Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

composant le gouvernement de formes opposées entr'elles, d'augmenter les vaines clameurs des ennemis du bien public sur la prétendue dégradation de l'autorité royale, de rendre les rois eux-mêmes ennemis de la constitution dont ils sont chargés d'être les gardiens, en leur faisant regreter la prérogative dont elle les dépouilleroit, et dont la perte les rendroit inférieurs aux autres rois? En attribuant concurremment le droit de la paix et de la guerre aux deux pouvoirs que la constitution a consacrés, tous ces inconvéniens disparoissent. Reste une seule objection insoluble, mais qui existe dans tous les systêmes, et qui embarrassera toujours les diverses questions qui avoisineront la confusion des pouvoirs, c'est de déterminer les moyens d'obvier au dernier degré de l'abus! Il n'en est qu'un, c'est le tocsin de la nécessité, qui seul, quand le moment est venu, peut donner le signal de remplir l'imprescriptible devoir de la résistance, devoir toujours impérieux quand la constitution est violée, toujours triomphant quand la résistance est juste et vraiment nationale..

Ces principes soutenus par M. de Mira

beau avec toute la force de la logique, et développés avec tous les mouvemens de l'éloquence, furent entendus avec les marques d'une vive improbation. Le public qui sentoit toute l'influence de la solution de ce problême politique sur le maintien de la constitution, et qui en redoutoit les dangers, remplissoit le jardin des Tuileries, les tribunes et les avenues de la salle. L'effervescence étoit très-grande, on sembloit attendre la décision de cette importante question comme l'arrêt des destinées de la France. MM. Barnave et Lameth furent portés en triomphe. Les imputations les plus odieuses ne furent pas épargnées à M. de Mirabeau; on l'accusoit hautement d'avoir vendu aux ministres son suffrage, sa gloire et la liberté du peuple. Les pamphlets les plus injurieux furent répandus depuis le vestibule de la salle des séances jusques dans les fauxbourgs, et on cria'dans les rues un libelle portant pour titre : la grande trahison du comte de Mirabeau.

M. Barnave combattit avec chaleur dans l'assemblée un plan qu'il appeloit une anarchie constitutionnelle, et on imagine bien

сс

que le Démosthène françois ne laissa pas ses adversaires sans réplique. « Ce n'est pas d'au» jourd'hui, dit-il, que j'ai dû m'attendre à » la mobilité de l'opinion publique, et moi » aussi, il y a deux jours, j'ai pu me faire porter en triomphe. Et aujourd'hui, au moindre dissentiment entre les amis de la cause populaire, on crie de toutes parts dans la capitale à la séduction, à la corruption. Je savois, avant cet exemple, qu'il n'y avoit pas loin du capitole à la » roche tarpéïenne. Et moi aussi je puis » croire que je suis un défenseur de la cause

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

ככ

du peuple; mais pour lui être utile, je » cherche la vérité, je la dirai toujours au risque de lui déplaire. Avec un tel principe il faut bien se résoudre à n'obtenir une justice constante que du tems et de la postérité ».

[ocr errors]

Après avoit réfuté pas à pas M. Barnave : «Si la constitution, ajouta-t-il, plaçoit tout le pouvoir législatif dans le corps législa tif, j'aurois en effet dénaturé et confonda 35 l'action des deux pouvoirs, en voulant les faire concourir ensemble. Mais ce n'est pas dans le corps législatif seul, qu'est

[ocr errors]

33

» tout le pouvoir législatif; il y en à une portion que la constitution place dans lavolonté du roi, dans le sanctionnement qu'il peut donner ou refuser à une loi. Lorsque ce concours existe dans tous les » autres, il doit exister aussi dans cet acte de souveraineté qui met deux nations dans » le terrible état de guerre ».

[ocr errors]

Ce qui inquiétoit le plus le parti populaire dans le projet de M. de Mirabeau, c'est que le droit du corps législatif à décider la guerre, n'y paroissoit pas assez formellement énoncé. M. le Chapellier après avoir enlevé quel ques inexactitudes d'expression échappées à l'auteur, proposa divers amendemens auxquels M. de Mirabeau souscrivit. M. Alex-. andre Lameth proposa de rédiger ainsi le premier article: la guerre ne sera décidée que par un décret du corps, législatif. M. Fréteau, voulant rappeler le concours du pouvoir exécutif, demanda l'addition de ces mots sur la proposition formelle et nécessaire du roi. Enfin M. Desmeunier fit ajouter ceux-ci et fanctionné par lui. Avec ces singulières modifications, le projet de décret qui avoit d'abord excité une sorte d'indigna

:

tion contre son auteur, fut adopté entière

ment cu ces termes :

ART. I. «L'Assemblée nationale décrète comme articles constitutionnels ce qui suit :

» Le droit de la paix et de la guerre appartient à la nation.

«La guerre ne pourra être décidée que par un décret du corps législatif, qui sera rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et ensuite sanctionné par sa majesté.

II. « Le soin de veiller à la sûreté extérieure du royaume, de maintenir ses droits et ses possessions, est délégué au roi par la constitution de l'état. Ainsi lui seul peut entretenir des relations politiques au-dehors, conduire les négociations et choisir les agens, faire des préparatifs de guerre proportionnés à ceux des états voisins, distribuer les forces de terre et de mer, ainsi qu'il le jugera convenable, et en régler la direction en cas de guerre.

III. Dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, d'un allié à soutenir, d'un droit à conserver par la force des armes, le pouvoir exécutif sera tenu d'en donner, sans aucun délai, sa notification au corps législatif, d'en faire connoître les causes et les motifs; et si le corps législatif est en vacance, il se rassemblera sur-le-champ,

IV. » Sur cette notification, si le corps législatif juge que les hostilités commencées soient une aggression coupable de la part des ministres ou de

« PreviousContinue »