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16 000 hommes occupèrent des casernes et stations fortifiées. Port-Arthur reçut une forte garnison. Des paysans russes, soumis au service militaire naturellement, furent établis avec leurs familles le long de la ligne. On travailla fiévreusement aux fortifications de Port-Arthur, port de guerre, et au port de -commerce de Talien-wan, lequel reçut le nom de Dalny.

Lorsqu'en 1900 l'insurrection des Boxers s'étendit de Chine en Mandchourie, d'importants tronçons du chemin de fer mandchourien étaient prêts à l'exploitation et servirent à des transports de troupes. Cependant, la majeure partie de ceux-ci eurent lieu par eau.

Une sanglante répression mit fin à l'insurrection. Des garnisons sensiblement renforcées n'en demeurèrent pas moins en Mandchourie. La Russie, solidement établie sur les confins territoriaux de la Corée, flanquait la presqu'île de ses deux ports de guerre de Port-Arthur et Vladisostok et avait pris pied dans l'administration de l'empire, cela sans préjudice de nouveaux coups décisifs sur l'échiquier de l'Extrême-Orient.

Le 30 mars 1900, elle obtint de la Corée un dépôt de charbon à Masampo, à l'extrémité sud de la presqu'île, tout près de Fusan. On pouvait s'attendre à ce que ce dépôt de charbon se transformât avant longtemps en un port de guerre. Par là se trouveraient menacées les communications japonaises entre Schimonoseki et Fusan, et coupée la voie essentielle par laquelle pouvait s'exercer en Corée l'influence japonaise. D'une manière générale, une fois la flotte de guerre russe en état de s'appuyer sur Port-Arthur, Masampo et Vladivostok, le Japon, au point de vue maritime et stratégique, était coupé de la Corée.

Mieux encore. Au printemps 1903, un édit du tsar érigea un « gouvernement d'Extrême-Orient ». A sa tête fut placé l'amiral Alexeieff, avec titre de vice-roi. Alexeieff reçut des pouvoirs illimités, tant politiques que civils et militaires, aux fins, en lieu et place du tsar et en son nom, d'administrer la Transbaïkalie. le gouvernement de l'Oussouri, le Kwantung et les territoires. de protection du chemin de fer mandchourien.

Un pouvoir militaire despotique aussi indépendant, ayant derrière lui toute la puissance de l'Empire moscovite, ne pouvait que conduire très promptement à une politique d'annexion. Les circonstances le démontraient avec la clarté de l'évidence. Pas à pas, le Japon voyait refoulées ses prétentions sur la

Corée. Il lui fallait renoncer à tous ses espoirs ou partir en

guerre.

En principe, la diplomatie japonaise n'avait aucun droit à s'immiscer dans les conventions qu'il plaisait à la Russie de passer avec la Chine et la Corée. Mais elle n'eût pas de peine à découvrir un expédient. D'accord avec les Etats-Unis et l'Angleterre, elle conclut avec la Chine des traités de commerce. En vertu de ceux-ci, la Chine, usant de ses droits de souveraineté sur la Mandchourie, ouvrit au commerce de toutes les nations les deux villes de Moukden et d'Antung. Une convention de ce genre permettait au Japon, en s'appuyant diplomatiquement sur les deux autres puissances, de contraindre la Russie à déclarer jusqu'à quel point elle reconnaissait la souveraineté de la Chine en Mandchourie.

La Russie ne se sentait pas prête à la guerre. D'autre part, l'idée d'abandonner la moindre parcelle des avantages acquis n'effleurait pas son esprit. Elle répondit évasivement et s'efforça de tirer les négociations en longueur, tout en renforçant ses garnisons en Extrême-Orient et complétant ses approvisionnements de guerre... jusqu'au jour où le Japon perdit patience.

Le 5 février, contraint par l'opinion publique au plus haut point surexcitée et prête à la révolution, le gouvernement japonais rompit les relations diplomatiques avec la Russie.

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Le jour où les forces militaires japonaises, organisées sur le modèle européen, auront atteint leur complet développement, l'Empire du Mikado, avec ses 46 millions d'habitants, disposera d'une armée de 460 000 hommes en temps de paix et de plus d'un million d'hommes sur pied de guerre. Actuellement, deux choses lui font défaut pour atteindre ce résultat : les moyens financiers et un cadre d'officiers exercés.

Le Japon n'a sérieusement imité les armées européennes qu'à partir de 1872. A cette époque, les fondements de la réforme militaire furent posés par des officiers allemands: administration, organisation de l'armée, instruction, des unités supérieures

jusqu'au simple soldat, tout a été taillé sur le patron de la Prusse. Après la victoire de 1894 sur la Chine, les officiers européens furent congédiés; les Japonais se sentaient en état de voler de leurs propres ailes.

La base de la constitution militaire est le service général obligatoire et personnel. Toutefois, vu l'abondance du personnel, on ne retient, par motifs budgétaires, que la moitié des recrues utilisables. Le sort prononce qui doit servir et qui est renvoyé dans la réserve de recrutement.

Le Japonais passe sous les drapeaux de 20 à 22 ans; pendant les quatre années qui suivent, il appartient à la réserve de l'armée active; à 27 ans, et pour cinq années, soit jusqu'à 31 ans révolus, il figure dans la landwher (armée territoriale).

L'armée de campagne est répartie en douze divisions de ligne et une division de la Garde, celles-là recrutées strictement par arrondissements territoriaux, celle-ci levée sur l'ensemble du territoire national. Dans chaque division, l'infanterie forme deux brigades de deux régiments à trois bataillons; la cavalerie, un régiment à trois escadrons; l'artillerie, un régiment de deux groupes de trois batteries. Viennent en surcroît dans la Ire division et dans la garde deux régiments de cavalerie et trois d'artillerie utilisables, en cas de guerre, comme troupes de corps dans les formations de corps d'armée qui peuvent être constituées à ce moment-là. En troupes du génie, la division dispose d'un bataillon de pionniers à trois compagnies. Enfin les troupes de santé et les trains nécessaires. Quelques divisions possèdent des sections de mitrailleuses.

Ces diverses formations représentent pour l'armée de première ligne un effectif de 152 bataillons, 55 escadrons et 114 batteries, soit 132,000 fusils, 8200 sabres et 684 canons de campagne et de montagne.

Tenant compte de la nature du terrain tant en Corée qu'au Japon, on a formé dans l'artillerie de l'armée de campagne sept groupes de montagne, soit 21 batteries.

V'est pas comprise dans l'armée de campagne, mais pourrait marcher néanmoins après avoir été remplacée par des troupes de seconde ligne, une division de garnison de Formose.

Comme troupes de seconde ligne, le Japon dispose d'une landwehr mobile de ro4 bataillons, 26 escadrons, 52 batteries, 26 compagnies de pionniers et autant de compagnies du train.

En outre, lors de la mobilisation, on forme avec les hommes en supplément dans la réserve de l'armée active: 52 bataillons d'infanterie, soit un bataillon par régiment, 17 escadrons, 19 batteries, 13 compagnies de pionniers et 13 du train. Ces unités servent de noyaux pour l'instruction des hommes non exercés de la réserve de recrutement, dont le nombre pour l'armée de campagne peut être évalué à 150 000. Huit semaines environ après l'achèvement de la mobilisation, ces 52 unités, complétées peut-être par les éléments aptes du cadre de landwehr, peuvent être mobilisées en 52 régiments de réserve ou de marche. Les armes spéciales également, quoique en de moindres proportions, sont en mesure de constituer des formations nouvelles importantes, de telle façon que l'armée de campagne qui entre en action avec un effectif d'environ 180 000 hommes de première ligne, peut être portée à 300 000 hommes.

Les troupes exercées d'infanterie et d'artillerie sont à la hauteur, dit-on, des meilleures des armées européennes. La cavalerie serait de moindre valeur, le Japon ne possédant pas de cheval de guerre convenable. Cette lacune doit être comblée par des achats à l'étranger (en Hongrie et aux Etats-Unis). Mais bien qu'en ces derniers temps de tels achats aient eu lieu en nombre, la situation n'en a pas été sensiblement améliorée.

L'armement sort des fabriques nationales mais diffère peu des modèles allemands, pour l'infanterie aussi bien que pour l'artillerie.

Le système de défense fortifiée est en rapport avec la considérable étendue des côtes. Il est établi de façon grandiose et comporte l'armement d'artillerie cuirassée le plus moderne.

L'enseignement militaire supérieur est donné dans de nombreux instituts à la tête desquels l'Académie de guerre. L'étatmajor général est absolument à la hauteur de sa tâche.

Le développement de la flotte de guerre japonaise a marché de pair avec celui de l'armée de terre; c'est une conséquence impérieuse de la nature insulaire du pays; sans la supériorité sur la flotte ennemie, aucune entreprise continentale de quelque envergure n'est possible. Aussi bien le Japon bénéficie-t-il de la condition fondamentale d'une bonne marine de guerre. Une grande partie de sa population vit de pèche et de navigation. La flotte commerciale s'est développée à tel point qu'elle chiffre aujourd'hui par goo vapeurs et 25 000 voiliers.

La flotte de guerre japonaise est forte de 156 navires et transports. De ceux-ci constituent la flotte active:

Huit vaisseaux de ligne, desquels le Mikasa, l'Asahi, le Hatsuse et le Shihischima sont de nouvelles et puissantes constructions, avec un déplacement de plus de 15 000 tonnes. Six croiseurs cuirassés : l'Adzuma, l'Iwate, Idzumo. Atsama, Tokiwa et Yakumo, déplaçant tous plus de 9000 tonnes. Il faut y ajouter le Kassuga et le Nissin, de 7700 tonnes, achetés à Gènes et arrivés après les premières hostilités. 14 croiseurs protégés de divers tonnages, 22 canonnières, 15 contretorpilleurs et 65 torpilleurs. L'effectif du personnel de la flotte de guerre est de 1500 officiers et 28 000 hommes. Ces 150 bâtiments ont un tonnage total de 260 000 tonnes, et un armement de 134 pièces de grosse artillerie, 400 pièces d'artillerie moyenne, 930 canons à tir rapide. Les vaisseaux de ligne ci-dessus dénommés sont armés chacun de 4 canons de 305 et de 14 canons à tir rapide de 15 centimètres.

En 1894 déjà, la flotte de guerre japonaise, alors à ses débuts, a révélé son esprit de hardiesse et d'entreprise.

Comparé à l'Européen, spécialement au Russe, le soldat japonais est, comme on sait, de stature plus petite avec une apparence chétive, mais il est tenace, mobile, infatigable dans les marches aussi longtemps qu'il n'est pas chargé, sobre et d'une irréprochable discipline.

Les représentants des traditions guerrières de la nation sont les Samouraï, antique noblesse d'arme et de gouvernement, dont la révolution de 1872 a aboli les privilèges, mais qui, néanmoins, ne dépouilleront pas de longtemps leur influence sur la vie publique. On admet que les Samouraï comptent à peu près 400 000 familles et 1 million d'individus. Ils sont imbus des antiques traditions de chevalerie de leur caste, et ont hérité de ses membres le caractère guerrier, porté aux aventures, avec le mépris de la mort et l'esprit de sacrifice poussé jusqu'au fanatisme quand l'honneur national est en jeu. L'administration comme le corps des officiers et des sous-officiers est actuellement composé de Samouraï presque exclusivement.

A côté de ces qualités combatives, on prête au Japonais un patriotisme poussé jusqu'à l'insupportable vanité; son ardeur est souvent un feu de paille; envers ses ennemis, on lui re

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