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tion est réputé être la copropriété des riverains. Par suite, la possession et jouissance du passage sur ce chemin est utile et peut, en cas de trouble, donner ouverture à l'action possessoire.

A plus forte raison en est-il ainsi, lorsque le terrain du demandeur est enclavé ou n'a pas d'autre chemin praticable pour accéder à la voie publique.

Le juge du possessoire, saisi de la complainte, doit ordonner l'enlèvement de toute clôture, barrière ou nouvel œuvre formant obstacle au libre exercice du passage.

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L'opposition du 27 même mois; -Notre jugement préparatoire du 31 octobre prescrivant une vue de lieux avec enquête, ensemble nos procès-verbaux du 9 novembre relatifs à ces opérations, le tout enregistré ; Vu la loi du 25 mai 1838, les articles 691 et 682 et 2229 du Code civil; L'article 23 du Code de procédure civile; - L'article 33 de la loi du 20 août 1881 et le titre de propriété du demandeur, reçu Me Liby, notaire à Montmédy, le 24 novembre 1889; Ouï les

parties en leurs dires et conclusions aux audiences publiques des 14 et 21 novembre 1896; - Attendu que sur la demande en complainte, intentée contre les consorts Claisse, un jugement par défaut a été rendu, le 10 octobre dernier, qui a maintenu Thirion en la possession plus qu'annale du passage, notamment pour cause d'enclave et pour l'exploitation de son jardin, sis Chènevière-de-Blazy, sur le sentier de Blazy à travers l'enclos Claisse; Qu'il a, en outre, ordonné la suppression de la clôture récemment placée par eux pour en fermer l'accès sur leur fonds, ainsi que le payement de la somme de 5 francs à titre de dommages-intérêts; Attendu qu'en suite de l'opposition des défendeurs, du 27 octobre, portée à l'audience du 31 octobre, nous avons rendu un jugement préparatoire prescrivant une vue de lieux avec enquête aux fins de constater: -1° L'enclave du jardin Thirion; 2° La possession annale de passage de ce dernier sur le sentier de Blazy en question; -3° La nature dudit sentier; Attendu que nous avons procédé à ces opérations, en présence des parties, à la date du 9 novembre 1896, ainsi que cela résulte de nos procèsverbaux dressés à cette fin le même jour; - Qu'ensuite les parties ont développé leurs moyens de défense aux audiences publiques des 14 et 21 novembre courant; Qu'il s'agit aujourd'hui de vider notre délibéré, en statuant tant sur l'opposition du 27 octobre au jugement par défaut du 10, même mois, que sur le mérite de la demande principale formée par Thirion; Attendu que sans méconnaître la possession

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annale de passage du demandeur sur leurs fonds qu'ils ont clôturé en septembre dernier, les consorts Claisse prétendent: 1° Que ce passage n'a été exercé qu'à titre de tolérance et de bon voisinage en raison du mauvais état de viabilité de l'ancien sentier communal de Blazy, longeant la rivière et les propriétés riveraines du confin et dont la réparation incomberait à la commune ; 2° Que Thirion ne possède aucun titre constitutif de cette servitude de passage et ne peut prétendre à la copossession du sentier litigieux traversant leurs fonds; 2° Qu'en outre, sa possession n'est que précaire dès là qu'il a passé également cette année avec des voitures de fumier sur la propriété Lhotel, confinant au nord à un petit chemin d'exploitation qui aboutit à la route de Montmédy, tandis que leur enclos, planté de peupliers, ne permet pas le passage en voiture; Attendu que Thirion invoque à l'appui de sa réclamation le cas d'enclave de son jardin, et au besoin la copossession du sentier actuel de Blazy, conformément à l'article 33 de la loi du 20 août 1881; - En droit: - Attendu que s'il est vrai qu'aux termes de l'article 692 du Code civil, les servitudes continues apparentes et les servitudes discontinues apparentes ne peuvent s'établir que par titre, il existe toutefois une exception à cette rè gle générale à l'égard de la servitude de passage, en cas d'enclave, basée sur l'article 682 du Code civil, modifié par la loi du 20 août 1881 ainsi conçu « Le propriétaire, « dont les fonds sont enclavés et « qui n'a sur la voie publique au« cune issue ou qu'une issue insufJANVIER 1902.

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«fisante pour l'exploitation, soit « agricole, soit industrielle de sa « propriété, peut réclamer un pas«sage sur les fonds de ses voisins, « à la charge d'une indemnité pro<«< portionnée aux dommages qu'il << peut occasionner » ; Attendu qu'une telle servitude, fondée sur la nécessité, a son titre même dans la loi et ne peut jamais être réputée précaire ou de pure tolérance; Que dès lors, la jouissance annale donne ouverture à la complainte possessoire qui est également admise de la part du co-usager d'un sentier d'exploitation contre l'auteur du trouble apporté à l'exercice de ce passage, conformément à l'article 33 de la loi du 20 août 1881 conçu en ces termes : « Les che«mins et sentiers d'exploitation << sont ceux qui servent exclusive<«<ment à la communication entre « divers héritages ou à leur exploi<< tation; Ils sont en l'absence de « titre présumés appartenir aux pro«<priétaires riverains, chacun en « droit soi; mais l'usage en est com<< mun à tous les intéressés; - L'u«<sage de ces chemins peut être «< interdit au public » ;- Attendu que, dans ces conditions, le rôle du juge du possessoire est de maintenir l'état de choses existant avant le trouble (Cass., 1er août 1871); Qu'ainsi, d'après l'avis de Curasson, consacré par la doctrine et la jurisprudence: « Le juge de paix doit << maintenir dans sa possession celui qui exerce le passage sur un fonds << pour cause d'enclave, lors mème « qu'il pourrait passer sur d'autres, «< conduisant plus directement à << un chemin communal, sans même << rechercher l'endroit le plus court « et le moins dommageable pour

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« l'exercice de ce droit ; Le pas« sage alternatif, tantôt sur l'un, « tantôt sur l'autre, ne serait pas « même un obstacle à la demande << en complainte en cas de trouble << de la part d'un des propriétaires; « Le chemin d'exploitation est « regardé comme une copropriété « ou tout au moins comme une « servitude mutuelle, résultant d'une « convention présumée;-La ques«tion d'enclave n'est donc point «< ici à considérer; - Que le pro«priétaire puisse ou non user d'un <«< autre passage pour arriver à la « voie publique, il doit être main<< tenu dans sa possession dès l'in«<stant qu'il est démontré qu'il s'a«git d'un chemin d'exploitation >> ; En fait Attendu, d'après ce qui précède, que Thirion n'a que deux preuves à produire : Celle de l'enclave de son jardin et celle de la possession de son droit de passage sur le sentier litigieux à travers l'enclos; - En ce qui touche l'enclave: Attendu, d'abord, que l'instruction des lieux, corroborée par l'enquête, nous révèle: 1° que la chènevière Thirion, cadastrée sous les numéros 22 et 23, rejoint veuve Lambert et M. Mauroy, aboutit d'une part sur le terrain Hiblot, et de l'autre, sur la rive de la Chiers, couverte de roseaux vaseux et dont elle est délimitée du côté Lambert par une borne au pied de laquelle il existe une source d'une superficie de 3 mètres carrés environ, sur une profondeur de près de 80 centimètres; 2° Que cette propriété ne confine à aucune voie publique et que le sentier actuel de Blazy, qui la reliait à l'ancien sentier de ce nom, débouchant sur la voie publique, est aujourd'hui intercepté

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par la clôture litigieuse des consorts Claisse; - Qu'aussi, son état d'enclave se trouve pleinement justifié; - Qu'en effet, l'ancien sentier Blazy, figurant au cadastre longeant la Chiers et les propriétés riveraines du confin, qualifié de communal par les défendeurs, n'existe plus au-delà du pont du chemin de fer, ni au regard des terrains Maury, Thirion, Lambert, et du fonds terminus Claisse où il est détruit et miné par la rivière; - Qu'il est devenu impraticable et dangereux en face des héritages Claisse, Delavalle et Hiblot, et notamment à l'aspect de l'enclos Claisse, sur un parcours de près de 40 mètres; Qu'en maints endroits il est couvert d'eau, ce qui nous a forcé, lors de notre transport, de pénétrer avec les parties. et les témoins dans la plantation de peupliers, aux fins de continuer notre opération; — Enfin, qu'il ne pourrait être remis en bon état de viabilité qu'au moyen de travaux fort coûteux et hors de proportion avec la valeur des terrains enclavés; -Sur la possession annale: -Attendu qu'il ressort des débats, de l'enquête et de l'aveu des défendeurs, que pendant plus d'une année avant l'établissement de la clôture litigieuse, en septembre dernier, le sieur Thirion a exploité sa propriété en passant à pied et avec brouette sur le sentier de desserte de Blazy, à travers l'enclos Claisse, sans opposition de la part des défendeurs; - Que, dans ces circonstances, la possession annale de cette servitude de passage, exercée pour cause d'enclave, revêt les conditions prescrites par l'article 23 du Code de procédure civile et l'arti

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cle 2229 du Code civil, contrairement aux moyens de défense invoqués, qui sont du domaine du pétitoire, mais que, néanmoins, nous avons le droit d'apprécier au même titre que les actes de propriété, en vue seulement de colorer la possession; - Que c'est vainement, en effet, que les consorts Claisse excipent d'un vice de précarité résultant selon eux : 1° De l'impraticabilité de l'ancien sentier de Blazy; 2° De l'impossibilité d'établir une voie charretière à travers leurs plantations; 3° De l'existence d'un chemin d'exploitation au nord du terrain Hiblot et dont Thirion s'est servi cette année pour voiturer du fumier dans son jardin ; — 1o Attendu que la destruction partielle de l'ancien sentier de Blazy et son impraticabilité notoire à l'aspect du clos Claisse sont le résultat de la force majeure; - Que cet état de choses, loin de faire obstacle à la possession légale de passage du sieur Thirion, tend, au contraire, à dissiper le vice de précarité dont se prévalent ses adversaires, en nécessitant le transport de l'assiette de cette voie de desserte sur les fonds mêmes des riverains, pour le service de leur exploitation; - Attendu que d'après Dalloz « le but essentiel de la

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cession et au service de son exploitation, ainsi qu'à son défruitement suivant les besoins journaliers du ménage, en raison des produits multiples et successifs de la culture maraîchère; -2° Que d'autre part, la possession de Thirion ne saurait être viciée par le fait isolé de passage, pratiqué cette année sur le fonds Lhotel avec l'autorisation du propriétaire pour transporter dans son jardin du fumier, dont l'emplacement se trouvait à proximité du chemin d'exploitation susvisé ;

Que c'est dès lors le cas d'accueillir la demande en complainte de Thirion et d'ordonner la suppression de la clôture litigieuse avec le rétablissement des lieux dans leur état primitif, et ce, en raison du cas d'enclave de son jardin; ce qui concerne la nature du sentier de Blazy avec sa nouvelle assiette sur les fonds qu'il traverse:

En

Attendu que le demandeur invoque également, à l'appui de sa demande en suppression de la clôture Claisse, l'article 33 de la loi du 20 août 1881, en sa qualité de copossesseur du sentier de Blazy intercepté par cette barrière ; — Attendu que le titre de propriété de Thirion ne fait aucune mention du sentier de Blazy qui, bien que porté au cadastre, n'a jamais été l'objet d'aucun arrêté de classement ou de reconnaissance; - Que le sentier n'a été réparé ni entretenu que sur un parcours de 15 mètres environ à sa naissance, sur la rue de la Fontaine, par divers intéressés, tels que les sieurs Thirion, Laurent, Hiblot, et une seule fois par la commune, il y a dix ou quinze ans ; Que c'est en raison de son mauvais état de viabilité que

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les propriétaires riverains ont, d'un commun accord, reporté son assiette sur leurs fonds respectifs et ont établi le sentier actuel qui dessert les propriétés du confin, à partir de l'héritage terminus Claisse, jusqu'à son point de jonction avec le tronçon de l'ancien sentier en bon état qui le relie à la voie publique; Qu'ainsi, cette voie n'est nullement affectée à l'usage du public; Que si, à la vérité, quelques habitants de la partie basse du village y passent pour se rendre dans leurs terrains desservis par le chemin d'exploitation de la Coirolle, c'est sans nécessité, dans le but d'abréger leur chemin, et par suite, à titre de tolérance; - Attendu que Thirion a la possession plus qu'annale de ce sentier pour la desserte de son jardin à travers l'enclos Claisse; Que d'après la jurisprudence, il est fondé à demander la suppression de la clôture qui en intercepte le passage, conformément à l'article 33 de la loi du 20 août 1881, en sa qualité de co-usager de cette voie ; Par ces motifs, vidant notre délibéré et statuant contradictoirement et en premier ressort, et sans entendre cumuler le possessoire avec le pétitoire, toutes réserves étant faites aux consorts Claisse pour cette dernière action; Recevons en la forme les consorts Claisse opposants au jugement par défaut du 10 octobre 1896; Au fond: Déclarons les consorts Claisse non recevables et mal fondés dans leur opposition;

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de passage à pied et avec brouette, sur le sentier de Blazy, à travers le clos Claisse, notamment pour cause d'enclave et pour l'exploitation de son jardin, situé Chènevière-deBlazy, également traversé par ce sentier; Disons que dans les trois jours de la signification du présent jugement, sous peine de 1 franc de dommages-intérêts par chaque jour de retard pendant un mois, les consorts Claisse seront tenus : 1° D'enlever la clôture litigieuse interceptant le passage dont s'agit à son point de jonction avec l'ancien sentier de Blazy, à proximité du clos Laurent, qui a sa sortie sur le fonds Hiblot; 2° Et de rétablir les lieux dans l'état où ils se trouvaient dès avant l'établissement de cette clôture; - Sinon et faute par eux de ce faire et dans ledit délai, autorisons le sieur Thirion à enlever ladite clôture aux endroits indiqués ci-dessus, aux frais des consorts Claisse; - Condamnons ces derniers à payer la somme de 5 fr. portée au jugement par défaut du 10 octobre, à titre de dommagesintérêts et en tous les dépens de l'instance liquidés à la somme de...»

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Observations. -Ce jugement, très complètement motivé, est un véritable traité de l'action possessoire au point de vue de la servitude de passage sous ses différents aspects. Il est en ce sens intéressant, mais peut-être eût-il suffi pour justifier la répression du trouble, d'établir que le chemin litigieux était un chemin de desserte et d'exploitation, dont le demandeur en qualité de riverain, avait la copossession utile. Ce genre d'empiètement et de procès est assez

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