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signature privée et soumise comme telle à l'art. 1322 (1). 129. Si l'acte n'est pas signé, ou si la signature n'est pas reconnue; ni légalement tenue pour reconnue, il n'y a plus d'acte ni sous seing privé ni authentique. La convention sera-t-elle nulle? Non, à moins que les parties, par une clause expresse, n'aient subordonné l'existence de la convention à la validité de l'acte (n° 98) (2). Nous renvoyons à ce qui a été dit plus haut.

§ III. De la force probante des actes authentiques.

No 1. NOTIONS GÉNÉRALES.

130. Pothier dit que l'acte authentique fait foi par luimême, il n'est sujet à aucune reconnaissance; tandis que l'acte sous seing privé doit être reconnu ou, à défaut de reconnaissance, vérifié en justice (3). Le code consacre implicitement le principe; il prescrit la reconnaissance de l'acte sous seing privé, il ne l'exige pas pour l'acte authentique. C'est une différence capitale entre les deux catégories d'actes quelle en est la raison? On dit d'ordinaire que l'acte authentique est l'œuvre d'un fonctionnaire public, tandis que les écritures privées sont dressées par des particuliers sans caractère ni mission. La réponse n'est pas satisfaisante. Sans doute, s'il était certain que la signature qui se trouve au bas de l'acte est celle du notaire devant lequel les parties ont comparu, cet acte devrait faire foi sans reconnaissance aucune, car il serait absurde d'exiger la reconnaissance de ce qui est certain et de ce qui n'a pas besoin d'être reconnu. Mais qu'est-ce qui atteste que la signature soit celle du notaire qui déclare dans l'acte avoir instrumenté? Il porte son sceau, c'est déjà une espèce de garantie, mais elle n'équivaut pas à la reconnaissance; un faussaire peut s'emparer du sceau, il peut le contrefaire. Il en est de même de la légalisation, c'est une garantie, mais elle est loin d'être décisive.

(1) La Haye, 7 juillet 1819 (Pasicrisie, 1819, p. 420).

(2) Duranton, t. XIII, p. 66, no 78.

(3) Pothier, Des obligations, no 742.

Si la loi ne prescrit pas la reconnaissance de la signature que porte un acte, authentique en apparence, la raison en est que l'apparence, dans l'espèce, offre une garantie suffisante. Pour que l'acte, authentique en apparence, ne le soit pas, il faut supposer un faux; or, les faux sont une rare exception, on peut donc admettre comme règle que l'acte, authentique en apparence, l'est en réalité. La doctrine contraire aurait énervé l'autorité qui s'attache aux actes notariés. Si les parties étaient obligées de faire reconnaître ou vérifier la signature du notaire, elles n'auraient plus aucun intérêt à s'adresser à un notaire, car l'acte sous seing privé reconnu a la même foi que l'acte authentique. Si donc le législateur veut que les parties constatent leurs conventions par acte authentique, il doit les dispenser des formalités gênantes et coûteuses de la reconnaissance et de la vérification (1).

131. De là l'adage qui dit que provision est due au titre. Cela veut dire que le juge doit respecter le titre authentique et prêter mainforte à l'exécution (2). Régulièrement l'exécution de l'acte authentique ne peut être suspendue, comme nous le dirons plus loin, que par l'inscription en faux (art. 1319). Toutefois il a été jugé que la maxime d'après laquelle provision est due au titre n'est pas absolue. Si le créancier a un titre authentique, le débiteur doit être condamné tant qu'il n'aura pas détruit la foi due au titre. Mais si, de son côté, le débiteur produit des titres également authentiques, le juge se trouve dans l'impossibilité de donner provision au titre du demandeur, car il porterait atteinte au titre du défendeur; le juge doit alors prendre connaissance des prétentions des parties, ce qui revient à dire que provisoirement le titre du créancier ne sera pas exécuté (3). Mais cela n'est admissible que s'il y a conflit de titres contradictoires. Hors ce cas, il faut appliquer les principes qui régissent l'inscription en faux.

(1) Toullier, t. IV, 2, p. 66, nos 56 et 57. Mourlon, t. II, p. 802, no 1523. Colmet de Santerre, t. V, p. 533, nos 282 bis II et III.

(2) Paris, 24 août 1872 (Dalloz, 1874, 5, 401 et suiv.).

(3) Bruxelles, 18 mars 1851 (Pasicrisie, 1852, 2, 25), et Rejet, 5 février 1853 (ibid., 1853, 1, 54).

132. Aux termes de l'article 1319, l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme. Cela est trop vague et trop absolu. La question est de savoir de quoi l'acte authentique fait foi. Fait-il foi de tout ce qui y est écrit? Non. Si l'acte authentique fait foi, c'est parce qu'un officier public y intervient; il faut donc voir si la mission de l'officier public est indéfinie, illimitée. Elle est, au contraire, limitée, en ce qui concerne les notaires, aux faits juridiques que les parties doivent ou veulent constater dans la forme authentique. Tout ce qui n'est pas fait juridique est en dehors de la mission du notaire. Si un notaire, sur la réquisition d'un particulier, constatait, dans les formes prescrites par la loi de ventôse, un fait non juridique, l'acte qu'il dresserait ne ferait pas foi comme authentique. Cela est d'évidence. Toullier rappelle, à ce sujet, les nombreux procès-verbaux dressés dans le siècle dernier pour constater les prétendus miracles du diacre Pâris non-seulement, dit-il, ces actes ne prouvent pas la vérité des faits qui y sont attestés, malgré le nombre et la qualité des personnes qui les ont souscrits, mais encore la critique a su les apprécier à leur juste valeur (1), c'est-à-dire que le témoignage d'un officier public ne saurait transformer en vérités des faits qui ne sont qu'une illusion de la foi ou une supercherie de la fraude.

Par faits juridiques nous entendons les actes et les contrats qui confèrent un droit ou imposent une obligation; ce que, dans le langage ordinaire, on appelle transactions civiles. Le notaire a-t-il qualité pour constater authentiquement tout ce qui concerne les faits juridiques? Non. Le notaire constate des faits extérieurs, ce qu'il voit et ce qu'il entend, ou ce que lui-même accomplit, ainsi ce qui frappe les sens : ce sont les expressions de Du Moulin (2). Il y a des faits moraux d'une importance capitale dont le notaire n'a et ne peut avoir connaissance par l'organe des sens: il n'a aucune mission de

(1) Toullier, t. IV, 2, p. 142, no 145.

(2) Du Moulin, Commentaire sur la coutume de Paris, tit. I, § VIII, n° 64 (Œuvres, t. I, p. 169) : « Cujus notitiam et scientiam habet, propriis sensibus, visus et auditus. »

les constater, ni aucune qualité. Nous en avons déjà fait la remarque en traitant des testaments. Les notaires ont l'habitude de constater qu'ils ont trouvé le testateur sain d'esprit. Cette déclaration ne fait aucune foi, parce que le notaire n'a ni capacité ni mission de constater l'état des facultés intellectuelles du testateur; ce qu'il dit à cet égard n'est donc qu'un témoignage, et un témoignage rendu sans l'observation des formes prescrites par la loi, donc sa déclaration ne fait aucune foi. Il en serait de même d'une déclaration analogue que le notaire ferait à l'occasion d'un contrat. Le cas s'est présenté. Il était dit dans un acte que la partie contractante se trouvait dans un intervalle lucide; celui qui n'est pas interdit peut contracter dans les moments où il jouit de sa raison; mais il n'appartient pas au notaire de le constater, sa déclaration, à cet égard, ne fait aucune foi; elle soulève, au contraire, un doute sur l'état moral de la personne qui a comparu devant lui; cet état pourra être prouvé sans tenir aucun compte de ce que le notaire a dit (1).

Par identité de raison, il faut décider que les parties intéressées sont admises à prouver que l'un des contractants était dans l'impossibilité de consentir, soit par suite d'une maladie (2), soit par suite d'ivresse (3). Vainement dirait-on que le notaire, en constatant le consentement, a constaté par cela même que la partie était capable de consentir. La capacité de consentir n'est pas un fait matériel qui tombe sous les sens, c'est un fait moral que le notaire n'a ni mission ni qualité pour constater. Il se borne à acter le consentement que les parties donnent; s'il mentionnait un consentement qui n'a pas été donné, sa déclaration ferait foi, mais on pourrait l'attaquer par l'inscription en faux. Si la partie a déclaré consentir, on n'accuse pas le notaire d'avoir commis un faux en constatant cette déclaration, bien que la partie ne fût pas en état de manifester une volonté; le notaire n'a point dit

(1) Pau, 18 décembre 1807 (Dalloz, au mot Obligations, no 3093). (2) Bordeaux, 12 août 1828 (Dalloz, au mot Obligations, no 3093, 2o). (3) Lyon, 9 février 1837 (Dalloz, no 3096). Colmar, 27 août 1819, et Angers, 12 décembre 1823 (Dalloz, au mot Obligations, no 348, 1o).

qu'elle eût cette capacité, donc on n'attaque pas la véracité du notaire en demandant à prouver que la partie était incapable de consentir.

133. Quelle est l'étendue de la force probante des actes authentiques? Sur ce point nous avons deux dispositions, l'une et l'autre inexactes. L'article 1319 dit que l'acte authentique fait pleine foi. Qu'entend-il par là? Le deuxième alinéa donne l'explication du premier; il porte que l'exécution de l'acte authentique sera ou pourra être suspendue en cas d'inscription de faux, et comme l'alinéa commence par le mot néanmoins, il en faut conclure que la règle est que l'acte authentique ne peut être attaqué que par la plainte en faux, criminelle ou civile; ce qui exclurait toujours toute autre preuve contraire. L'article 45 applique cette règle aux actes de l'état civil; il pose en principe que les extraits des registres et, par conséquent, les registres de l'état civil font foi jusqu'à inscription de faux. Le principe serait donc que l'acte authentique fait pleine foi, en ce sens qu'il ne peut être combattu par aucune preuve contraire, si ce n'est l'inscription en faux.

La doctrine et la jurisprudence repoussent cette prétendue règle. Elle est en opposition avec le principe tel que Dumoulin l'a formulé, principe qui résulte de la nature même de l'acte authentique. De quoi l'acte fait-il pleine foi? De ce que le notaire constate comme l'ayant vu ou entendu et, par suite, de ce qu'il mentionne avoir fait lui-même. On comprend que ces déclarations et ces mentions de l'officier public fassent foi jusqu'à inscription de faux, car on ne peut les contester qu'en accusant le notaire d'avoir commis un faux, ou qu'en prétendant que l'acte a été falsifié. Quand le notaire constate ce que les parties lui ont déclaré, qu'est-ce qu'il déclare comme l'ayant entendu? Il a entendu les parties déclarer leurs volontés; il mentionne cette déclaration. Donc il sera prouvé jusqu'à inscription de faux que telle déclaration lui a été faite, car le notaire témoigne qu'il l'a entendue. Mais cette déclaration peut être simulée, fausse. Le notaire, en la recevant, témoigne-t-il qu'elle est sincère? La sincérité

ΧΙΧ.

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