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L'Egypte a sa garnison britannique habituelle se composant d'un régiment de cavalerie, d'une batterie de campagne et d'une de montagne, d'une compagnie d'artillerie maltaise, d'une compagnie du génie et de quatre bataillons d'infanterie. A Malte, se trouvent neuf compagnies d'artillerie, à côté de l'artillerie maltaise, trois compagnies du génie et sept bataillons d'infanterie; à Gibraltar, sept compagnies d'artillerie, quatre compagnies du génie et 3 bataillons d'infanterie; en Crète, un bataillon d'infanterie ; aux îles Bermudes, trois compagnies d'artillerie, trois compagnies du génie et un bataillon d'infanterie; le Canada a quatre compagnies d'artillerie, trois compagnies du génie et un bataillon d'infanterie; les Indes occidentales trois compagnies d'artillerie et trois bataillons d'infanterie; Ste-Hélène, deux compagnies d'artillerie et deux d'infanterie.

Malgré cette grande quantité de troupes réparties dans les diverses possessions, il en reste pourtant suffisamment dans les lles Britanniques pour former les trois corps d'armée actuels (le 4o corps va disparaître), chiffre auquel on se tiendra par motif d'économie et parce qu'il serait peut-être difficile de faire autrement. On y compte au total treize régiments de cavalerie, quinze batteries d'artillerie à cheval, quatre-vingt-dix batteries d'artillerie de campagne, trente-neuf compagnies d'artillerie de garnison, un assez grand nombre de troupes du génie, septante-huit bataillons d'infanterie et soixante-huit compagnies du train, sans parler de la milice, de la yeomanry et des volontaires, ni des services auxiliaires.

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On est en train d'essayer un nouveau fusil ou plutôt une modification du fusil actuel. Le canon du Lee-Enfield sera raccourci d'environ 12 cm. et l'on espère pouvoir remettre le nouveau fusil à toutes les armes. On a imaginé des rayures plus profondes vers la bouche, de façon à diminuer la résistance que rencontre le projectile à sa sortie du canon et à supprimer presque le recul. La culasse sera plus facile à démonter et mieux protégée contre la poussière; le guidon lui-même sera muni d'un petit appareil mobile, en acier, qui servira à le protéger. Il y aura trois longueurs de crosse pour les différentes tailles. C'est un fusil à magasin qui ne pourra pas être employé comme fusil à un coup, sauf pour la marine. Les paquets de cartouches en contiennent cinq ou dix.

Il est difficile de saisir la nécessité de la transformation du Lee-Enfield en une arme ne pouvant plus servir de fusil à un coup. La consommation des cartouches avec un fusil à magasin est déjà assez grande pour qu'il ne soit pas nécesssaire de l'augmenter par l'emploi exclusif du magasin. Il faut songer au nombre incalculable de balles tirées sans viser et vilipendées dans le feu de l'action et chercher plutôt à le réduire. Même si les soldats étaient des hommes parfaitement raisonnables et raisonnants, il serait

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imprudent de leur confier une arme qui leur permet de brûler en quelques minutes toute leur provision de cartouches. La discipline du feu doit en tout cas être parfaite et il est permis de douter que ce soit toujours le cas.

Le rapport annuel de l'inspecteur général du recrutement, major-général Sir Francis Howard, ne porte en 1903 que sur neuf mois, par suite d'une décision du ministre de la guerre qui fait partir l'exercice dorénavant du 1er octobre. Le nombre des recrues est inférieur à celui de la période correspondante de 1902, ce qui s'explique, paraît-il, par la diminution du recrutement pour les armes spéciales, celles-ci ayant suffisamment d'hommes. Naturellement l'infanterie en a bénéficié et le nombre des recrues enrôlées est plus que satisfaisant. Quant à la milice, sa situation est loin d'être brillante au 1er octobre, elle ne comptait que 89 743 hommes, c'est-à-dire 33 767 de moins qu'il ne faudrait. Sir Francis Howard termine son rapport en disant qu'il ne fallait pas s'attendre au maintien des chiffres élevés des années précédentes. Après la guerre, la diminution s'explique d'elle-même. D'autre part, on a partout été satisfait de l'état physique des recrues, presque partout elles ont reçu une bonne instruction civile et l'on pourrait croire que la classe recrutée est meilleure que les autres années.

C'est peut-être vrai, mais cela paraît exceptionnel; il est en effet difficile de comprendre qu'une pareille amélioration se soit produite en si peu de temps. Quoi qu'on fasse, dans une armée comme celle de la Grande-Bretagne, ce ne seront pas généralement les meilleurs éléments de la population qui entreront dans le rang comme simples soldats. La vie militaire a ses attraits, l'uniforme aussi, et bien des sans-travail ou des fainéants y trouvent une solution à leurs misères ou à leurs ennuis, sans compter qu'au bout de quelques années, il peut y avoir des chances d'obtenir une bonne place civile. Un fait certain, c'est la diminution du nombre des recrues. Cela pourra mettre un atout de plus dans le jeu des partisans du service obligatoire, qui se remuent dans le pays, où ils ont déjà fondé la « National service league », en s'inspirant des paroles de lord Salisbury : « La défense du pays n'est pas l'affaire du War Office ou du gouvernement, c'est l'affaire du peuple lui-même. »

Les travaux de la commission d'enquête sur la guerre sud-africaine ont fait ressortir les défauts de l'organisation du War Office et l'on a attribué à cette institution surannée et routinière la plupart des fautes et des erreurs commises. On aurait pu se croire au temps de la guerre de Crimée. Il fallait à tout prix changer cette organisation et le successeur du maladroit et impopulaire Brodrick, passé au ministère des Indes, M. Arnold-Foster, secrétaire d'Etat pour la guerre, s'est immédiatement mis à l'ouvrage. Une commission a été nommée et a proposé de créer un conseil d'armée sur le

modèle du conseil de la marine, de supprimer les fonctions de général en chef et de nommer un inspecteur général.

Le roi a donné son approbation à ces propositions et le gouvernement a décidé de les mettre à exécution.

Le conseil d'armée se compose du secrétaire d'Etat qui le préside, puis de quatre membres militaires, de deux membres civils (le sous-secrétaire d'Etat parlementaire et le secrétaire financier) et du sous-secrétaire d'Etat permanent, qui fonctionne comme secrétaire. Le premier des membres militaires a en quelque sorte les fonctions de chef-d'état-major général; on a nommé à ce poste le lieutenant-général Sir Nelville Gerald Lyttelton, qui a fait ses preuves en campagne en Inde, en Egypte, au Soudan et dans le sud de l'Afrique. Le second membre militaire, chargé des questions du recrutement, de la solde, de la discipline et des récompenses, est le major-général C. W. H. Douglas, ancien chef d'état-major de lord Methuen au Transvaal. Le troisième, qui s'occupe des fournitures, de l'habillement, de la remonte et des transports, est le major-général H. C. O. Plumer, et le quatrième membre, délégué à l'armement et aux fortifications, est le major-général Sir J. Wolf Murray, un officier d'artillerie.

Quant à lord Roberts, il disparaît avec ses fonctions. Les membres de la commission ont estimé qu'un général en chef ne pouvait pas subsister dans la nouvelle organisation et il en a été décidé ainsi. Il est vrai que le successeur de lord Wolseley n'a pas plus que celui-ci déployé de merveilleuses qualités dans l'administration de son commandement. Trompant les espérances qu'on avait mises en lui, il est resté passif, s'entourant de jeunes gens de l'aristocratie et ne daignant s'occuper que des officiers qui lui étaient particulièrement recommandés. Il n'a pas fallu longtemps au « héros du Kandahar » pour voir pâlir son étoile. Du reste, pendant la guerre sudafricaine, elle n'était déjà plus bien brillante; chacun savait à qui aurait dû revenir les honneurs de la campagne. Mais lord Kitchener a été expédié en Inde, ce qui a été un bien pour l'armée comme pour lui; il n'a pas à regretter les honneurs dont lord Roberts a été comblé.

L'inspecteur général des forces britanniques qui vient d'être nommé pour une période de cinq ans, est le duc de Connaught, désigné depuis longtemps pour succéder à lord Roberts. Le duc de Connaught a été remplacé dans le commandement du 3e corps d'armée par le lieutenant-général lord Greufell, commandant du 4 corps, qui cessera d'exister dès le 1er avril.

Les journaux ne parlent que de la guerre russo-japonaise, dans laquelle d'aucuns ne voient qu'un aspect du conflit anglo-russe qui doit éclater un jour ou l'autre. Nous n'en sommes pas encore là, quoiqu'il suffise de bien peu de chose pour que l'initiateur du tribunal de la Haye en vienne aux

mains avec l'Angleterre. Il faut dire que si l'expansion russe dans l'Extrême Orient gêne les Japonais et menace le commerce anglo-américain, l'empire indien se trouve également menacé par les agissements du colosse russe en Perse, vers l'Afghanistan et au Thibet. On peut donc facilement s'imaginer que les mouvements en Afghanistan, l'expédition du Thibet et l'alliance avec le Japon sont les diverses parties d'un programme de résistance et d'attaque contre l'expansion russe.

Quoi qu'il en soit, les deux missions pacifiques que le Dalai Lama a envoyées au tsar Nicolas ont inquiété lord Curzon, vice-roi des Indes, et ont engagé la Grande-Bretagne à chercher à son tour à étendre son influence dans ce pays inaccessible aux étrangers. Elle a envoyé pour son compte une mission dont on ne connaît pas bien le but. En tout cas, la colonne anglaise a rencontré mille difficultés dans la traversée de la chaîne de l'Himalaya en plein hiver. On a dû vêtir les soldats d'habits fourrés, leur donner des bonnets d'Esquimaux et même des lunettes de glaciers. La colonne s'est avancée lentement au milieu d'une population hostile et d'autorités mal disposées. Malgré tout, elle avance et l'Angleterre est bien décidée à persévérer et à faire entendre ce qu'elle veut, dût-elle employer la force. Reste à savoir si l'on pourra si facilement détruire l'influence russe au Thibet.

CHRONIQUE FRANÇAISE

(De notre correspondant particulier.)

Une série de livres.

Des livres! Beaucoup de livres! Trop de livres! Dans le tas, je vais en retenir quelques-uns les autres passeront à la bibliographie. Mais, quoique j'en élimine ainsi un certain nombre, ceux dont je vais m'occuper prendront sans doute toute la place dont je dispose. Donc, je ne parlerai aujourd'hui ni des changements apportés à l'organisation des grandes manœuvres (encore que je ne les enregistre pas sans satisfaction, étant donné qu'ils sont conformes sur bien des points à des idées que j'avais exprimées), ni de l'introduction dans l'enseignement de l'Ecole polytechnique, déjà surchargé de sciences, de trois leçons sur les rapports entre patrons et salariés, ni du choix de M. Fournière, ex-député socialiste, pour faire ces cours. ni de l'enquête ordonnée par la Cour de cassation sur ce qu'on appelle les << faux de l'état-major », ni d'une foule d'autres questions qui pourtant auraient droit à figurer dans cette chronique. Au surplus, je pense qu'elles ne perdront rien pour attendre, et que l'actualité les ramènera.

J'en viens donc, sans plus de préambule, à l'examen des quelques ouvrages que des considérations diverses m'ont déterminé à retenir.

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Et, d'abord, on comprendra que j'aie cru devoir lire avec une attention particulière les « Réflexions et souvenirs » que la guerre de 1870-1871 a inspirés au général Zurlinden 1. L'auteur n'est pas un personnage négligeable. Ancien commandant de corps d'armée, ancien ministre de la guerre, il a été l'objet de trop de discussions pour qu'on ne cherche pas dans ses écrits quelle espèce d'homme il est.

Si Buffon a eu raison de prétendre que le style, c'est l'homme, nous avons donc à faire à un homme bien quelconque. C'est comme il faut »>, propret, mais sans rien de personnel qui marque une individualité de quelque puissance. Aucune réflexion originale; aucune émotion vive, aucun sursaut de colère, d'indignation, d'enthousiasme. Le passage le plus touchant m'a semblé être celui-ci, qui se rapporte à la capitulation de Metz:

Au milieu de ces douleurs, j'étais très affecté à l'idée de livrer à l'ennemi mon compagnon de fatigues et de dangers, mon cheval d'armes Fritz. Je me rendis au préau afin de lui donner son dernier morceau de sucre. Le pauvre animal était en bon état grâce au fourrage que j'avais pu acheter assez cher parfois dans la ville de Metz. Il hennit gaiment quand il m'aperçut. Alors le cœur me manqua : je dis à mon ordonnance de le conduire hors de nos lignes, vers la Moselle, là où il y avait un peu d'herbe. << Vous l'abandonnerez. Les paysans français commencent à rentrer dans leurs fermes. Peut-être tombera-t-il entre leurs mains! »

Mon ordonnance était un Alsacien, silencieux. Je le croyais indifférent. Il éclata en sanglots. Je m'en allai. Moi aussi, j'avais les larmes aux yeux, et le

ceur brisé !

On voit que le général Zurlinden n'est pas inaccessible à l'émotion. D'autres endroits de son récit montrent qu'il ne manquait pas de crânerie. (On le savait, d'ailleurs, et par d'autres que par lui.) Mais en vain chercheriez-vous dans ces pages quelque chose qui sorte de la banalité, sauf peutêtre le nom de M. de Freycinet dans une énumération d'écrivains « qui appartiennent à l'armée », sauf une citation de Socrate qu'on ne s'attendait guère à voir paraître en cette affaire, sauf peut-être sur Gambetta, qui était un civil, des appréciations plus élogieuses qu'on n'eût pensé les trouver sous la plume d'un militaire militarisant.

Mais prenez, par exemple, les « dernières réflexions >> qui résument maigrement ce maigre volume, et voyez le peu que vous y trouverez.

Vous y lirez que Bazaine a été justement et légalement condamné; que, d'ailleurs, les gouvernements sont responsables de l'insuffisance des généraux qu'ils ont choisis; que le pouvoir doit donner aux commandants en chef des armées « non pas des avis, des conseils, mais des ordres fermes en ce qui concerne le but de leurs opérations, et l'époque où elles doivent commencer, tout en leur laissant toute initiative pour les moyens d'exécution »;

1 Paris, Hachette, 1904.

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