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Le fait que l'ouvrier, victime d'un accident du travail, a été hospitalisé, ne dispense pas le patron de payer au blessé la totalité de l'indemnité temporaire. Il n'y a pas lieu de déduire de cette indemnité une part représentant les frais de logement et de nourriture. Il en est ainsi surtout lorsque c'est le patron lui-même qui a envoyé le blessé à l'hôpital.

Toutefois, si le blessé lui-même fait offre de déduire pour ces causes le quart de l'indemnité à laquelle il a droit, le juge saisi doit tenir compte de cette offre.

Bien que la blessure ait été reconnue consolidée par un médecin appelé à donner son avis, l'ouvrier a droit de demander que l'indemnité de demi-salaire lui soit continuée jusqu'au jour du jugement à rendre par le Tribunal civil sur sa demande en payement d'une rente.

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tion de deux doigts; tion de deux doigts; - Que depuis l'accident la blessure n'étant pas consolidée a mis Félut dans une complète impossibilité de se servir de sa main; Attendu que Félut a droit depuis le 17 juin (cinq jours après l'accident) à une indemnité journalière qui est de la moitié du salaire quotidien jusqu'à la parfaite consolidation de sa blessure; que le salaire quotidien de Félut étant de 5 fr. 06, l'indemnité journalière est de 2 fr. 53; - Que Mouton est, à ce jour, 15 novembre, débiteur de 152 journées à 2 fr. 53, soit la somme de . . . . . 384'56 Mais attendu que Félut est resté 91 jours à l'hôpital d'Auxerre à raison de 2 fr. 14 par jour, soit une dépense de 194 fr. 74 payés par Mouton d'hospitalisation; Qu'il of fre à tenir compte à Mouton: 1o du quart de la dépense d'hospitalisation qui est de 48 fr. 68; 2° qu'il a reçu de Mouton des acomptes s'élevant à 220 fr. 80; Soit un total de... dont il offre à tenir compte à Mouton à prélever sur les 384 fr. 56, reste. 115 08 dont il demande payement; - Mais à l'audience du 3 décembre, où les parties ont comparu avec leurs défenseurs, Félut modifie ainsi ses conclusions dont il nous prie de lui donner acte; Disant que la première question qui est soumise au Tribunal est celle de savoir quelle doit être la proportion des frais d'hospitalisation dont Félut doit tenir compte à Mouton; Que

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Mouton évalue cette proportion au tiers et Félut au quart seulement; D'autre part, sur la deuxième question: que le demi-salaire dû à Félut soit continué à lui être versé à l'avenir, jusqu'à ce que le Tribunal civil saisi ait statué sur la demande de la rente à lui allouer pour sa blessure; Attendu que ce sont là les deux seules questions sur lesquelles on nous prie de statuer, les parties étant d'accord sur le salaire quotidien et le demisalaire journalier à 2 fr. 53 et sur le nombre de journées d'hospitalisation; Attendu qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 9 avril 1898 l'action aurait dû être portée devant le juge de paix du canton ouest d'Auxerre où l'accident s'est produit; Mais que ledit article ayant été édicté dans l'intérêt de l'ouvrier, celui-ci peut y renoncer sans que le patron puisse se plaindre d'être cité devant le juge de paix de son propre domicile; - Que d'ailleurs, à notre audience du 3 de ce mois, l'ouvrier Félut et le patron Mouton, par l'organe de leur défenseur, ont déclaré accepter notre compétence et vouloir plaider devant nous, ce qu'ils ont fait, déduisant tous leurs moyens de défense; Par ces motifs, retenons la cause; - Au fond; -Eu ce qui est de la première question, à savoir quelle doit être la proportion des frais d'hospitalisation dont Félut devrait tenir compte à Mouton; - Attendu que les parties sont d'accord sur le montant de demi-salaire, soit 2 fr. 53; Qu'au sujet de la proportion des frais d'hospitalisation, chacune des parties, en outre des arguments présentés à l'appui de sa thèse, nous ayant déposé des décisions judi

ciaires contraires, il nous reste à déterminer dans quelles proportions le blessé doit concourir aux frais d'hospitalisation, s'il y a lieu de déduire les frais de séjour, de nourriture ou d'entretien qui ne devront pas incomber au patron et rester à la charge du demandeur; - Attendu que la loi du 9 avril 1898 nous paraît formelle à cet égard; - Que l'article 3, § 5, porte: « L'employé « a droit... pour l'incapacité tem«poraire à une indemnité journa<< lière égale à la moitié du salaire « touché au moment de l'accident, « si l'incapacité de travail a duré « plus de quatre jours et à partir << du cinquième jour »; - Art. 4... « Le chef d'entreprise supporte en << outre les frais médicaux et phar«maceutiques et les frais funérai«res; ces derniers sont évalués à << la somme de 100 francs au maxi<«<mum; - Quant aux frais média caux et pharmaceutiques, si la << victime a fait choix elle-même de « son médecin, le chef d'entreprise <<< ne peut être tenu que jusqu'à «< concurrence de la somme fixée « dans chaque département pour «<l'assistance médicale gratuite » ;

Attendu que par les termes : «< le « chef d'entreprise supporte en «< outre... » venant après l'énumération de toutes les charges imposées par l'article 3 au chef d'entreprise, l'article 4 nous montre que la loi ne veut pas qu'on touche à l'indemnité journalière de l'ouvrier fixée par l'article 3, § 5, au demisalaire; Que si la loi avait voulu modifier ce demi-salaire selon quelques circonstances, elle l'aurait dit comme elle l'a fait pour les frais médicaux et pharmaceutiques dans le cas où l'ouvrier fait choix de son

Attendu que la loi

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médecin; étant muette sur une réduction à faire subir au demi-salaire réservé à l'ouvrier blessé, il n'appartient pas au juge de faire une réduction, si minime qu'elle soit, sur cette réserve, sans aller à l'encontre du but de la loi ; Attendu d'autre part que l'ouvrier, à l'hôpital, coûtera moins au chef d'entreprise, soit pour les frais pharmaceutiques, soit pour les soins médicaux; Que les visites à domicile du médecin sont d'un chiffre plus élevé qu'à l'hôpital, surtout s'il s'agit, comme dans l'espèce, d'une opération; que la guérison du blessé est plus rapide et plus complète à l'hôpital qu'à domicile, d'où avantage pour le patron; Que, dès lors, il serait injuste que l'ouvrier fût mis à l'hôpital pour faire obtenir un bénéfice au patron sur les frais de maladie et que celui-ci bénéficie encore sur le demi-salaire réservé à l'ouvrier;

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Attendu que dans la séance du Sénat du 23 mars 1896, lors de la discussion de la loi, un amendement de M. Blavier, tendant à réduire de moitié l'indemnité attribuée à l'ouvrier hospitalisé, fut rejeté sur l'intervention de M. Prevet qui, au nom de la commission, a dit : « Lorsque le malade est soigné «< à l'hôpital, les frais pharmaceuti«<ques et médicaux, quels qu'ils << soient, seront moins élevés, et le << patron y trouvera son avantage. »> Que le rejet de cet amendement prouve bien que dans l'esprit du législateur les frais d'hospitalisation

formulé par le comité consultatif des assurances contre les accidents du travail qui siège au ministère du commerce et de l'industrie, et qui a été institué par décret du 2 mai 1899 en vue de solutionner les questions qui lui sont soumises, soit par le ministre de l'intérieur, soit par le le ministre du commerce; Que l'avis de ce comité est celui-ci : « Victimes d'accidents. Hospitali«sés. Payement de l'indemnité << journalière. Sur l'interprétation << des articles 3 et 4 de la loi, en ce << qui concerne les victimes d'acci«dents traitées à l'hôpital. - Est <«< d'avis 1° qu'en cas d'hospitali<<sation de la victime de l'accident, << le chef de l'entreprise reste débi<< teur de l'indemnité journalière ; « 2° qu'il doit en outre les frais << d'hospitalisation, à moins que la << victime, refusant les soins médi<<caux et pharmaceutiques assurés << par l'entreprise, n'ait elle-même << fait choix de l'hospitalisation, par << application du second alinéa de « l'article 4 de la loi» (10 janvier 1900); Attendu que pour le cas qui nous occupe il est reconnu que le demandeur n'a pas désigné son médecin, ni fait choix de l'hospitalisation, mais qu'il a été transporté à l'hôpital d'Auxerre sur l'ordre de son patron; - Que, dès lors, il ne doit absolument rien en principe des frais d'hospitalisation; Attendu toutefois, en ce qui concerne Félut, qu'il a lui-même offert de payer (nous ne savons pour quel motif) le quart de l'indemnité d'hos

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ne devaient en rien réduire le demi-pitalisation; Que, dès lors, il ne salaire de l'ouvrier;

Donc que

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nous appartient pas de refuser cette offre faite par Félut; Disons qu'en droit la victime hospitalisée ne doit aucuns frais d'hospitalisa

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En ce qui concerne la deuxième question: - Que le demi-salaire dû à Félut soit continué à lui être versé à l'avenir jusqu'à ce que le Tribunal civil saisi ait statué sur la demande de la rente; Attendu que le demandeur prétend que l'indemnité journalière doit lui être servie jusqu'à ce que le Tribunal ait statué sur la rente qui doit lui être attribuée; - Tandis que le défendeur prétend que l'indemnité journalière doit cesser du jour que la blessure de la victime a été reconnue consolidée par le médecin, et, qu'en l'espèce, le docteur Nodot, dans son certificat, déclare la blessure de Félut consolidée au 22 sep. tembre dernier; que, dès lors, il ne doit plus que la rente qui sera fixée par le Tribunal, laquelle remontera au 22 septembre pour point de départ; Attendu que la loi n'a pas fixé l'époque où doit cesser d'être fournie l'indemnité journalière, en attendant que le Tribunal ait statué sur la rente à allouer à la victime;

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divers incidents de procédure, faire traîner le procès en longueur, afin d'amener l'ouvrier à meilleure composition pour traiter, ce qui serait une vraie exploitation de la misère et ce que sûrement la loi n'a pas voulu ; Attendu que si la loi est muette pour faire cesser l'indemnité journalière, la loi, au contraire, est formelle pour la continuation du payement de cette indemnité, lorsqu'elle a déjà été fixée soit par l'entente entre les parties comme dans l'espèce, soit par le juge de paix; qu'en effet, le paragraphe 4 de l'article 16 de la loi porte : « Si la cause << n'est pas en état, le Tribunal sur<< soit à statuer et l'indemnité tem<< poraire continuera à être payée « jusqu'à la décision définitive... » ; Attendu que le dernier alinéa de l'article 16 porte: « Le Tribunal « pourra condamner le chef d'en<< treprise à payer une provision...»; que l'on peut objecter, il est vrai, que par ce dernier alinéa de l'article 16, le blessé pourra obtenir une provision du Tribunal et ainsi n'être pas sans ressource; - Mais attendu que cet alinéa n'est pas impératif pour le Tribunal; qu'il porte le mot « pourra » au lieu du mot «< devra »;

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Qu'il suffirait que le Tribunal, pour une raison quelconque, refuse la provision, puisqu'il le peut, pour que l'ouvrier blessé fût laissé sans ressource aucune et livré dès lors entièrement à la merci du patron, ce qu'il faut éviter et ce que sûre

Mais qu'il n'y a doute pour personne qu'en fixant l'indemnité journalière au demi-salaire quotidien de l'ouvrier, la loi a voulu par là lui venir en aide et ne pas le laisser sans ressources à la merci du patron; Attendu que si l'on devait faire cesser l'indemnité journalièrement le législateur, dans un esprit au jour où la blessure sera reconnue consolidée par le médecin comme le prétend le défendeur, l'ouvrier pourrait se trouver un certain temps sans ressources, et le chef d'entreprise, plus fortuné, pourrait, par

MARS 1903.

purement d'humanité, a voulu éviter en insérant dans la loi le paragraphe 4 de l'article 16: « Si la cause «< n'est pas en état..., l'indemnité << temporaire continuera à être ser« vie jusqu'à la décision défini

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<< tive... >> ; Attendu que cette décision définitive ne peut avoir lieu que lors de l'établissement de la rente par le Tribunal et non lors de l'établissement d'une provision, si elle avait lieu; Attendu qu'en fixant à l'établissement de la rente par le Tribunal l'époque où doit finir d'être payée l'indemnité temporaire, on ne lèse aucun intérêt, on conserve les droits réciproques des parties, laissant à chacune d'elles, la plus intéressée, le soin de faire toute diligence pour amener le Tribunal à rendre sa décision définitive sur la rente; Qu'il y a donc lieu de dire que l'indemnité de demisalaire doit être servie jusqu'à ce que le Tribunal saisi d'une demande pour la rente ait statué sur cette rente; Attendu qu'ici le Tribunal civil n'a pas encore statué sur la rente à servir à Félut, qu'il y a donc lieu de lui continuer son demisalaire jusqu'à cette époque; Par ces motifs; Statuant contradictoirement et en dernier ressort;

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compte également à Mouton de la somme de 220 fr. 80 qu'il a déjà donnée en acompte à Félut, soit, au total. 269 48 D'où la différence est de 115'08 En conséquence, disons que Mouton payera à Félut la somme de 115 fr. 08 pour règlement de l'indemnité temporaire jusqu'au 15 novembre dernier ; Disons en outre que l'indemnité temporaire fixée à 2 fr. 53 sera continuée à payer à Félut, du 15 novembre dernier jusqu'au jour où le Tribunal civil aura statué sur la rente à allouer à Félut; Condamnons Mouton en tous les dépens. »

Observations. Les deux solutions principales contenues dans le jugement d'Auxerre ont été très controversées en doctrine et en jurisprudence. Sur la première question, celle de savoir si les frais d'hospitalisation doivent, dans une certaine mesure, entrer en déduction dans le règlement de l'indemnité temporaire, les arguments développés dans la sentence paraissent juridiques et décisifs. Il faut cependant reconnaître que cette solution qui n'admet, même en cas d'hospitalisation, aucune réduction de l'indemnité temporaire, est essentiellement avantageuse pour l'ouvrier blessé. En effet, pendant son séjour à l'hôpital, il a été défrayé de tout, et n'a pas eu à faire les frais de sa nourriture, frais qu'il aurait eu à prendre sur son indemnité de demisalaire, s'il s'était soigné à son domicile. L'ouvrier en cause paraissait l'avoir compris, puisqu'il avait spontanément offert une réduction d'un quart pendant son séjour à l'hôpi

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