Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

„aux autorités fédérales que Louis-Napoléon Bonaparte füt „tenu de quitter le territoire helvétique, les avoyers et conseil „d'état de Lucerne, directoire fédéral, ont reçu de la haute „diète l'ordre de répondre ce qui suit.

Lorsque les grands conseils des cantons ont été appelés à „délibérer sur la demande de M. le duc de Montebello, leurs votes se sont partagés sur la position de Louis-Napoléon „Bonaparte et sur la question de nationalité, mais non sur „le principe que la demande d'expulsion d'un citoyen suisse „serait inadmissible, comme contraire à l'indépendance d'un ,,état souverain.

[ocr errors]

Depuis que Louis-Napoléon a fait, pour s'éloigner du territoire de la Confédération, des démarches publiques que le ,directoire s'est occupé à faciliter, une délibération de la diète sur cette matière devient superflue.

„Fidèle aux sentiments qui, depuis des siècles, l'ont unie „à la France, la Suisse ne peut toutefois s'empêcher d'exprimer „avec franchise le pénible étonnement que lui ont causé les „démonstrations hostiles faites contre elle avant que la diète ,ait été réunie pour délibérer définitivement sur la réclamation „qui lui était adressée.

„La diète désire, autant que peut le désirer le gouverne„ment français, que des complications de la nature de celles „qui ont eu lieu ne se renouvellent plus et que rien ne trouble „à l'avenir la bonne harmonie de deux pays rapprochés par ,leurs souvenirs comme par leurs intérêts. Elle se livre à ,l'espérance de voir promptement rétablies et consolidées, , entre la France et la Suisse, les précédentes relations de ,bon voisinage et la vieille réciprocité d'affection.

,Les avoyers et conseil d'état du canton de Lucerne, ,directoire fédéral, ont l'honneur de réitérer à S. E. M. le

, duc de Montebello l'assurance de leur très-haute considé,ration.

Lucerne, le 6 octobre 1838."

(Suivent les signatures.)

Après l'envoi de cette note et la remise du passeport au prince, chacun était en droit de supposer qu'enfin le différend avec la France était terminé et que le cas de guerre ne pouvait plus exister. Il n'en était rien pourtant, et le baron Aymard, sur l'ordre qu'il avait reçu du cabinet Molé, continuait ses préparatifs de guerre.

Voyant cela, la diète, dans sa séance du 8 octobre, prend une grave résolution, que justifiaient néanmoins les circonstances.

Elle ordonne la levée de deux corps d'armée, qui, sous les ordres du général Guiguer, sont chargés de garder la frontière de Genève à Bâle, et elle prescrit que, dans chaque canton, des contingents seront mis de piquet.

[ocr errors]

Pendant que l'horizon politique se chargeait de nuages sombres, la presse s'occupait à l'envi du compromis et cela d'une manière - je puis bien l'avouer ici tout à l'avantage de notre pays. Certains journaux français n'ont pas craint de montrer leur sympathie pour le peuple suisse et ses conseils, et la note adressée au duc de Montebello était analysée dans des termes approuvant hautement l'attitude de la nation helvétique et de ses autorités.

Cet état de choses, pénible pour chacun, ne pouvait durer davantage; les esprits s'aigrissaient de plus en plus, lorsque, le 16 octobre, la diète reçut la communication officielle du départ du prince et la réponse de M. Molé (adressée à M. de Montebello et communiquée au directoire le jour précédent), ainsi conçue:

Monsieur le duc,

Paris, le 12 octobre 1838.

,M. le comte Reinhardt m'a remis, avec votre dépêche du ,6 octobre, la réponse du directoire fédéral à votre office du 1er août, et je m'empresse de vous en accuser réception.

Le gouvernement du roi n'a jamais demandé à la Suisse ,d'éloigner de son sein un de ses citoyens. Autant qu'aucune „autre nation, la France respecte l'indépendance et la dignité ,de ses voisins; mais elle veille en même temps au maintien ,de son honneur et de son repos. La Confédération, nous le ,croyons, ne laissera plus abuser d'une généreuse hospitalité „celui dont les étranges prétentions sur la France prouvent „assez que la Suisse ne saurait le compter parmi ses enfants. C'est avec une véritable satisfaction, M. le duc, que le gou,vernement du roi a vu la diète déclarer qu'elle désire, au„tant que peut le désirer le gouvernement français, que des complications de la nature de celles qui ont eu lieu ne se renouvellent plus.

"

„La Suisse sentira sûrement, sans qu'il soit besoin de le ,rappeler ici, tout ce que la France se devrait à elle-même, ,si jamais, et par impossible, les mêmes conjonctures se re„produisaient.

,Quant aux démonstrations que la diète appelle hostiles et

[ocr errors]

,qui lui auraient causé un pénible étonnement, le gouverne„ment du roi n'a pas cessé d'espérer, un seul instant, que „des mesures suggérées par la prudence prendraient un autre , caractère.

„Pour comprendre ces mesures et le sentiment qui les a „dictées, la diète aurait pu se reporter à l'attitude qu'elle„même avait prise, et au refus dont les délibérations des „grands conseils menaçaient la France. Aujourd'hui, M. le duc, , ces circonstances ont changé: Louis Bonaparte quitte la „Suisse. Il vous reste à annoncer au vorort que le corps ,d'observation formé sur notre frontière de l'Est va se dis,soudre.

"

Ce n'est pas sans émotion que le roi et son gouvernement „ont lu les paroles qui terminent la réponse de la diète. Comme à toutes les époques de son histoire, la France est

encore prête à témoigner à la Suisse qu'elle est son alliée ,la plus fidèle, son ami le plus sincère, le défenseur le plus „invariable de son indépendance. De son côté, la Suisse „veillera, nous n'en doutons pas, à ce qu'aucune cause de „mésintelligence ou de mécontentement ne vienne troubler „désormais la bonne harmonie et les rapports d'une amitié ,si ancienne et que les deux pays ont tant d'intérêt à perpétuer.

„Veuillez, M. le duc, donner lecture de cette lettre à Mon„sieur le président du directoire, et lui en laisser copie.

[ocr errors][merged small][merged small]

Par cette note, le différend prenait donc fin; la France se déclarait satisfaite du départ du prince, et, tout en protestant de son amitié sincère pour

son plus fidèle allié, elle recommandait à la Suisse d'éviter à l'avenir de pareilles complications.

Voilà, en résumé, le résultat de cette grave question qui, heureusement pour les deux pays, s'est terminée sans effusion de sang, grâce au patriotisme de la Suisse en général et des cantons de Vaud et de Genève en particulier, qui ont montré une énergie digne d'éloges en se préparant à défendre leur frontière contre l'invasion imminente des troupes du baron Aymard. La diète, en récompense de leur conduite, leur vota de chaleureux remercîments, de même qu'aux autres états confédérés qui avaient dé claré être prêts à secourir notre chère patrie.

Avant de clôturer la session, la diète prit encore un arrêté, adopté à l'unanimité des états et prescrivant le licenciement des troupes.

On a souvent parlé de relations amicales qui auraient existé entre le prince et moi durant son séjour à Arenenberg, ce qui se comprend d'autant plus facilement que le village de Berlingen, où je suis né et que j'ai habité dans ma jeunesse, n'est éloigné d'Arenenberg que d'une demi-lieue.

Il est donc tout naturel que je sois allé quelquefois à Arenenberg, comme d'autres compatriotes de mon

« PreviousContinue »