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Une exception préjudicielle de propriété, tendant à faire échec à la poursuite, ne saurait être admise que lorsqu'elle est fondée, soit sur un titre apparent, soit sur des faits de possession équivalents, et elle doit être repoussée lorsqu'elle ne peut ôter au fait qui sert de base aux poursuites le caractère de délit ou de contravention.

Le Tribunal saisi de la poursuite doit statuer sur l'exception, la rejeter et passer outre, si elle ne se trouve pas dans l'un des cas prévus par l'article 182 du Code forestier et lorsque les circonstances de fait et les principes de droit permettent de décider qu'elle ne pourrait être accueillie par les Tribunaux compétents.

Le propriétaire qui fait placer des marches en saillie sur le sol d'un chemin vicinal, malgré la défense formelle contenue dans un arrêté d'alignement individuel, basé sur un plan d'alignement dûment approuvé par le conseil général, commet une contravention ressortissant de la compétence du Tribunal de police, tant au point de vue de l'amende à prononcer que de la réparation civile et doit être condamné, outre l'amende, à l'enlèvement des marches indûment posées.

Ainsi décidé par le jugement suivant :

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clusions et réquisition, en un mot
après l'accomplissement des forma-
lités prescrites par l'article 153 du
Code d'instruction criminelle;
Vu le procès-verbal, base de la pour-
suite, et les plans et arrêté d'ali-
gnement susvisés; - Attendu que
le ministère public à cette audience,
comme à l'audience précédente du
5 octobre courant, a requis l'appli-
cation de l'article 471, n° 5, du Code
pénal, contre le sieur Delphin Bour.
guignon, prévenu d'avoir établi deux
marches en saillie sur l'alignement
et en prolongement de marches pla-
cées antérieurement sur le trottoir
et sur le sol du chemin vicinal de
grande communication n° 2 des An-
delys à la Feuillée, et ce, contraire-
ment aux dispositions de l'arrêté de
M. le sous-préfet des Andelys en
date du 5 juillet 1899, que Bourgui-
Attendu
gnon a ainsi enfreint;

que cette contravention a été constatée suivant procès-verbal en date du 8 août dernier, enregistré, dressé par M. l'agent voyer du canton de Lyons, compétent à cet effet; - Attendu que Bourguignon, qui reconnaît la matérialité des faits qui lui sont reprochés, nie avoir commis une contravention en prétendant qu'il est propriétaire du terrain sur lequel reposent son trottoir et ses marches; qu'il a conclu à ce qu'il. lui soit donné acte: 1° de ce qu'il opposait à la poursuite dirigée contre lui l'exception préjudicielle de propriété; 2o de ce que le prolongement qui lui est reproché de deux marches a eu lieu sur le trottoir formant partie inhérente de sa pro

blique; 3° et subsidiairement, en tant que de besoin, de ce qu'il n'est pas justifié par l'administration que

« LE TRIBUNAL: Ouï le pré-priété, sans empiéter sur la voie puvenu en ses moyens de défense et conclusions; - Ouï également le ministère public en ses résumé, conAVRIL 1903.

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le plan d'alignement, approuvé le 15 avril 1896, ait été notifié aux parties intéressées; - Attendu que le prévenu, par suite de sa contestation de la validité du plan d'alignement du 15 avril 1896 et de l'arrêté d'alignement du 5 juillet 1899, a, en outre, conclu au renvoi de la cause et des parties devant les Tribunaux administratifs et à sa relaxe de la poursuite sans dépens; - Attendu que l'exception préjudicielle, telle qu'elle est formulée par Bourguignon, nécessiterait, pour le cas où elle serait reconnue recevable, le renvoi devant le Tribunal civil pour faire vider l'exception de propriété et aussi le renvoi devant les Tribunaux administratifs pour obtenir la solution de la question de légalité ou de validité des plan et arrêté d'alignement contestés; Attendu. qu'il appartient au Tribunal de statuer s'il doit surseoir jusqu'à ce que l'exception préjudicielle soulevée par le prévenu soit jugée par les Tribunaux compétents; Sur la recevabilité de l'exception préjudicielle; Attendu qu'en principe une question préjudicielle posée au cours des débats, pouvant détruire la base de la poursuite, met le Tribunal de répression dans l'obligation de surseoir et de renvoyer devant les Tribunaux qui doivent connaître de l'exception, s'il la juge fondée ou pouvant être admise par ces Tribunaux; Attendu qu'il convient d'écarter de prime abord les conclusions de Bourguignon tendant à le faire relaxer sans dépens; que le juge de police, en présence d'une exception préjudicielle, doit se borner à accorder un sursis et impartir un délai pour permettre à celui qui la pose d'en saisir le Tri

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bunal compétent; — Attendu que, pour obtenir le renvoi, il ne suffit pas d'élever une prétention de propriété dénuée de toute preuve; Attendu, en effet, que l'article 182 du Code forestier, qui a fixé les bases d'admission des exceptions préjudicielles, est ainsi conçu: — « Si, << dans une instance en réparation de délit ou contravention, le pré<«< venu excipe d'un droit de pro« priété ou autre droit réel, le Tri«bunal saisi de la plainte statuera sur « l'incident en se conformant aux « règles suivantes : L'exception

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préjudicielle ne sera admise qu'au« tant qu'elle sera fondée, soit sur « un titre apparent, soit sur des faits. « de possession équivalents, person<< nels au prévenu et par lui articulés <«< avec précision, et si le titre pro« duit ou les faits articulés sont de <«< nature, dans le cas où ils seraient « reconnus par l'autorité compé« tente, à ôter au fait qui sert de « base aux poursuites le caractère « de délit ou de contravention. Dans « le cas de renvoi à fins civiles, le « jugement fixera un bref délai dans << lequel la partie qui aura élevé la << question préjudicielle devra saisir « les juges compétents de la con"naissance du litige et justifier de « ses diligences, sinon il sera passé « outre »; Attendu que les principes, ainsi posés en cette matière par l'article que l'on vient de citer, sont déclarés applicables à tous les cas analogues par la Cour de cassation et le Conseil d'État (voir DICTIONNAIRE GÉNÉRAL DES JUSTICES DE PAIX, Questions préjudicielles, n° 2; Delaunay, De l'alignement, Exceptions préjudicielles, p. 178; Cour de cassation, 17 janvier 1845; 5 juin 1856, affaire Delort; 16 avril 1858, affaire Lous

teau; 14 juillet 1860, affaire Fontaine; 20 juin 1863, affaire Rosalain; 5 avril 1867; 15 mars 1889, commune de Thennelières; Conseil d'Etat, 9 mars 1836, affaire Barré; 17 décembre 1880, affaire Rose-Desnoue; 13 janvier 1882, affaire Pausier; 15 juin 1883, affaire Natali; 1er janvier 1884, affaire Ponceau; 19 mars 1886, affaire Bonnebeau; 2 juillet 1886, affaire Knür; 2 mars 1888, affaire d'Ortoli; 31 janvier 1890, affaire Desgranges); Qu'ils sont également applicables en matière d'exceptions préjudicielles basées sur l'illégalité de plans ou arrêtés d'alignement qui ne doivent motiver de sursis qu'autant qu'il s'élève des doutes sérieux sur l'existence, la validité ou le sens du classement ou des plans d'alignement, et qu'en l'absence de ces doutes les Tribunaux répressifs peuvent euxmêmes en retenir la connaissance (Cour de cassation, 27 décembre 1856, affaire Socet; 14 décembre 1859, affaire Lasnier; 28 août 1862, affaire Maillard et Bigey; 7 mars 1874, affaire Guertence; 6 mars 1883, affaire Bougarel; 5 novembre 1884, affaire Duffau-Lagarosse; Conseil d'Etat, arrêts des 4 juillet 1884, affaire Peytavie; 11 mai 1888, affaire Verdeau); Attendu qu'en présence de cette jurisprudence constante, le Tribunal, sans baser son jugement sur le fond du droit, doit cependant examiner si l'exception préjudicielle soulevée par Bourguignon réunit, comme chances d'admissibilité par les Tribunaux compétents, les conditions prévues par l'article 182 du Code forestier, soit surle chef d'exception de propriété, soit sur le chef de non-validité des plans et arrêté d'alignement;

Premièrement. Sur l'exception de propriété : — Attendu qu'il convient tout d'abord de remarquer que la prétendue propriété alléguée par Bourguignon n'est point fondée en titres; que le prévenu a même été obligé de reconnaître qu'il ne pourrait en fournir à l'appui de son exception qui paraît uniquement établie sur la possession du terrain sur lequel reposent le trottoir dudit prévenu et ses deux marches placées antérieurement à la contravention;

Attendu, en ce qui concerne le trottoir, que l'argumentation de Bourguignon pèche par la base; que le fait d'établissement d'un trottoir au droit de sa maison n'implique nullement une idée de propriété ou de possession: la loi du 7 juin 1845, art. 1or, en en faisant une charge de la propriété des riverains et en leur imposant partiellement les frais de construction sur la voie publique et de réparation des trottoirs, dispensant de tout commentaire; Qu'il a en effet paru naturel et équitable au légis lateur de faire contribuer à cette charge les riverains qui devaient être les premiers à profiter de la construction par la plus-value qu'elle donne à leurs immeubles et les avantages et commodités qu'elle leur procure, soit pour leur agrément, soit pour leur commerce ou industrie; - Attendu que la prétendue possession du sol sur lequel reposent les deux anciennes marches ne saurait non plus être prise en sérieuse considération pour les motifs qui vont être développés;

Attendu que, pour acquérir le droit de propriété par possession, il faut, aux termes de l'article 2229 du Code civil, une possession continue

et non interrompue, paisible, publique et non équivoque et à titre de propriétaire; - Attendu que les faits articulés par Bourguignon ne lui sont pas personnels au sens strict et à la lettre de l'article 182 du Code forestier; qu'ils ne sont pas précis, pertinents et concluants, et sont loin de démontrer que la possession dont il argue ait réuni, soit par lui, soit par ses auteurs, toutes les conditions exigées par l'article 2229 du Code civil; Que rien n'indique qu'elle n'ait pas subi pendant son cours une période interruptive suffisante pour faire défaillir la prescription acquisitive, et enfin qu'elle ait été exercée par le prévenu ou ses ayants cause à titre de véritables propriétaires; qu'il résulte au contraire des débats que cette possession était précaire et que l'existence des marches dont s'agit était simplement tolérée par l'autorité administrative les diverses pétitions de Bourguignon afin d'obtenir le maintien de ces marches et l'arrêté de M. le sous-préfet en date du juillet 1899 en font foi; - Attendu, d'ailleurs, que la loi du 21 mai 1836 régissant la matière des chemins vicinaux, suffit à elle seule pour faire

de sa largeur, et après enquête faite conformément aux prescriptions de l'ordonnance du 18 février 1834 par M. le préfet de l'Eure, suivant décision rendue le 23 juillet 1861, c'està-dire antérieurement aux lois du 18 juillet 1866, art. 1°r, no 7, et du 10 août 1871, art. 44, 46, nos 7, et 86, qui ont enlevé au préfet ses attributions en matière de classement de chemins vicinaux pour les conférer au Conseil général; Attendu, en outre, que les limites du chemin vicinal dont s'agit ont été fixées par un plan d'alignement dressé par l'agent voyer cantonal le 6 juillet 1894; que ce plan, communiqué aux Conseils municipaux des communes intéressées, a été l'objet d'une enquête dans les formes déterminées par l'ordonnance susvisée du 18 février 1834, puis soumis, avec le rapport de l'agent voyer en chef et les observations du préfet, au Conseil général de l'Eure qui l'a approuvé suivant décision du 15 avril 1896; Attendu que ce plan d'alignement ainsi approuvé a eu pour résultat d'attribuer ou réunir immé. diatement à la voie publique, conformément à l'article 15 de la loi du 21 mai 1836, le terrain nu, c'est

rejeter comme non fondée l'excep-à-dire non bâti, ni clos de murs, tion préjudicielle de propriété ; Attendu qu'aux termes de l'article 15 de cette loi, les arrêtés du préfet portant reconnaissance et fixation de la largeur d'un chemin vicinal, attribuent définitivement au chemin le sol compris dans les limites qu'ils déterminent, et que le droit des propriétaires riverains se résout en une indemnité; - Attendu que le chemin vicinal de grande communication n° 2, des Andelys à la Feuillée, a été classé avec fixation

étant au droit de la maison Bour-guignon, sauf règlement et payement ultérieur de l'indemnité pour le cas où il en aurait été dû (Avis du Conseil d'Etat des 7 et 21 août 1839; Conseil d'Etat, 11 mai 1888, affaire Bernard; 21 novembre 1890, affaire Enoch; Cour de cassation, 5 novembre 1868, affaire Malgras; 11 août 1883, affaire Bonnet; 18 juillet 1887, commune d'Hennebon), et que la prise de possession s'est valablement effectuée avant le règlement et le

payement de l'indemnité (Cour de cassation, arrêt 17 juin 1838, affaire Barghéon; 10 juillet 1854, affaire Labarthe), laquelle indemnité est aujourd'hui prescrite en vertu de l'article 18 de la loi du 21 mai 1836;

Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 de cette loi, les chemins vicinaux reconnus et classés sont, à la différence des chemins ruraux, imprescriptibles; Qu'il résulte de ce principe qu'un particulier ne peut même pas intenter une action possessoire relative à un chemin vicinal, attendu que tous les chemins vicinaux reconnus comme tels étant imprescriptibles ne sont pas susceptibles d'une propriété privée et ne peuvent dès lors être l'objet d'une action possessoire (DICTIONNAIRE GÉNÉRAL DES JUSTICES DE PAIX, Chemins, n° 20 (Conseil d'État, 5 septembre 1836);-Attendu, en conséquence, que l'exception du prévenu, basée sur la propriété, ne peut se soutenir et doit être rejetée comme n'étant pas admissible; Deuxièmement. Sur l'exception basée sur l'irrégularité ou l'illégalité des plan et arrêté d'alignement; Attendu, ainsi qu'il a été déjà dit, que semblable exception ne doit motiver de sursis qu'autant qu'il s'élève des doutes sérieux sur l'existence, la validité ou le sens du classement ou des plans d'alignement; - Attendu que ces doutes n'existent pas dans l'espèce; que le prévenu conteste seulement la validité de l'arrêté d'alignement, parce que cet arrêté et le plan, en formant la base, ne lui auraient pas été notifiés, à lui ou à ses auteurs (son acquisition des consorts Vépierre remontant seulement à environ deux ans); Attendu que le plan d'alignement

du 15 avril 1896 produit aux débats a été régulièrement approuvé par le Conseil général après l'enquête habituelle de commodo ou incommodo prescrite par la loi du 26 juillet 1824, art. 10, la circulaire du ministre de l'intérieur du 20 août 1832, et l'ordonnance du 11 février 1834 précitée, sous la direction de M. Milliard, commissaire enquêteur; Que l'approbation du plan d'alignement a été portée à la connaissance des intéressés dans la forme de publication de tous les actes administratifs, conformément à l'avis du Conseil d'État du 25 prairial an XIII, avec annonce publiquement faite par voie d'affiches dans la ville de Lyons à la date du 13 juin 1896, ainsi qu'il en a été justifié au Tribunal, que la décision et le plan d'alignement étaient déposés à la mairie à la disposition de tous les habitants; Attendu que cette publication était suffisante, ainsi que l'a décidé la Cour de cassation dans une affaire Denoël, arrêt du 18 juillet 1887; Qu'il a été en outre décidé, par un autre arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 1844, que la contravention résultant de travaux faits sans autorisation ou à l'encontre d'un arrêté administratif, ne saurait être excusée sous le prétexte que l'arrêté d'alignement n'aurait pas été signifié au contrevenant (DICTIONNAIRE DES JUSTICES DE PAIX, Voirie, n° 44); Attendu que l'arrêté d'alignement individuel du 5 juillet 1899, enfreint par le prévenu, a été légalement pris par M. le sous-préfet, par suite de l'existence d'un plan d'alignement, dans les limites de ses attributions administratives en vertu de l'article 2 de la loi du 4 mai 1864; Attendu que le juge

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