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d'ici on demandera encore : « Comment a été vaincue cette main puissante qui avait gagné tant de batailles? Quomodò cecidit potens qui salvum faciebat populum Israël? » Si je suis assez heureux pour avoir fourni aux historiens futurs quelque renseignement utile, quelque document nouveau qui les préservent du danger de reproduire dans leurs récits les mêmes méprises, les mêmes erreurs où sont si souvent tombés leurs devanciers; si quelque vieux soldat qui aura assisté à la grande bataille, éprouve quelque orgueil à voir fidèlement retracés les actes de courage qui rendirent si longtemps la victoire indécise et suspendirent la catastrophe, ma tâche aura été bien remplie, et je m'applaudirai de l'avoir entreprise.

INTRODUCTION

RÉVOLUTION DU 20 MARS 1815

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Retour de Napoléon de l'île d'Elbe. - Il débarque au golfe Juan, il entre à Paris dans la soirée du 20 mars. Déclaration du congrès de Vienne du 13 mars 1815. - Napoléon fait de vains efforts pour détacher l'Autriche de la coalition. Réorganisation de l'armée. Ouverture des Chambres législatives. Dispositions hostiles qu'elles manifestent. Réponse de l'Empereur à l'Adresse de la Chambre des députés. — Traité par lequel les quatre principales puissances s'engagent à entretenir chacune un contingent de 150,000 hommes pendant toute la durée de la guerre. Plan de campagne pour l'invasion de la Belgique. Napoléon part pour l'armée.

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Dans les premiers jours du mois de mars 1815, un bruit vague d'abord, mais qui prenait à chaque instant plus de consistance, se répandit tout à coup dans Paris et tint bientôt en éveil l'attention de tous les oisifs de cette grande cité : Napoléon, disait-on, revenant de l'île d'Elbe où l'avaient relégué les traités de 1814, était débarqué avec une faible escorte le 1er mars dans le golfe de Juan. » La nouvelle d'abord avait paru incroyable tant on trouvait une telle entreprise insensée et téméraire, et certes, de toutes les actions accomplies par Napoléon dans sa carrière aventureuse, la conquête d'un royaume comme la France avec une armée de douze

cents hommes au plus, sans cavalerie, sans artillerie, sans munitions, était celle qu'on pouvait regarder comme dépassant toutes les limites de l'imagination la plus fantastique. Mais Napoléon avait pour lui le prestige de son nom, l'entraînement du caractère français pour tout ce qui est nouveau et extraordinaire, la fascination qu'il avait toujours exercée sur la population des campagnes, enfin la complicité même des troupes envoyées pour le combattre et qui n'avaient pu résister aux accents de cette voix, à la vue de ce drapeau tricolore qui les avaient si souvent conduites à la victoire. Sa course rapide du golfe de Juan jusqu'à Paris fut saluée aux cris mille fois répétés de: Vive l'Empereur! vive Napoléon! par une population en délire accourue de toutes parts sur son passage, et ressembla plutôt à la marche triomphale d'un conquérant qu'au retour d'un proscrit. Il faut, toutefois, pour l'honneur de la nation française, lui rendre cette justice, que tous les hommes éclairés, même ceux qui avaient accueilli avec le moins de sympathie la restauration des Bourbons, ne virent qu'avec un sentiment de défiance et d'effroi le retour de Napoléon; ils prévoyaient qu'il n'en pouvait résulter qu'une lutte funeste à tous les intérêts, une crise dangereuse pour les libertés publiques, et les chances presque certaines d'une guerre sanglante succédant aux douceurs de la

paix, dont à peine on commençait à goûter les bienfaits. Mais chacun sentait, en même temps, qu'il était trop tard pour revenir en arrière, et que puisque cette étonnante révolution qui allait attirer tant de malheurs sur la France, était un fait accompli, chacun devait désormais faire abnégation de ses opinions et de ses sympathies, et se serrer autour du chef de l'État pour opposer à l'ennemi qui allait bientôt assiéger nos frontières, une barrière infranchissable. Tel fut le sentiment, honorable dans son principe, qui conquit à l'Empereur, rappelé sur son trône par un moment de délire populaire et par l'enthousiasme aveugle de l'armée, une adhésion presque unanime et le concours de tous les hommes de cœur même les plus opposés à la restauration du régime impérial.

Le 20 mars, à neuf heures du soir, Napoléon fit son entrée dans Paris; une foule nombreuse l'attendait dans la cour des Tuileries, et l'enleva de sa voiture pour le transporter sur ses bras jusque dans la salle des Maréchaux. L'émotion de Napoléon en se retrouvant au sein de ce palais, témoin de ses glorieuses années, fut vive et profonde; ce fut peut-être le seul moment d'une joie sans mélange qu'il lui fut permis de goûter pendant ce nouveau règne d'une si courte durée. Dès le lendemain on put voir passer sur son front des nuages qui semblaient obscurcir

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