et défendit pied à pied ses États. Cependant les montagnes du Farsistan ne purent le protéger longtemps. Istachar, l'ancienne Persépolis, tomba aux mains des Arabes, et le dernier des Sassanides fut bientôt réduit à implorer les secours des hordes tartares qui habitent au delà de l'Oxus. Ni les Tartares ni l'empereur de la Chine, Taï-Tsong, leur suzerain, ne purent relever la fortune de Jesdegerd. Il mourut assassiné par les Turcs, sur les bords du Margus (552). Avec lui finit le second empire des Perses. Le sabéisme succomba également sous l'islamisme.

L'autorité des khalifes s'étendit alors sur tout l'Iran, et elle en dépassa même bientôt les limites par la soumission de la Transoxiane et de l'Inde occidentale, au commencement du huitième siècle. Mais la faiblesse inhérente à toutes les dominations asiatiques et musulmanes ne tarda pas à se faire sentir, et les Arabes avaient à peine formé leur immense empire qu'il tomba dans la dissolution. Tandis que l'Espagne sous les Ommiades, l'Afrique sous les Fatimites, composent deux nouveaux khalifats, l'Orient reconquiert aussi son indépendance, soit au nom de la liberté, soit au nom des nombreuses sectes religieuses qui déchirent si cruellement le sein de l'isla misme. Aussi bien nous n'insisterons pas sur ces divers démembrements. Outre qu'ils sont mal connus, ils n'intéressent le plus souvent qu'indirectement la Perse.

Les premières insurrections furent celles: 1o Des TAHÉRIDES, 820, dans le Khorasan; 2o Des SOFFARIDES, 872-902;

3o Des SAMANIDES, 902-999;

4o Des Bouides, dans le Fars, 932-1029, et dans l'Irak-Adjémi, cap. Ispahan, 932-1056.

Les Bouides descendaient de Bouia, simple pêcheur, issu du sang des Sassanides. Vainqueurs de leurs voisins, ils fondèrent en Perse un puissant empire. Bagdad même tomba en leurs mains (945). Les Bouides s'occupèrent dès lors beaucoup moins de conquêtes que de réformes et de civilisation. Ils forment une des dynasties les plus obscures et les plus honorables de l'Asie.

Cependant les GAZNÉVIDES jetaient dans l'est les fondements d'un plus puissant empire, établi aux dépens des Samanides. Leurs États s'étendirent, sous Mahmoud, de la Caspienne au Gange; mais lorsque Mahmoud fut mort (1028) la décadence commença aussitôt, et les SELDJOUKIDES succédèrent à leur suprématie.

Ces nouveaux conquérants changèrent complétement la face de l'Asie sous Togroul-Beg, sous Alp-Arslan, sous Malek-Chah (1037-1093). Les Gaznévides ne conservèrent que les provinces orientales de leur empire; les Bouides furent soumis (ceux du Fars en 1029, ceux de l'Irak-Adjémi en 1056), et les Abbassides eux-mêmes, souverains nominaux de l'Asie, furent obligés d'abdiquer entre leurs mains toute leur puissance politique (1055). L'Iran était de nouveau réuni sous une seule domination. L'empire grec trembla pour son existence, et la chrétienté, consternée par la prise de Jérusalem (1086), songea à refouler l'islamisme. La première croisade naquit de ces terreurs.

Il est vrai que l'empire des Seldjoucides ne tarda pas à se dissoudre, ainsi que toutes les dominations qui ne reposent que sur le génie de quelques hommes. Malek-Chah élant mort, cinq royaumes se formèrent de son héritage: le principal fut celui de Perse, sous Barcaroc, investi d'une suzeraineté plus nominale que réelle. Mohammed Ier (1105-1115) succéda à Barcaroc, et dès lors la Perse alla s'affaiblissant jusqu'au moment où les Khorasmiens, vainqueurs des Gaznévides et des Gourides, vinrent, en 1193, mettre fin à la dynastie dégénérée des Seldjoucides. Leur chef était Mohammed; leur patrie le Turkestan, vaste repaire des nombreux maîtres dont l'Asie subit successivement le joug.

Les Khorasmiens durèrent bien moins encore que les Seldjoucides. Les Mogols, conduits par Témudjin (appelé par nous Gengiskhan), le plus rapide conquérant qu'ait jamais vu le monde, après avoir soumis à leurs lois toute l'Asie orientale, alteignirent bientôt les limites de la Perse. Mohammed et Djelaleddin essayèrent en vain de leur résister: ils succombèrent après d'héroï

ques efforts, et la Perse ne fut plus qu'une des provinces de leur immense empire. Gengiskhan laissa à ses enfants des États qui s'étendaient du Tigre à Pékin en Asie, et sur toute la Russie méridionale en Europe. Le lamaïsme marcha du même pas que ses conquêtes (1227).

Nous ne nous arrêterons pas davantage sur l'établissement des Mogols dans l'Iran. Il suffira de dire que ces vastes contrées formèrent après Gengiskhan un khanat particulier, d'abord vassal du khan suprême, qui résidait en Chine, mais qui ne tarda pas à méconnaître cette suprématie (1250). Les plus illustres princes parmi ces souverains de l'Iran furent: Houlagou (1258-1265), Abaka (12651282), qui sut repousser toutes les attaques nouvelles des Tartares, et Abousaïd. Mais la mort de ce dernier khan devint le signal de la décadence (1335), et les ILKHANIENS, les DJOUBANIENS et les MODHAFFÉRIENS en profitèrent pour se substituer à la race de Gengiskhan, et pour régner soit sur l'Iran soit sur une partie de l'Iran. Ces prétentions rivales épuisaient l'empire et demeuraient irrésolues, lorsqu'un nouveau conquérant vint les résoudre brusquement et au profit d'une autre puissance.

C'est encore de la Transoxiane que sortit cette invasion. Tamerland, ou Timour, prétendait descendre de Gengiskhan. Il vint done renouveler la domination ébranlée des Mogols. Quelques années lui suffirent pour imposer des lois à toutes les contrées comprises entre l'Indoustan et la Méditerranée (13701402). La soumission de la Perse date de 1389. Mais à peine était-il mort que ce pays eut de nouveaux maîtres, les Turcomans (1407), qui y fondèrent la dynastie de MOUTON-NOIR ou KARA-KOIN-Lu, ainsi nommée parce qu'un mouton noir était représenté sur ses étendards. Maîtres de l'Arménie et du Diarbékir, ces princes profitèrent des dissensions que causait la rivalité des timourides et des ilkaniens, pour dominer en Perse. Kara- Youssouf, leur principal chef, venait de mourir (1406). Ils furent successivement gouvernés par Eskander (1406-1435) et Géangir (1435-1468).

La famille du Mouton-Noir fit alors place à celle du MOUTON-BLANC, Ak-Koïn-Lu, dont le fondateur fut Ussum Cassan. C'est sous ce prince que commença la célèbre lutte des Turcs Ottomans et des Perses. Des haines religieuses se joignaient aux haines politiques pour armer ces deux peuples l'un contre l'autre; car les Perses étaient schiites et les Turcs sunnites. Les premiers événements de la guerre ne furent pas heureux pour les Perses, qui, confiants dans les promesses du pape Paul II, n'avaient pas craint de provoquer la redoutable colère de Mahomet II par l'invasion de la Géorgie et de l'Arménie. Le sul

tan, qui exécrait les hérétiques à l'égal des chrétiens, s'élança contre eux, et les vainquit complétement à Kara-Hissar (1473). Mahomet mourut sept ans après, au moment d'envoyer deux grandes armées contre l'Europe et contre la Perse. Les autres souverains furent: Khalig-beg (1478-1479), Yacoub (1479. 1485), Djoulaver (1485-88), Béisankour (1488-90), Roustan (1490-97), Alvend et Mourad-beg (1497-1501).

Alors vivait loin de la Perse le jeune Ismael, fils du pieux scheik Éidar, descendant d'Ali, et Sophi (mystique), vénéré, que les Turcomans avaient fait mourir comme hérétique et dangereux. Ismael ne tarda pas à venger la mort de son père et son propre exil, et en 1501 il fonda une dynastie nouvelle, celle des SOPHIS. Il régnait sur la Perse, la Médie, la Mésopotamie et une partie de l'Arménie.

Les haines des Turcs et des Persans, sans être moins vives, moins irréconciliables, ne produisirent rien d'important tant qu'Ismael eut à s'affermir et tant que l'indolent Bajazet régna à Constantinople. Mais lorsque l'impétueux Sélim eut ceint le sabre des sultans la guerre éclata presque aussitôt. Telle était l'aversion de Sélim pour les hérétiques que mieux valait suivant lui tuer un seul sectateur d'Ali que soixante-dix infidèles, et qu'il n'hé sita pas à sanctifier son expédition par le massacre de quarante mille Turcs suspects d'hérésie. Les Perses et les Turcs se rencontrèrent sous les murs de Tauris, à Tchaldiran, avec des forces et une ardeur égales (1514). L'artillerie seule donna l'avantage aux Turcs, qui mirent au rang des jours malheureux celui où ils avaient remporté une victoire payée du sang de quarante mille soldats. Les janissaires refusèrent même de marcher en avant, et la bataille de Tchaldiran aurait été stérile si les peuples de Mossoul, d'Orfa et du Diar békir, ennemis des Alides, n'avaient abandonné Ismael pour se ranger sous la domination des Osmanlis (1516). La conquête de l'Arabie, de la Syrie et de l'Égypte sur les Mameluks, en doublant la puissance des Turcs en Asie, fut encore pour les Persans un nouveau motif de jalousie et de haine.

Chah-Ismael mourut bientôt après (1523), laissant parmi ses peuples la réputation d'un saint. Chah-Thamas, son fils, n'avait que dix ans. Mais les Osmanlis, gouvernés alors par Soliman le Grand, tournaient heureusement toutes leurs forces, toute leur attention vers les chrétiens, soit pour dominer sur la mer, soit pour menacer Vienne, soit pour profiter de la fameuse rivalité de François 1er et de Charles-Quint. Chah-Thamas put donc réprimer à loisir les révoltes de ses frères, et puis conquérir le pays des Uzbeks (1528), Bagdad (1529), le Chirvan (1538). Lorsque

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Soliman, se détachant pour un moment de l'Europe, dirigea ses armes contre les Persans, ce fut pour essuyer des revers si cruels que, dans sa douleur, il fit étrangler son vizir Ibrahim.

La guerre recommença quelques années après (1548), à l'instigation de Roxelane, sous prétexte de soutenir Alkazik-Mirza, frère de Chah-Thamas; mais elle fut longue et sanglante, sans être décisive. Thamas feprit Bagdad et une partie de la Géorgie (1554). Il eut bientôt l'occasion de troubler à son tour l'empire ottoman en donnant asile à Bajazet, fils de Soliman. Il n'en profita pas, et permit aux émissaires du sultan de venir étrangler ce prince avec ses quatre enfants (1559). Sélim II, successeur de Soliman, fut moins heureux encore que son père, et il renonça promptement à combattre le Sophi. dit-on,

Chah-Thamas mourut empoisonné, à l'âge de soixante-trois ans (1575). Ses suc. cesseurs, Ismael II (1675-1677), Khodavend (1577-1586), Hamzeh (1581), et Ismael II (1587), n'occupèrent à eux quatre le trône de Perse que pendant douze ans, au milieu des guerres civiles et des attaques de dehors. Que serait devenu l'empire des Sophis si les Ottomans avaient alors conservé leur ancienne énergie?

Mais il ne tarda pas à se relever à l'avénement de Chah-Abbas (1587), qui se montra digne d'occuper le trône, où il ne s'était élevé qu'en renversant son père et en faisant périr ses deux frères. Toutefois, menacé à l'est par les Uzbeks et par le Khorassan, à l'ouest par les Ottomans, à l'intérieur par des rivalités redoutables, il n'hésita pas à inaugurer son règne par de grandes concessions, et les Turcs reçurent de lui (1590) le Lauristan, Chehrzour, la Géorgie, le Chirvand, etc. Tranquille de ce côté, il n'eut pas de peine à se débarrasser de tous ses autres ennemis. Les Portugais, dont la puissance déclinait d'ailleurs depuis la mort d'Albuquerque (1515), perdirent en effet Ormuz (1623), grâce aux secours que les Anglais fournirent au Sophi, et les Mongols lui cédèrent Candahar. Jamais la Perse n'avait été plus puissante depuis plusieurs siècles. Ispahan, qui devint sous Abbas la capitale des Sophis, embellie et presque relevée par ce grand prince, fut alors l'une des plus heureuses et des plus riches cités de l'Asie.

Chah-Abbas mit le comble à sa gloire en reprenant aux Turcs les plus importantes possessions qu'il leur avait abandonnées. Achmet Ier, vaincu à plusieurs reprises, tandis que les ambassadeurs persans essayaient d'armer toute l'Europe contre les Ottomans, ne vit pas d'autre moyen de mettre fin à une lutte si sanglante et si malheureuse que de livrer

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