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dangers dont la menaçoient les projets d'oppression et la perfidie des chefs militaires. Il associe à cette généreuse entreprise MM. Troubat, capitaine de la garde nationale, I Garnier fils, lieutenant, la Forêt, ancien = militaire, Brard, Chaix et Monbrillon l'aîné. = Ceux-ci s'assurent d'un petit nombre de pa

triotes intrépides. Le jeudi 29 Avril, à onze heures du soir, on se rassemble chez M. Troubat. Le 30, à trois heures du matin, lạ petite troupe se met en marche; elle étoit composée de cinquante - deux volontaires. M. Garnier fils les divise en plusieurs pelotons, place chacun à son poste, et lui indique la marche qu'il doit suivre. Le peloton commandé par M. Chaix, va se poster contre la redoute de la Croix ; celui du chef de bataillon se met près de la vieille tour isolée, et celui de M. la Forêt se glisse le long du mur du fort, au pied de la poudrière; mais comme de-là on ne pouvoit apercevoir le signal que devoit donner M. Garnier, il s'avance jusqu'au coin dụ bastion.

Une heure s'étoit à peine écoulée, que Je jour commençant à poindre, on baisse le

pont, et on y pose une sentinelle. Dans cet instant, MM. Renaud et Julien de Feissolle feignant de venir entendre la messe, passent le pont, et sautant sur le factionnaire, lui appliquent un pistolet sur la poitrine, en lui disant : « Si tu parles, je te tue, c'est la nation qui vient s'emparer du fort". M. Garnier qui étoit au pied de l'escalier, donne aussitôt aux volontaires le signal convenu. Tous les pelotons se précipitent dans le fort, s'emparent des postes, lèvent le pont, et arborent sur la muraille la plus plus élevée le drapeau de leur district, qui por toit cette devise LA MORT OU LA LIBERTÍ. Après avoir désarmé la garnison, ils courent chez le commandant et les officiers qu'il's constituent prisonniers.

M. Doinet va sur-le-champ annoncer ad maire la prise du fort. Des commissaires de la municipalité s'y rendent, et en dressent procès-verbal. Ils annoncent ensuite aux soldáts de Vexin qui s'y trouvoient, qu'ils sont libres, et que ceux qui voudront rester sont à la solde de la ville, dans le cas où ils perdroient la leur. Tous demandent à mourir pour la patric, tous se décorent de la co

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carde nationale, et leurs armes leur sont rendues.

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Les vainqueurs dînèrent au fort de la Garde. Un billet leur ayant annoncé qu'ils avoient encore bien du chemin à faire, et qu'ils n'a= voient pas un moment à perdre, ils passent sur la terrasse, et jetant un coup d'œil sur les forts de Saint-Nicolas. et de Saint-Jean, ils s'écrient : « C'est-là qu'il faut aller souper. » Ils prennent chacun un soldat sous leur bras, et partent pour cette expédition, comme pour une fête mais ils n'eurent pas la peine de combattre. Toute la jeunesse de Marseille avoit pris les armes, et les commandans des forts sentant l'impossibilité de les défendre, prirent le parti de capituler. Ces forts, qui pouvoient à peine contenir sept à huit cents hommes de garde, renfermoient sept à huit mille fusils et trois cents mille cartouches; et dans ce temps-là, M. de Saint Priest, qui étoit encore, ministre, répondoit aux marseillois qui lui demandoient des armes, qu'il n'en avoit point à leur donner. Il les réservoit sans doute pour les tremper dans leur sang

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A six heures du soir, les portes furent

ouvertes à la garde nationale. Les soldats de Ja garnison témoignèrent leur joie par les cris de Vive la nation, vive le roi, vive la liberté ! Les volontaires placèrent sur le donjon le pavillon tricolore. A ce signal, le fort de Notre-Dame de la Garde tira trois coups de canon. Tous les citoyens y repondirent par des cris de joie.

Les gardes nationales partagèrent la garde de leurs conquêtes avec les soldats cantonnés dans les forts. M. de Beausset, aidemajor de M. de Calvet, commandant du fort Saint-Jean, voulut faire pendant la nuit des préparatifs de défense, et charger les canons à mitraille; il commanda même aux soldats de Vexin d'arrêter les volontaires qui étoient de garde dans le fort. Mais les soldats, au lieu d'obéir, mettent bas les armes, se réunissent aux volontaires, l'arrêtent luimême, et se mettent en devoir de le conduire à l'hôtel-de-ville. Les femmes s'attroupent, les poissonnières demandent sa tête; la multitude accourt et pousse les mêmes cris. M. de Beausset effrayé se jette dans la boutique d'un perruquier, mais il y est poursuivi et saisi par un homme qui, d'un coup de sabre

lui abat la tête. On s'acharne sur son cadavre, et une nouvelle scène d'horreur ternit la gloire d'un des coups de main les plus hardis de la révolution.

mer, ne

Les marseillois résolurent de démolir ces forts plus dangereux pour les citoyens que pour les ennemis. L'un d'entr'eux, le fort Saint - Jean, inutile du côté de la pouvoit servir qu'à foudroyer le port. Louis XIV ne l'avoit fait construire que dans l'intention d'asservir la cité; et par un raffinement et un luxe de despotisme, qui n'appar tenoit qu'à lui, il avoit mis en évidence ses ques d'oppression, en faisant graver sur une des pierres angulaires de l'édifice, l'inscription · suivante: Ludovicus XIV adificavit hane arcem, ne fideles Maffilienses nimium in libertatis amorem irruerent.

On se livroit avec autant plus d'ardeur à cette démolition, qu'on la regardoit comme une œuvre patriotique. Mais l'Assemblée nationale considérant que les forts n'appar tiennent pas aux villes particulières, mais à l'état, et les inconvéniens qui pourroient résulter de ces destructions arbitraires, ordonna de suspendre les travaux, et de remettre

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