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partie comprise entre la pointe du Cotentin et les sables d'Olonne, qui appartient au grand massif primitif de la Bretagne, et qui présente, comme toutes les côtes formées par des terrains primitifs, un grand nombre de criques, de petits havres, de ports, mais en même temps des écueils qui s'étendent souvent à plusieurs lieues en mer, et qui rendent l'entrée de ces derniers excessivement dangereuse. Le Havre est indiqué par les deux phares du cap de la Hève, situés à cent mètres l'un de l'autre et à environ deux kilomètres de ce port. Le premier grand phare qui se présente ensuite est celui de Barfleur, un des plus beaux de la Manche. L'entrée de la Seine et celle de l'Orne sont d'ailleurs garnies de phares de divers ordres inférieurs qui dirigent les navires dans ces parages difficiles. Après le phare de Barfleur, et en ne comptant que les phares de premier ordre, on trouve ceux du cap Certenet, près de Granville, et du cap Fréhel, qui signalent Saint-Malo et l'entrée de la baie de Cancale; ceux de l'île de Bas et de Bréhat, qui éclairent les passages si dangereux des sept iles; celui de Belle-Ile-en-mer, sur les côtes méridionales de la Bretagne; ceux du Four, de Noirmoutier, des Sables, et celui de Cor. douan à l'embouchure de la Gironde. A partir❘ de ce point, les côtes devenant plates jusqu'aux frontières d'Espagne, les phares sont moins rapprochés, et on n'en trouve plus de premier ordre qu'à Arcachon et à Bayonne. Quant aux côtes de la Méditerranée, comme elles sont formées, comme ces dernières, d'anciennes alluvions sur presque toute leur longueur, et qu'elles n'offrent, par la même raison, que peu de mouillages et point d'écueils, il a été aussi très-facile de les éclairer, puisque six phares principaux suffisent pour signaler leurs points les plus importants le premier est placé sur les îles d'Hyères; le second, appelé le phare du Planier, représenté par les fig. 8 et 9 (pl. XL d'ARCHITECTURE), signale le port de Marseille; le troisième, élevé à l'extrémité de la Camargue, indique les bouches du Rhône; enfin les trois autres, celui placé vis-à-vis d'AiguesMortes et ceux du Mont-d'Agde et du cap Béarn permettent de reconnaître les points principaux du vaste golfe du Lion.

La construction des tours des phares est un travail très-délicat, qui exige toujours beaucoup de soin, et présente dans quelques circonstances les plus grandes difficultés. C'est surtout lorsqu'il faut les établir, ce qui se présente souvent, sur des rochers à fleur d'eau noyés constamment, ou qui ne sont découverts qu'à chaque marée. On comprend combien dans ce cas sont difficiles à poser les fondements de l'édifice, constamment exposés à être enlevés par la mer, tant qu'ils

n'ont pas atteint assez de poids pour résister aux vagues. L'édifice lui-même une fois construit doit présenter les meilleures conditions possibles de solidité, car il est soumis aux plus grandes causes de destruction le choc des vagues, l'effort du vent et le passage continuel de l'état d'humidité à l'état de sécheresse. La forme la plus convenable à lui donner pour résister aux vagues et aux coups de vents semble être la forme conoïdale, c'est-à-dire élargie de plus en plus, mais irrégulièrement, depuis le sommet jusqu'à la base, que le célèbre ingénieur anglais Smeaton a donnée au phare d'Eddygstone (voy. fig. 1, pl. XL d'ARCHITECTURE). Il faut d'ailleurs employer les meilleurs matériaux, et surtout des pierres choisies, appareillées avec la plus grande précision, comme l'indiquent les fig. 2, 3, 4, 5 et 6 de la planche citée, qui sont des coupes de ce phare prises, la première dans les premières assises, la seconde à la hauteur de l'escalier, la troisième à la hauteur de la lanterne, la quatrième à la hauteur de la dernière croisée. On voit que les pierres y sont ou emboîtées les unes dans les autres à queue d'aronde, ou fixées entre elles par des crampons en fer cachés dans la maçonnerie. Cependant il y a peu de phares à fleur d'ean de ce modèle: la plupart ont la forme de colonnes coniques, et diffèrent peu des phares de la Hogue et du Planier (Voy. les fig. 7 et 9, même planche). La fig. 9, qui est une coupe verticale du dernier montre l'escalier intérieur, et en haut de celui-ci, au-dessous de la lanterne vitrée où est placé le feu, la chambre de quart des gardiens. Les logements de ces derniers et les magasins sont placés dans le soubassement de la tour. Il est plus facile de les voir dans le plan, fig. 8, pris à la hauteur de la ligne ponctuée qui est tirée au travers de la fig. 9, un peu au-dessous du point où commence l'escalier.

Les phares construits sur des points déjà très-élevés au-dessus du niveau de la mer ne présentent pas d'aussi grandes difficultés de construction, et comme ils n'ont pas besoin d'avoir une aussi grande élévation pour porter le feu à la hauteur convenable au-dessus du niveau de la mer, et qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes causes de destruction, il n'est ordinairement pas nécessaire d'apporter autant de soin à leur exécution. Les seules avaries qu'on éprouve jamais sont des enlèvements d'échafaudages par le vent. Aussi se dispense. t-on de construire un échafaudage fixe parlant du sol et s'élevant à la hauteur où doit atteindre l'édifice, toutes les fois que cela est possible, comme par exemple quand le centre de la tour est évidé. Dans ce cas il est facile d'élever les matériaux par cette ouverture au moyen d'un treuil placé au sommet. Il suffit

alors d'employer un échafaudage très-léger qui s'élève avec la tour elle-même.

Nous avons vu que la partie la plus difficile de la construction des phares situés sur roches à fleur d'eau est la pose des premières pierres. On amène toujours, pendant que la mer est encore haute, les ouvriers et les matériaux, et on s'empresse de profiter de la basse mer pour poser les premières assises. Aussitôt que le phare est élevé au dessus des hautes-mers on y travaille d'une manière continue, afin de pousser le travail avec la plus grande activité possible, par la raison que nous avons déjà dit que les avaries deviennent d'autant moins à craindre que la maçonnerie est plus avancée. Toutes les fois que cela se peut on établit au pied du phare une tle artificielle sur laquelle on dépose les matériaux au fur et à mesure qu'on les apporte; cette disposition est préférable à l'emploi de pontons, sur lesquels on les dépose quelquefois, sous le rapport de la sûreté des ouvriers et de la régularité du travail, parce qu'ils sont fréquemment exposés à chavirer.

Nous avons vu qu'on a remplacé les miroirs paraboliques, qui avaient le grave inconvé nient d'absorber au moins la moitié de la lumière des lampes, par des lentilles dioptriques, qui n'en absorbent qu'une très-petite fraction. La mise en pratique de ce perfectionnement date de 1819 et est due à M. Fresnel. Buffon, longtemps avant les premiers essais de ce savant, avait déjà eu la même idée; mais il n'avait pu la mettre à exécution à cause de l'insuffisance des moyens auxquels on était encore réduit à cette époque. Cependant comme M. Fresnel ne connaissait pas les travaux de Buffon sur ce sujet, c'est à lui que revient de droit tout l'honneur de l'application des appareils dioptriques. Ces appareils sont fondés sur ce principe bien connu qu'en plaçant une lumière au foyer principal d'une lentille en verre, on produit derrière cette lentille un faisceau cylindrique de rayons parallèles qui peuvent se transmettre à de grandes distances. Mais il se présentait cette difficulté, que les lentilles de la grandeur convenable auraient présenté une épaisseur telle, au centre, qu'elles eussent eu un poids énorme et qu'elles eussent absorbé la plus grande partie de la lumière. M. Fresnel a aplani cette difficulté en employant des lentilles à échelons, composées d'un verre central de forme ordinaire, entouré d'une série d'anneaux de peu d'épaisseur dont le profil est tel qu'ils ont tous le même foyer principal, en sorte que le tout ensemble forme une lentille dont on aurait enlevé toute la matière inutile. Aussi ces lentilles sont-elles très-légères, d'une exécution facile, puisqu'on a affaire à des masses peu considérables, que l'on peut travailler séparé

ment, et absorbent-elles à peine le vingtième de la lumière incidente.

Elles se prêtent parfaitement bien à toutes les nécessités de l'éclairage des phares. Ainsi, pour obtenir les feux fixes, on leur donne la forme d'un tambour annulaire, engendré par la révolution du profil passant par le centre d'une lentile circulaire simple, autour d'une droite verticale élevée sur l'axe principal du profil. Les feux à éclipses sont produits par la rotation d'un tambour octogonal formé de huit grandes lentilles simples à échelons, accolées les unes aux autres. Les faisceaux lumineux qui partent de chacune de ces lentilles parcourent successivement tous les points de l'horizon, qu'ils éclairent tous les uns après les autres. Les éclipses ont lieu dans l'intervalle du passage de deux faisceaux lumineux successifs au même point. C'est la vitesse de rotation du tambour qui détermine le temps qui sépare les différentes visions; ainsi, par exemple, quand il fait une révolution en huit minutes, on aperçoit une vision par minute. Quant aux feux variés par des éclats, on les obtient avec un tambour annulaire, pareil à ceux qu'il faut pour les feux fixes, et autour duquel tourne une lentille simple à échelons, qui réunit en un faisceau parallèle la lumière déjà réunie en nappe par le tambour du feu fixe, et produit à chaque révolution un éclat passager plus vif que celui de ce dernier.

Pour utiliser la plus grande partie possible de la lumière de la lampe il fallait chercher à tirer parti des rayons émis dans la direction du dessus et du dessous des tambours. On y est parvenu, après plusieurs essais, en plaçant le tambour entre deux calottes sphériques formées d'une série d'anneaux à section triangulaire, dont la forme est calculée de telle sorte que la lumière arrivant divergente sur une des faces, éprouve sur une autre une réflexion totale et sort, par la troisième, en faisceaux parallèles.

La planche XLI d'ARCHITECTURE représente un appareil complet à éclipse. On voit trois des lentilles du tambour octogonal à la hauteur des mots plan focal. Au-dessus et au-dessous se voient les deux séries d'anneaux dioptriques qui recueillent les rayons émis par la lampe dans ces deux directions. L'appareil est maintenu par deux pivots, l'un en haut et l'autre en bas, et est supporté par un système de galets qu'on voit en dessous. Il tourne par l'action d'un mouvement d'horlogerie qu'on aperçoit dessous et à droite, et qui est mû par un poids dont on voit pendre la corde. L'appareil tout entier est renfermé dans une lanterne en glaces qui couronne le phare. Cette lanterne est recouverte d'un dôme en cuivre, surmonté par un paratonnerre. Les

glaces sont fixées dans des nervures de montants en bronze. Elles sont épaisses de 0,008 à 0,010; cependant, malgré cette grande épaisseur, elles sont souvent cassées par les oiseaux de mer qui viennent se précipiter sur la lumière.

On voit dans la figure l'endroit où est placée la lampe. Cette partie si importante de l'appareil a été aussi très-heureusement perfectionnée par M. Fresnel, qui a substitué aux anciennes lampes d'Argant des lampes à double courant d'air et à mèches concentriques dont la flamme produit un très-vif éclat sous un très-petit volume, el peut avoir par conséquent toutes ses parties peu éloignées du point mathématique qui constitue le foyer des lentilles, ce qui est indispensable au plus grand effet possible de celles-ci. Une lampe pour un phare de premier ordre a généralement un bec à quatre mèches. Celles-ci sont enveloppées d'une forte cheminée de verre, disposée de manière à pouvoir s'allonger ou se raccour cir pour régler le tirage. Elles reçoivent constamment de l'huile en abondance par un mécanisme analogue à celui des lampes Carcel. La lampe est munie d'un appareil qui prévient le gardien placé dans la chambre de quart des dérangements qui pourraient s'y faire : ce mécanisme est un petit vase dans lequel tombe l'excès de l'huile amené aux mèches; ce vase est percé d'une petite ouverture, et peut se remplir malgré cela lorsque la lampe marche bien, mais se vide lorsque la lampe marche mal, la quantité d'huile amenée étant alors moins considérable. Dans ce dernier cas son poids diminuant, il peut être soulevé par un contre-poids fixé à l'autre extrémité du levier qui le supporte, et ce mouvement dégage une sonnette qui s'agite alors violemment pour prévenir de l'accident. Dans la prévision des accidents, il y a toujours dans le phare une lampe toute prête pour remplacer, en quelques instants, celle qui viendrait à se déranger.

La portée des phares varie nécessairement avec l'état de l'atmosphère. Dans les circonstances favorables elle est, entre certaines limites, proportionnelle à l'éclat et à l'élévation de leur feu. Celle des phares de premier ordre varie entre 28 et 44 kilomètres, et celle des phares de port entre 11 et 22. Le phare français qui s'aperçoit de plus loin est celui du Mont-d'Agde, qui a été vu du phare du cap Béarn, c'est-à-dire à une distance de 93 kil. ou vingt et une lieues. C'est aussi le plus élevé. Cette énorme portée paraîtra, d'ailleurs, moins extraordinaire quand on saura que la lumière d'un bec à quatre mèches concentriques, tel que ceux qui brûlent dans les lampes des phares de premier ordre, équivalent à 17 becs de Carcel, et que les grands panneaux de

lentilles à échelons de 1,00 de hauteur et 0,70 de largeur donnent des éclats qui dans l'une équivalent à 4,000 becs de Carcel, ou 24,000 bougies.

C'est aux ingénieurs des ponts et chaussées qu'est confié en France le service des phares. 11 est dirigé par une commission dite des phares, qui est présidée par le sous-secrétaire d'Etat des travaux publics, et composée d'ingénieurs, de marins, d'hydrographes, d'astronomes et de physiciens. Il y a à Paris un établissement qui porte le nom d'atelier central des phares, qui est sous la direction d'un ingénieur de l'administration, et où l'on monte et vérifie les appareils avant de les expédier à destination; on y en fabrique même quelques-uns, surtout lorsqu'il s'agit de mettre à exécution quelque amélioration nouvelle. Toutefois, la plupart des appareils se font à l'entreprise, par des constructeurs qui font leur spécialité de ce genre de travail. Les plus renommés sont MM. Soleil, François jeune, et Henri Lepaute, qui ont une réputation universelle; car ils ont fourni depuis quelques années un très-grand nombre d'appareils à l'Angleterre, à la Suède, à la Norvège et aux ÉtatsUnis. Il leur faut nécessairement un outillage spécial, qui se rapproche de celui qui sert à la fabrication de la grosse horlogerie. L'instrument qui leur sert à tailler les lentilles et les anneaux est le plus remarquable. Il est cependant assez simple. C'est un disque horizontal en métal, disposé pour recevoir un mouvement de rotation, et sur lequel on colle la pièce de verre qui y reçoit la forme et le poli convenable, par l'usure, au moyen d'un frottoir. Cette pièce est fixée à l'extrémité d'un levier en fer, dont le bout est fixé à un point fixe au moyen d'une charnière. La longueur du bras de levier, depuis la charnière jusqu'au frottoir est égale au rayon de courbure du profil générateur de la surface que l'on exécute. C'est de la verrerie de Choisy-le-Roy, près de Corbeil, que sortent les verres dans lesquels on taille les lentilles. Ils valent, bruts, environ cinq francs le kilogramme. Le mètre superficiel de panneaux de lentilles à échelons montées sur leurs appareils se paie 1,750 francs.

L'éclairage, c'est-à-dire les fournitures d'huile et de mèches, et la garde des phares, se fait dans certaines parties du littoral à l'entreprise, et dans d'autres en régie. Toutes ces dépenses sont supportées par le trésor public. Il n'en est pas de même chez toutes les nations ainsi en Angleterre, où le système d'éclairage est cependant bien moins complet que chez nous, les navigateurs payent, dans chaque port, un droit pour les phares.

Nous avions au commencement de 1846 cent vingt-trois phares de toutes grandeurs sur les côtes de l'Océan et trente sur celles de la Mé

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PHARMACIE. De papuaxòv, médicament. Ce nom désigne aujourd'hui l'art de choisir et composer les divers remèdes, pour les approprier à l'emploi médicinal. Les termes anciens d'apothicaire et apothicairerie n'annonçaient dans leur étymologie (¿ñolńxn) que les boîtes ou vases destinés aux médicaments, et la personne qui les conservait; car jadis les remèdes n'étaient préparés que sous la direction des médecins officinaux.

Dans l'origine de la médecine, en effet, la chirurgie et la pharmaceutique ne formaient avec elle qu'un seul art, comme parmi toutes les nations peu civilisées, où des recettes et des opérations magiques sont de son domaine. Ainsi, l'emploi des herbes narcotiques suspendant les douleurs, excitant des délires, semblait opérer des miracles entre les

(1) On ne doit pas confondre la portée avec la limite de visibilité, qui varie avec l'état de l'atmossphère.

(2) Non compris la lanterne qui renferme l'appareil.

mains des Circé, des Médée, de Mélampus, de Machaon et Podalyre. Ainsi, Hippocrate préparait et portait encore lui-même ses médicaments. Aristote avait exercé la pharmacie dans sa jeunesse. Théophraste écrivit sur quelques parties de cet art; et Galien, qui l'a tant célébré et agrandi, tenait une officine à Rome.

Nous pourrions citer les Salomon, les Mithridate, et d'autres princes, dans la Perse et la Chine, comme auteurs de formules médicamenteuses; les Orientaux, les Arabes, les Indous, chez lesquels la nature est si opulente en productions, soit parfumées, soit vénéneuses, en ont enrichi l'art et accru sa puissance.

Il ne reste presque rien des sciences médicales de l'antique Égypte, renfermées par la jalousie du sacerdoce dans l'enceinte ignorée des temples, ou voilées par le mystérieux Hermès trismégiste, comme la magie chez les Chaldéens. Telles que des momies ense

velies sous des catacombes, ce n'est qu'en débris décomposés que nous sont parvenues d'anciennes connaissances; ce n'est guère qu'au moyen âgé, à l'époque de la splendeur | des Arabes, que brillèrent quelques lueurs de la chimie. La pharmacie ne consistait auparavant qu'en mixtions galéniques (d'après les préceptes de Galien), sans qu'on soupçonnât encore, au sein de ce monstrueux chaos de drogues entassées, les moindres réactions réciproques des affinités, dans les compositions de Scribonius-Largus, de Philon, de Moschion, de Nicander, de Sérapion, Mésué, Avicenne, etc.

Jusqu'au douzième siècle la médecine exerçait elle-même encore la pharmacie. Les moines, dans les longs ennuis de leurs clottres, copiaient ces vieilles recettes avec les légendes miraculeuses des guérisons. C'est au quatorzième qu'un cordelier apothicaire, soit Roger Bacon soit Berthold Schwartz, découvrit, par un merveilleux hasard, la poudre à canon, invention capitale, qui devait changer la face du monde politique et l'état des sociétés modernes.

Bientôt une autre découverte, celle d'un nouvel hémisphère, et le passage au cap de Bonne-Espérance ouvrirent une carrière illimitée aux conquêtes de l'histoire naturelle. La pharmaceutique s'enrichit de puissants auxiliaires, et les arts voisins d'objets non moins importants, en même temps que surgissaient de nouvelles maladies et que se propageaient des principes contagieux par les mélanges des peuples et la multiplicité des transactions commerciales. Les sciences phy. siques et chimiques furent défrichées, surtout par les investigations des médecins et des pharmaciens. Dès l'an 1484 Charles VIII avait élevé en France la pharmacie à une communauté distincte des autres branches de la médecine. En Allemagne l'enthousiasme des rose-croix et des alchimistes, ou philosophes par le feu, se livrant à la métallurgie et à la chrysopée, découvrit des préparations énergiques entre les mains de Paracelse, de Basile Valentin, etc.

Alors s'ouvrit, avec les seizième et dix-sep-❘ tième siècles, une ère éclatante pour la pharmacie comme pour les connaissances naturelles et chimiques. L'espace ne nous permet pas ici de louer tous les hommes qui préparérent si laborieusement les matériaux de cet édifice glorieux élevé de nos jours; mais l'histoire des sciences ne peut oublier que l'art pharmaceutique fit éclore un grand nombre de minéralogistes, de botanistes, de zoologistes et de chimistes célèbres, auxquels la postérité doit le développement de tant d'arts et de son industrie actuelle.

C'est en effet au dix-huitième siècle, après

les Stahl et les Boerhaave, que cet art, héritier des travaux de tant d'illustres devanciers, a concouru à la floraison générale des sciences. Il serait impossible ici d'énumérer tout ce qu'on doit aux immenses labeurs des Rouelle, des Macquer, des Bergmann et Scheele, des Priestley, Kirwan, Bayen, Lavoisier, Fourcroy, Guyton de Morveau, Berthollet, Klaproth, Parmentier, Proust, Davy, et depuis l'habile Baumé jusqu'aux savants actuellement vivants, qui ont élevé si haut ces vastes connaissances conservatrices de l'humanité.

Il ne faut point l'oublier, tous les objets importants pour la salubrité publique, l'analyse des eaux, des airs, ou leur désinfection, l'examen spécial des productions naturelles et leur composition chimique, leur emploi journalier dans nos nourritures, dans l'économie domestique ou rurale; tous les arts nés d'une liberté industrieuse sont désormais tributaires des études pharmaceutiques et chimiques. La conservation ou la détérioration des aliments, des boissons, comme leur meilleure préparation, l'extraction et la purification des corps gras, la distillation des spiritueux, la fabrication des sels, des acides, des savons et autres produits ; celle du sucre, des couleurs et teintures, des matières textiles et leur blanchissage; mille autres combinaisons, industrielles ou manufacturières, réclament les lumières du pharmacien, chimiste et naturaliste, indépendamment de ses attributions spéciales pour la médecine thérapeutique. Aussi la pharmacie a-t-elle conquis un haut rang scientifique dans les principales académies de l'Europe.

Cet art, aujourd'hui si vaste, puise ses éléments dans l'histoire naturelle des trois règnes, pour tous les objets dont il fait usage, et dans la chimie, qui enseigne l'analyse, la synthèse, la combinaison des principes à l'état de médicament. Ces études embrassent presque toute la nature.

Les parties de l'art pharmaceutique consistent, 1° dans le choix des matières, ou leur bonne qualité; 2o dans la séparation des parties usitées de celles inusitées; 3o dans leurs mixtions par des procédés simples, ou par des agents chimiques.

On prépare les médicaments, ou par division mécanique, comme pour les poudres, les parties quelconques d'une ou plusieurs substances, ou par l'extraction des sucs, des fécules, du sucre, des gommes, des résines, des corps gràs, fixes ou volatils, des sels, etc. On opère des mixtions, tantôt sans excipient, comme des poudres composées, des espèces, des pilules, tróchisques, etc.; tantôt au moyen d'intermèdes ou d'excipients déterminés.

Les mixtions à l'aide de l'eau s'obtiennent,

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