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Il était dans l'intérêt de la vérité historique, dans une question si importante, d'exposer complètement les motifs qui ont été de nature à empêcher, dès l'origine, M. Dufour d'accepter sa nomination de général de l'armée suisse, motifs qui ont été heureusement écartés par la fermeté avec laquelle il a maintenu les droits d'une position légale et réglementaire.

On doit donc hautement féliciter la Suisse de l'acceptation de cette position légale. Les faits mentionnés dans ce chapitre et la lettre officielle du général Dufour, du 23 octobre 1847, expliquent pleinement son hésitation, tout à fait consciencieuse et bien justifiée.

N'était-ce pas un grand avantage pour la Confédération de savoir que les mesures militaires, organisées pour exécuter les arrêtés de la diète, seraient dirigées par un chef aussi habile, aussi sage et aussi modéré et cela conformément aux intérêts de la Suisse entière?

Il m'a paru que les faits qui précèdent méritaient d'autant plus d'être signalés qu'ils font ressortir l'esprit d'abnégation et de dévouement patriotique de Dufour. Il a consenti à mettre de côté toutes les susceptibilités personnelles provoquées par la rédaction des instructions votées par la diète, instructions qui ne lui ont pas été communiquées, d'une manière ou d'une

autre, avant la prestation du serment, en séance publique.

Puisse cet exemple de patriotisme et de dévouement donné par Dufour trouver de l'imitation, si, par malheur, de nouveaux troubles venaient atteindre notre chère patrie!!

CHAPITRE V

EMPRUNT FORCÉ DANS LE CANTON DE FRIBOURG. INTERVENTION DE LA CONFÉDÉRATION DANS CETTE AFFAIRE

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Je dois mentionner ici un fait qui se rattache aux conséquences du Sonderbund et auquel j'ai pris une part active.

La guerre du Sonderbund terminée, la diète prit, le 2 décembre 1847, un arrêté imposant de fortes contributions aux cantons de l'alliance séparée, afin de compenser les sacrifices faits par le fisc pour couvrir les dépenses considérables occasionnées par la guerre.

Le gouvernement provisoire du canton de Fribourg, pour se couvrir de sa part de contribution, décréta, le 29 novembre 1847, qu'il y avait lieu de mettre en état d'accusation, pour cause de haute trahison, les membres du conseil d'état, du conseil diplomatique et du conseil de guerre du Sonderbund qui avaient

voté pour l'accession à la ligue séparée et pour la résistance à la diète; en outre, les membres du grand conseil qui avaient confirmé cette décision et enfin les chefs militaires, les ecclésiastiques, les fonctionnaires et autres personnes qui, en vue de favoriser la guerre civile, avaient enfreint leurs devoirs ou commis des actes qui ne leur étaient pas imposés par leur position.

L'arrêté énumérait 79 personnes dans ce cas et portait en outre qu'elles seraient traduites devant les tribunaux ordinaires, qui auraient à statuer tant sur les peines que sur l'indemnité.

Les prévenus furent suspendus dans l'exercice de leurs droits civiques et leurs biens mis sous séquestre.

Le 20 janvier 1848, le grand conseil fribourgeois décida qu'une amnistie générale serait accordée à des conditions telles que les personnes à designer par le gouvernement auraient à déclarer, dans un délai de quinze jours, si elles acceptaient le décret d'amnistie avec ses conditions, ou si elles voulaient recourir aux tribunaux.

L'essentiel de ces conditions consistait en ce que les auteurs du Sonderbund et de la guerre, à désigner par le gouvernement, devaient payer au canton, en se portant solidaires, la somme de 1,600,000 francs de Suisse à titre de dommages-intérêts, réclamés par la diète au canton de Fribourg pour sa part de contribution.

Les personnes impliquées dans la sentence ci-dessus étaient en outre suspendues, pendant dix ans, dans l'exercice de leurs droits politiques et pouvaient en outre être temporairement bannies du canton par des mesures de police, si elles se rendaient coupables de menées politiques.

Le 11 février 1848, une ordonnance d'exécution, émanant du gouvernement provisoire, citait vingt. personnes qui devaient payer la contribution de 1,600,000 francs et cela jusqu'au 28 février suivant, délai avant l'expiration duquel elles pouvaient se pourvoir par devant les tribunaux.

Ces vingt personnes adressèrent au grand conseil fribourgeois une pétition, où elles protestaient de leur innocence et de leur irresponsabilité. Se référant au procès-verbal du séquestre, elles déclarèrent que leur fortune commune (1,200,000 francs) était insuffisante pour couvrir la somme exigée de 1,600,000 francs; mais que, vu l'état misérable dans lequel se trouvaient les finances cantonales, les pétitionnaires étaient disposés à faire des sacrifices matériels, cela au prorata de leur fortune.

Cette pétition eut pour résultat que le grand conseil, par décret du 23 février 1848, prolongea jusqu'au 31 mars le délai fixé aux intéressés pour la déclaration qu'ils avaient à faire et que leur prescrivait l'arrêté du 20 janvier précité.

Cependant, le 28 mars, une révision du décret

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