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ET CONSTITUTION

FRANÇOISE.

CHAPITRE PREMIER.

Plan d'invasion des réfugiés françois à Tu rin. Prise des forts de Marseille. Effervescence de Toulon. Affaire de Valence. Nouvelle tentative pour dissoudre l'Assemblée Nationale.

LA conspiration que l'on venoit de découvrir n'étoit qu'un fil d'une grande trame ourdie sur toute la France. D'une extrémité du royaume à l'autre on souffloit tous les feux de la guerre civile; de Strasbourg à Nisme, de Brest à Toulon, une fermentation alarmante agitoit tous les esprits. Le fanatisme secouoit ses torches, et les mouvemens combinés de l'aristocratie annonçoient un plan vaste et une correspondance Tome V.

A

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très-active entre ses agens. Deux foyers prin cipaux paroissent avoir existé alors l'un Turin, l'autre, plus redoutable, dans le sei de l'Assemblée nationale elle-même. Quel ques désordres prirent aussi leur source dan l'excessive défiance que devoient nécessaire ment inspirer au peuple les tentatives san tesse renaissantes de ses ennemis, et les fan tômes dont ses faux amis ne cessoient de l'épouvanter.

par

Les réfugiés de Turin avoient de grands projets sur les provinces méridionales; ils ne pouvoient renoncer à l'espérance d'entraîner dans la ligue anti-révolutionnaire le roi de Sardaigne, et de faire entrer les troupes piémontoises par Embrun dans le Dauphiné, Nice dans la Provence, dans le Lyonnois par la Savoie. Ils mettoient tous leurs soins à entretenir par tout l'effervescence, dans T'espoir d'augmenter le nombre des mécontens, de les voir accourir sous leurs drapeaux, et de se ménager des intelligences dans des villes qui pussent leur servir de places d'armes.

On se rappelle les troubles de Marseille, et les vexations que l'on fit éprouver à cette

ville après y avoir fait entrer, sous un vain prétexte, trois régimens d'infanterie et deux cents dragons. La nouvelle municipalité ne fut pas plutôt formée, qu'elle demanda au zoi l'éloignement de ces troupes qui lui faisoient ombrage. La scène extravagante que donna vers ce tems-là M. d'Ambers, colonel d'un de ces régimens, engagea les ministres à montrer quelque condescendance sur cet objet. Ce fougueux aristocrate, après avoir brutalement insulté la garde nationale, qui trop forte et trop généreuse pour se venger d'un frénétique, n'opposa à ses fureurs que le courage de la modération, osa saisir au collet le commandant du poste, lc défier de le suivre à la plaine avec toute la garde nationale, se vantant de la mettre en pièces avec une seule compagnie de ses soldats. Mais bientôt effrayé lui-même de cet excès de démence, que sa troupe étoit bien loin de partager, il se rendit à la municipalité pour y faire ses excuses, lui demander protection, et se mettre sous la sauve-garde de ces guerriers citoyens qu'il n'avoit pas eu honte d'injurier. Il ne voulut pas sortir de l'hôtel-de-ville, que l'Assemblée nationale

et le roi n'eussent prononcé sur son sort. Le prince indigné de ses transports de rage, ordonna de s'assurer de sa personne, et de l'enfermer dans une citadelle. Pour appaiser les Marseillois, on fit partir les dragons et Royal-Marine on les déchargea de plus du logement des deux autres régimens, donɛ l'un fut caserné dans des couvens de religieux, et l'autre en entier dans les forts.

Les commandans affectèrent de ne remplir cet ordre qu'un mois après l'avoir reçu. Cette lenteur déplacée fit naître des soupçons; la défiance augmenta lorsqu'on vit les préparatifs hostiles, les approvisionnemens qu'ils faisoient avec activité, les batteries dirigées sur la ville, et plusieurs autres manœuvres également propres à donner de l'inquiétude. Trente - sept paquets venant de Nice, et adressés à tous les commandans du royaume, saisis dans le même tems, redoublèrent les alarmes, et firent sentir la nécessité de prévenir, par un coup de vigueur, des complots évidens contre la liberté de

Marseille.

M. Doinct, sergent de la garde nationale, conçut le dessein de délivrer sa patrie des

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