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doit diriger sa demande sans avoir à rechercher à qui en incombe la responsabilité; que c'est à bon droit, dès lors, que la comtesse Spottiswood-Machin a dirigé sa demande en dommages-intérêts contre le propriétaire de la voiture dans la quelle elle se trouvait et dont la responsabilité est absolue à son égard, sauf à ce dernier à introduire un recours en garantie contre celui qui en la heurtant l'a mis dans le cas d'occasionner ce dommage; Sur la demande en garantie: -Attendu que c'est incontestablement à Bécu que la faute de cette collision est imputable, que c'est bien par son fait, son imprudence et sa maladresse qu'a été occasionné le préjudice dont réparation est demandée; que c'est ce qui résulte d'ailleurs tant de son aveu luimême que de la déposition du sieur Lagorce, agent de la brigade des voitures, entendu comme témoin, et ajoutant que ledit sieur Bécu lui avait paru un tant soit peu pris de boisson; Attendu, quant au chiffre de dommages-intérêts réclamé à raison du préjudice éprouvé et par nous contrôlé, qu'il n'est pas exagéré, qu'il y a lieu de l'admettre;

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est l'une des plus controversées qui soient en doctrine et en jurisprudence.

Beaucoup d'arrêts et d'auteurs estiment que la responsabilité du voiturier est absolue, et que le transport des personnes doit être assimilé au transport des objets inanimés et qu'il y a lieu, dans un cas comme dans l'autre, d'appliquer le principe de l'article 1784 du Code civil. Si donc le voyageur est victime d'un accident, il a droit d'assigner en dommages-intérêts le transporteur ou cocher, seul maître de la direction de l'attelage, sauf à ce dernier à prouver, s'il y a lieu, qu'il n'a commis aucune faute, et que l'accident a été occasionné par la faute et l'imprudence d'un tiers, auquel cas il aura à actionner ce tiers en garantie. En ce sens, Cass., 1er mai 1855, Paris, 27 novembre 1866, D., P., 1885, I, 434, note; 23 juillet 1894, D., P., 1895, II, 63, etc., etc.

Dans le sens contraire, on refuse d'appliquer l'article 1784. Il est en effet difficile d'assimiler le voyageur à une chose, aux colis et marchan

dises que semble viser exclusive-j
ment cet article. Aussi des arrêts,
en nombre au moins égal, ont-ils
décidé qu'à l'égard des personnes
la responsabilité du voiturier est
exclusivement réglée par les arti-
cles 1382 et suivants du Code civil.
Voir notamment en ce sens, Amiens,
29 décembre 1881, D., P., 1882, II,
163; Cass., 10 novembre 1884,
D., P., 1885, I, 433; Paris, 21 fé-
vrier 1894, ANNALES 1894, p. 358;
27 juillet 1894, D., P., 1895, II,
63, etc. Cette controverse, on le
voit, n'est pas près d'être épuisée.
Peut-être les circonstances de fait
ne sont-elles pas sans influence sur
les Tribunaux appelés à statuer sur
ces litiges et les déterminent-elles,
dans chaque espèce, à adopter le
premier ou le second système. Il est
des cas, en effet, où le voyageur,
victime d'un accident, peut être
dans l'impossibilité de savoir à qui
doit incomber la responsabilité,
parce qu'il n'a pas, sous l'émotion
de la blessure, pu distinguer qui
était le véritable auteur de cet ac-
cident. Le cocher, au contraire, qui
conduit l'attelage, est plus en me-
sure que le voyageur de savoir à
qui incombe réellement la faute ou
l'imprudence commise, et il aura
plus grand soin de s'en assurer, s'il
est en principe personnellement res-
ponsable, à moins de preuve con-
traire. Le premier système semble
donc présenter plus de garanties au
voyageur.

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Dégradations et pertes. Expertise. Pouvoir d'appréciation du juge. — Demande reconventionnelle. Compensation. Dette non liquide ni exigible.

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Le juge n'est pas tenu d'adopter toutes les conclusions de l'expert commis par lui (art. 325 du Code de procédure civile).

La compensation ne peut s'opérer qu'entre deux dettes également liquides et exigibles. En conséquence, le juge peut rejeter la demande reconventionnelle ou en compensation, lorsque la prétendue créance opposée en compensation n'est pas liquide et qu'elle n'est d'ailleurs pas suffisamment justifiée.

Ainsi décidé par le jugement suivant :

Vu la << NOUS, JUGE DE PAIX : citation introductive d'instance sus

visée par laquelle les Muriel concluent à ce qu'il leur soit alloué, à titre de dommages-intérêts, la somme de 165 francs pour dégradations faites par Delourme pendant la durée de son bail expiré le 29 septembre dernier; - Vu le refus par Delourme de payer cette somme, la trouvant exagérée; - Vu la demande reconventionnelle en compensation de 132 francs, formulée par ledit Delourme, à notre audience du 22 novembre, pour charrois et travaux exécutés au profit des demandeurs pendant la durée du bail de Delourme; Vu notre jugement interlocutoire du 22 courant, ordonnan texpertise sur la demande des parties et nommant expert M. Louvet, lequel, dispensé du ser

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ment, du consentement des parties, s'est transporté sur les lieux; - Vu le rapport d'expert déposé au greffe de la justice de paix, à la date du 28 novembre, toutes ces pièces enregistrées; Vu l'article 4 de la loi du 25 mai 1838; Vu les arti cles 1728, 1729, 1730, 1731, 1732, 1735, du Code civil; - Vu les articles 29 et 302 et suivants du Code de procédure civile; Vu l'article 7 de la loi du 25 mai 1838; Vu aussi les articles 1289 à 1299 du Code civil; Statuant au principal: Attendu que le montant des dégradations a été évalué, par les demandeurs Muriel eux-mêmes, à 165 francs; Attendu que M. Louvet, l'expert, dans ses conclusions, vise certains points non abordés dans la citation; Que, du reste, sur beaucoup de chapitres, ces conclusions nous semblent exagérées, et notamment sur les articles 1, 2, 3, 5, 6, 7, 9, 12, 13, 15, 16, 18, 24, 25,

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26; Attendu qu'il y a lieu d'opérer une réduction sensible sur les évaluations de M. Louvet; qu'il y a lieu de ramener ces estimations à de plus modestes proportions; - Attendu, en droit, en vertu de l'article 323 du Code de procédure civile, que le juge n'est pas astreint à suivre l'avis des experts, ni à entériner leurs rapports si sa conviction s'y oppose; Statuant sur la demande en compensation: - Attendu qu'en vertu de l'article 1291 du Code civil, pour que la compensation puisse s'opérer, il faut que les deux dettes soient liquides, exigibles, ce qui, en l'espèce, ne se rencontre pas, puisqu'il s'agit de charrois et travaux qui ne peuvent être exactement justifiés; Attendu qu'il faut aussi que ces dettes soient sans con

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testation sur leur existence même;

or, les Muriel, par l'organe de M. Deguette, leur mandataire, contestent et sont en droit de contester l'existence et la rémunération de ces travaux et charrois, réclamés au bout de neuf ans, et dont la prétention ne repose sur rien de précis; Statuant sur la demande reconventionnelle en elle-même, basée sur des travaux et charrois effectués par Delourme au profit des propriétaires Muriel; - Attendu que, pour qu'elle fût admise, il eût fallu que Delourme pût justifier que ces charrois ne rentrassent pas dans la catégorie des services que se rendent mutuellement et journellement les gens de la campagne; - Qu'il eût fallu que Delourme apportât à l'appui de sa demande, qui, alors, eût pu être admise, une preuve ou un commencement de preuve constatant qu'il était bien dans l'intention des Muriel, lorsqu'ils sollicitaient le concours et l'aide de Delourme pour ces travaux, qu'il était bien dans l'intention des Muriel de les rémunérer, ce qui n'est pas le cas ;, - Et sur ce point spécial, nous homologuons le rapport de l'expert qui déclare que, à l'appui de sa réclamation, Delourme n'a pu justifier de la réalité des travaux et charrois; Attendu donc que, pour cette cause, nous sommes amenés à conclure que ces travaux étaient des services rendus par Delourme aux Muriel, et que ces services étaient purement gracieux, et à ce titre non susceptibles de rémunération;

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8 décembre 1901.

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Contravention. - Délit rural. - Citation directe. Partie civile. Aveu. Citations à témoins. Taxe des témoins. Condamnation du prévenu aux frais de citation et de taxe des témoins.

Alors même que la partie citée devant le Tribunal de police pour contravention ou délit rural, notamment pour divagation de bestiaux sur le terrain d'autrui, reconnaît l'existence de la contravention et offre la réparation du dommage, le juge de police doit condamner ce prévenu, déclaré coupable de la contravention, aux frais de citation et de taxe des témoins appelés par la partie civile, et ce, bien que ces témoins n'aient pas été entendus, l'aveu du prévenu ayant rendu leur audition sans objet (observations contraires).

Ainsi décidé par le jugement suivant :

MAI 1902.

« LE TRIBUNAL: Jugeant en premier ressort; - Ouï le prévenu et la partie civile en leurs moyens de défense et explications; - Le ministère public en ses réquisitions orales; Attendu qu'à la première audience, à laquelle la cause est venue (6 décembre 1901), le prévenu Fauvet a reconnu la contravention qui lui était reprochée, et qu'il a offert à Collet, partie civile, la somme de 3 francs pour le dommage; - Attendu que le Tribunal a désigné comme expert le sieur Idée Servais, cultivateur, demeurant à Prémont; Attendu que l'expert ci-dessus énoncé n'a point déposé de rapport; - Qu'à l'audience du 31 décembre dernier, la cause étant revenue, Fauvet a sollicité la nomination de trois experts;

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Que Collet a déclaré qu'il ne redoutait point l'expertise; - Attendu que le prévenu a reconnu le fait qui lui est reproché, et qu'il a offert à Collet la somme de 3 francs; Que dans ces conditions, la contravention est surabondamment établie; Qu'il n'y a point lieu d'ordonner une nouvelle expertise et que la somme offerte est suffisante;

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qui concerne les dépens occasion-
nés par la citation et les taxes aux
témoins, que le juge de police ne
peut distraire des dépens le coût
des citations à témoins, lors même
que leur audition serait jugée inu-
tile ou sans intérêt (Cass., arrêt du
5 août 1875); - Attendu qu'il est
également de jurisprudence que
lorsque le prévenu est reconnu cou-
pable, le Tribunal ne peut mettre
les dépens à la charge de la partie
civile, encore que celle-ci suc-
combe dans sa demande en dom-
mages - intérêts (Cass., arrêt du
15 novembre 1861); - Attendu que,
dans l'espèce, aucun procès-verbal |
n'a été dressé ; qu'en conséquence,
il était nécessaire que Collet pût ap-
puyer par la preuve testimoniale les
faits relatés dans son exploit intro-
ductif d'instance, pour le cas où les-
dits faits auraient été déniés par
Fauvet; Attendu que le fait re-
proché au prévenu est prévu et ré-
primé par les articles 3 et 12, tit. II,
de la loi des 28 septembre-6 octo-
bre 1791, ainsi conçus, etc. ; - Vu
également les articles 605 et 606 de
la loi du 3 brumaire an IV, ainsi
conçus, etc.; Par ces motifs,
déclare Fauvet convaincu de la
contravention relevée contre lui
(abandon de bestiaux sur le terrain.
d'autrui); Et lui faisant appli-
cation des articles précités, dont
lecture a été donnée, le condamne
à une amende égale à la valeur de
trois journées de travail, fixées à
2 francs l'une; - Dit qu'il n'y a
point lieu d'ordonner une nouvelle
expertise; Condamne la partie
civile en tous les dépens, sauf son
recours contre Fauvet; Dit que
la partie civile aura son recours
contre le prévenu Fauvet, pour

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tons certainement que l'inculpé d'une contravention ou d'un délit rural puisse être condamné aux frais de citation et de taxe des témoins appelés à déposer devant le Tribunal de simple police, et ce, alors même que ces témoins n'auraient pas été entendus. Mais il n'en doit être ainsi que si le Tribunal a ordonné ou autorisé l'enquête, et par suite, la citation aux témoins. Lorsque la poursuite est intentée par la partie civile, sans qu'aucun procès-verbal ait été dressé, celleci a-t-elle le droit de citer d'office des témoins pour la première audience, et de faire supporter les frais qui en résultent à la personne qu'elle prétend incriminer? La citation à témoins est pour le moins prématurée, car il peut arriver, comme cela a eu lieu dans l'espèce, que le prévenu reconnaisse l'existence de la contravention qui lui est reprochée, et se déclare prêt à indemniser le plaignant. Dans ce cas, l'audition de témoins devient absolument inutile, et le plaignant a fait des frais frustratoires qu'il ne saurait mettre à la charge de son adversaire. Nous devons donc en conclure que le plaignant ne doit citer des témoins que s'il y est autorisé par le Tribunal, parce que le prévenu a nié la contravention et que le plaignant doit être mis en mesure d'établir le bien fondé de sa plainte. C'est en ce sens qu'il faut, selon nous, entendre et appliquer les arrêts visés dans le jugement.

Par suite, si l'enquête a été or

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