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facture de ces deux colis à la maison Ravaud, de Lyon, malgré toutes les démarches et réclamations qu'ils ont faites auprès de cette dernière ;

Attendu que, par suite de ces faits, les requérants ont subi la perte des deux colis et ont été obligés de renvoyer leur clientèle; Attendu que les voies amiables sont épuisées sans résultat; - Par ces motifs et tous autres à déduire à l'audience, s'il y a lieu: voir ledit Barneaud s'entendre condamner à payer aux requérants : 1° la somme de 62 fr. 40, montant de la facture des deux colis payés par eux à la maison Ravaud; 2° celle de : 0 francs à titre de dommages-intérêts, aux intérêts de droit et dépens, sous toutes réserves. >>

La cause en cet état appelée à l'audience du 2 août 1902, les parties ont comparu en personne et pris les conclusions suivantes :

Les demandeurs ont conclu à ce qu'il plût au Tribunal leur allouer le bénéfice des conclusions par eux prises dans leur exploit introductif d'instance.

Le défendeur, de son côté, a déclaré que le délai de transmission des colis postaux était indéterminé; qu'ils ne lui avaient d'abord été remis en sa qualité de correspondant de la Compagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée ayant un service de courrier, par le chef de gare de Prunières, agent de cette compagnie, seule responsable, que le 24 mars dernier; qu'il les a portés au domicile des époux Morgaillan le 26 du même mois, et que les époux Morgaillan les ayant refusés, il leur demanda ce qu'il ferait de ces colis, ce à quoi ceux-ci lui répondirent qu'il n'avait qu'à les

retourner et en faire de la confiture, s'il le voulait bien; qu'il n'y a donc aucune faute de sa part. Jugement en ces termes :

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« NOUS, JUGE DE PAIX : - Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort : Vu la loi du 12 avril 1892; · Vu l'article 130 du Code de procédure civile ;Attendu que le sieur Barneaud, sur le premier chef de la demande, répond que les colis postaux faisant l'objet du litige ne lui ont été remis que le 24 mars 1902 et les a portés à domicile le 26 du même mois, qu'il n'y a donc dans l'apport aucun retard de sa part; que les délais de transmission de ces colis ne sont pas réglementés, et qu'il n'a agi en les circonstances qu'en sa qualité de correspondant de la Compagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée, seule responsable; Attendu, quant au retour, qu'il prétend n'y être point tenu sans rémunération, personne ne l'assurant du payement de son transport et de ses déboursés, et ne s'y être décidé que par complaisance et aussi dans un but de débarras, du moment que personne ne les réclamait plus; Attendu que les demandeurs contestent les dires de Barneaud et prétendent que les colis postaux ne sont pas arrivés assez rapidement et à l'époque convenue, et que, dans tous les cas, vu leur refus, il était tenu d'en effectuer le retour immédiat ;

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présentant l'allocation à lui due en qualité de garde de la chasse des bois de Chassagne, du 1er mars 1901 au 1er mars 1902; Attendu que Maufoux résiste à cette demande en soutenant que cette allocation n'a jamais été due à Perrot; que ce dernier est rétribué par M. Lépine, propriétaire du bois, et n'a droit à aucune autre rémunération; que si, jusqu'à présent, il a, chaque année, donné 50 francs à Perrot, c'est volontairement et à titre de libéralité pure; Qu'il allègue, en outre, que, pour les années 1893 et 1894, ses écritures personnelles indiquent qu'il s'agit d'une gratification au sens ordinaire du mot, et que, d'ailleurs, l'on ne saurait comprendre qu'ayant un garde rétribué par Lépine, il aurait augmenté son traitement pour lui faire faire un service auquel il était déjà tenu sans plus ample rémunération; Attendu que Maufoux n'est pas recevable à invoquer sa comptabilité personnelle et les mentions qu'elle peut comporter (art. 1331 du Code civil); mais qu'il importe en même temps d'observer que Perrot, demandeur au procès, est tenu de justifier du bien fondé de ses prétentions; Attendu, en fait, que la location consentie par Lépine à Maufoux est du 29 février 1892, qu'elle contient une clause aux termes de laquelle Perrot, garde de Lépine, est chargé de la surveillance du bois qui en fait l'objet et de la répression des délits de chasse; Mais que, le 8 mars suivant, Maufoux donne à Perrot un rendez-vous pour s'entendre avec lui et « pour lui donner «< connaissance de l'allocation supplémentaire et des primes à lui << donner »> ; Qu'à cette date un

supplément de 50 francs a été promis à Perrot et lui a été d'ailleurs payé chaque année pendant neuf années successives; - Que les mots employés par Maufoux, allocation supplémentaire, excluent toute idée de gratification, mais indiquent au contraire que l'amodiataire de la chasse a la volonté de donner à son garde un « supplément de salaire », que l'on ne comprendrait pas une gratification supplémentaire allouée à un garde qui vient depuis huit jours seulement d'entrer en fonctions, alors que, par son essence, elle n'est que la rétribution volontaire des services rendus et un témoignage de satisfaction; - Que cette interprétation est corroborée par la constante régularité avec laquelle Perrot a reçu son allocation de 50 francs; - Que, d'ailleurs, Maufoux, en la donnant à ce dernier dès son entrée en fonctions, et avant que l'exactitude et le zèle de Perrot aient pu lui mériter une gratifica

tion dans le sens usuel du mot, a eu. l'intention de demander à Perrot un service plus strict et plus actif que celui que pouvait représenter un service annuel de 100 francs représentant environ 35 centimes par jour; ce supplément de solde accordé dès le début à Perrot avait pour effet de stimuler son activité; - Qu'ainsi tombe l'objection tirée par Maufoux de la rémunération donnée par Lépine; que l'augmentation qu'il a consentie s'explique naturellement et qu'il n'y a pas lieu de s'y arrêter; - Attendu que Maufoux ne serait recevable qu'à demander reconventionnellement contre Perrot des dommages-intérêts sous forme de diminution de salaire, mais sous la condition expresse que

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Lorsqu'à l'appui de sa demande en payement de fournitures, le marchand produit des livres de commerce régulièrement tenus, ces livres constituent une présomption et un commencement de preuve qui permettent au juge de déférer au demandeur le serment supplétoire, et après serment prêté, de condamner les défendeurs au payement de la somme réclamée.

Ainsi décidé dans les circonstances que voici :

Le sieur Vauchelet, boucher, a fait citer les sieur et dame Henriet devant M. le juge de paix de Raucourt, pour les faire condamner à lui payer la somme de 112 fr. 40, qu'ils lui doivent pour solde de fournitures de marchandises, avec intérêts et dépens.

Les défendeurs ont reconnu devoir seulement la somme de 72 fr. 40, ainsi que l'indique le livret sur lequel sont inscrites toutes les fournitures de boucherie faites par le demandeur et qu'ils ont représenté; que le surplus des fournitures avait été fait au complant.

Le demandeur a persisté dans sa demande et a produit, d'abord un mémoire détaillé de la somme réclamée, et ensuite un livre-journal sur lequel sont inscrites au jour le jour toutes les fournitures faites à crédit en général. Jugement:

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senté, à l'appui de sa demande, un mémoire indiquant toutes les fournitures de viande par lui faites depuis le 1er août 1894 jusqu'au 13 mai 1897, lequel mémoire s'élève à la Attendu somme de 102 fr. 70; que les défendeurs se sont reconnus débiteurs de la somme de 72 fr. 40, prétendant que le surplus des fournitures leur avait été fait au comptant;

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Attendu qu'en présence de cet aveu indivisible des défendeurs et repoussé comme mensonger par le demandeur, celui-ci, invité par nous à faire la preuve de sa demande, nous a produit un livre-journal coté et paraphé, ainsi que le prescrivent les articles 10 et 11 du Code de commerce; que sur ce livre-journal sont inscrites jour par jour, parmi des fournitures faites à d'autres clients du demandeur, toutes les fournitures de viande faites aux époux Henriet et indiquées dans le mémoire susénoncé; Qu'il ne se trouve sur ce livre ni blancs, ni ratures, ni surcharges, ni transports en marge pouvant faire supposer que les fournitures inscrites l'ont été après coup, et qu'enfin, à chaque quantième, toutes les écritures. y forment un même contexte ne portant aucune trace d'altération;

Attendu qu'en vertu de l'article 1329 du Code civil, il est permis au juge de trouver dans les livres de commerce un commencement de preuve l'autorisant à déférer le serment supplétoire et forment un document pouvant contenir les présomptions dont parle l'article 1353 du même Code, présomptions qui sont abandonnées à la lumière et à la prudence du magistrat dans le cas où la loi autorise la preuve testimoniale; Attendu que la de

mande qui nous est soumise rentre dans les limites fixées par ce dernier article; que le livre - journal qui nous est présenté par le demandeur nous paraît contenir une grave présomption de l'existence de sa créance et qu'il échet, dans ce cas, de lui déférer le serment supplétoire, conformément aux articles 1366 et 1367 du Code civil; - Attendu que Vauchelet la main droite levée a, sur notre réquisition, juré, en présence des défendeurs, qu'il a bien réellement fait à ceux-ci, aux dates et pour les prix indiqués au livre-journal susénoncé, toutes les fournitures qui y sont portées, et que le total des prix desdites fournitures s'élevant à 30 fr. 30 lui est toujours dû; Attendu que, par suite de ce serment, la demande de Vauchelet doit être considérée comme prouvée et, dès lors, doit être admise; Et attendu que les frais, etc., etc.; Par ces motifs, statuant contradictoirement et en premier ressort; - Donnons acte à Vauchelet du serment par lui prêté et, en conséquence de ce serment, condamnons, etc. »

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Observations. Ce jugement qui nous paraît exact et fondé en droit, a cependant été infirmé par le Tribunal civil de Sedan. Mais devant les juges d'appel, les défendeurs ont opposé un moyen nouveau, la prescription de l'article 2272 du Code civil. Le Tribunal a donc statué sur une situation toute nouvelle qui lui a permis de juger contrairement à la décision du premier juge, sans que pour cela cette décision doive être considérée comme erronée. Le juge de paix n'avait pas eu, en effet, à connaître d'un

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moyen qui n'avait pas été soulevé devant lui. On peut se demander si ce moyen était admissible, alors qu'il était opposé pour la première fois en appel, et s'il était possible, comme l'ont fait les juges du Tribunal, de déférer le serment aux défendeurs, quand, antérieurement et devant le juge de paix, le serment supplétoire avait été dé féré au demandeur, en présence des défendeurs et sans opposition de leur part. Deux arrêts de la Cour suprême en date des 11 juin et 15 juillet 1902 ont décidé le contraire. On peut, en effet, s'étonner de voir les Tribunaux déférer successivement le serment à l'une et à l'autre des parties, et s'appuyer sur ces serments prêtés et contradictoires pour rendre des jugements. contraires. C'est retirer toute valeur à ces serments, car il en résulte clairement que l'un ou l'autre des plaideurs a fait un faux serment, et ces contradictions sont de nature à faire douter de l'utilité de ce moyen de preuve le serment décisoire ou supplétoire. Trop souvent les plaideurs, par intérêt ou par amourpropre, n'hésiteront pas à jurer tout. ce qu'on voudra; on le sait, mais il convient de ne pas trop le laisser voir dans un débat public. Le Tribunal de Sedan ne paraît pas s'être rendu suffisamment compte des graves inconvénients que présente, à ce point de vue, son jugement infirmatif.

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