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Les munitions des caisses servent à remplacer les cartouches avariées ou consommées dans de petits engagements. Les autres sont utilisées dans les combats importants. Au début de l'action, seize hommes par compagnie, soit un homme par escouade, ne conservent que leurs manteaux et leurs besaces et échangent leurs havre-sacs contre des sacs à munitions, qui sont à peu près du même poids. Chacun de ces hommes garde six paquets de cartouches pour lui et distribue les autres, environ seize par

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homme, à ses camarades, au fur et à mesure des besoins. S'il arrive que les porteurs de munitions ne puissent reprendre leurs propres sacs pendant plusieurs jours, leurs camarades

leur fournissent les effets et les vivres dont ils ont besoin. Les porteurs se réapprovisionnent au parc d'artillerie de la division. Ceux d'une troupe non engagée peuvent servir à ravitailler la ligne de combat. Si l'un d'eux devient indisponible, le sac à munitions est pris par un autre homme qui laisse son havre-sac en échange.

Il y a là une idée qui pourrait à l'occasion rendre de grands services. En cas de missions spéciales ou dans des circonstances particulières, il peut être utile pour une compagnie d'avoir quelques havre-sacs garnis de munitions, formant une réserve très mobile à disposition immédiate et remplaçant des paires de souliers ou des pantalons laissés en arrière sur les voitures du bataillon. Il n'y aurait pas grand inconvénient à ce que quelques hommes par compagnie fussent privés pendant quelques jours. d'un second pantalon ou de souliers de rechange; leurs camarades pourraient au besoin leur venir en aide.

L'instruction française relative à l'emploi de la voiture de compagnie prévoit la possibilité, exceptionnellement il est vrai, d'enlever du havre-sac de tous les hommes les souliers, guètres, brosses, trousse, chemise, etc. Avec ces effets, on confectionne un petit ballot qui remplace, dans la voiture, les munitions distribuées aux hommes.

Il reste à signaler quelques essais tentés récemment et de nouvelles propositions relatives au ravitaillement en munitions dans la ligne de feu.

10. Il y a longtemps déjà qu'on cherche à tirer parti, dans l'intérêt de l'armée, des qualités et instincts des chiens. On a essayé d'en faire des éclaireurs et des messagers, on a voulu tenter aussi de leur faire jouer un rôle dans la question du

ravitaillement. Voici la proposition faite, il y a quelque temps déjà, par un officier allemand:

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Chaque compagnie achète, au moment de la mobilisation, deux chiens de forte taille, destinés à être attelés à une charrette à deux roues, démontable, dont les différentes pièces sont transportées pendant la route sur le caisson à munitions du bataillon. Les chiens, tout harnarchés, ont leur place assignée derrière leur compagnie, sous la garde de leur conducteur.

Au moment du combat, les charrettes sont remontées, chargées chacune de 2880 cartouches, et les chiens sont attelés. Le sous-officier, chef du détachement des charrettes, les envoie en ligne successivement sur l'ordre du chef du bataillon. Chaque envoi à une compagnie correspond à un supplément de 14 cartouches par homme. Une charrette chargée pèse environ 169 kilogrammes. Les dimensions intérieures sont de 36 cm. en largeur, 58 cm. en longueur et 28 en hauteur. »

L'auteur de ces propositions y voit l'avantage d'un approvisionnement facile et rapide au moyen de petits véhicules peu visibles de loin; un seul homme par compagnie est distrait de la ligne de feu; la nourriture pour les chiens ne serait ni difficile à trouver, ni coûteuse.

Quel bel emploi guerrier pour tous les chiens-laitiers de l'Oberland! Le résultat des essais annoncés n'a pas été publié dans les revues militaires, et pour cause!

On signale cependant des essais nouveaux dans lesquels le chien deviendrait bête de somme et porterait les munitions sur le dos, au lieu de les remorquer.

11. Le premier-lieutenant von Donart, de l'armée prussienne, a fait récemment une proposition (Patronen verbrauch mit Munitions ergänzung im Gefecht. «Kriegstechnische Zeitschrift, » Berlin 1903, VI, p. 470) qu'il présente comme suit:

«Chaque compagnie laisse huit hommes auprès des caissons à munitions en qualité de pourvoyeurs. Ceux-ci rampent dans le terrain et s'arrêtent à 30 mètres les uns des autres, à distance de jet de pierre, établissant ainsi une ligne de relais entre les caissons et la ligne de feu. Chaque pourvoyeur est porteur d'un cordeau de 50 mètres, muni à l'un des bouts d'un morceau de plomb et à l'autre d'un mousqueton permettant d'y fixer une sacoche à munitions.

Dès que le pourvoyeur qui occupe le poste le plus rapproché

de la ligne de feu est arrivé en place, il donne le signal convenu; puis, il jette l'extrémité du cordeau munie du morceau de plomb dans la chaîne des tirailleurs, d'où l'on tire la sacoche à munitions. Après l'avoir vidée, on rejette en arrière l'extrémité du cordeau au pourvoyeur, qui y attache une nouvelle sacoche. La même opération se fait de pourvoyeur à pourvoyeur. Il s'établit ainsi sur toute la ligne de relais un va-et-vient depuis les caissons à la ligne de feu. »>

12. Enfin, dans un ouvrage récent (Versuch eines Kriegsbrauchbaren systems für den Munitionsersatz im Infanteriekampfe, Berlin 1903), le premier-lieutenant Othmar Kovarik propose encore un nouveau système :

« Si l'on veut, dit-il en résumé, arriver à assurer le ravitaillement en munitions de la ligne de feu, en risquant le minimum de pertes ou sans perte aucune, le plus simple serait d'effectuer cette opération au moyen d'une brouette poussée par un homme complètement protégé en avant, en haut et de côté. Cet homme pourrait ainsi facilement conduire un nombre important de cartouches jusqu'à la ligne de feu. Le retour s'effectuerait lentement à reculons, à la façon des écrevisses, mais cela n'aurait pas d'importance.

Des plaques d'acier de quelques millimètres offrent un couvert suffisant aux distances critiques pour le ravitaillement en munitions, c'est-à-dire jusqu'à 500 mètres et moins. La cuirasse Dove, portée par l'homme lui-même, plus légère que d'autres, remplirait le but cherché; on pourrait aussi supposer un armement protecteur fixé à la brouette. Ce château-fort pour tirailleur, démontable, pourrait à l'occasion rendre bien d'autres services, dit Kovarik. Il suffirait de deux de ces brouettes par bataillon.

Après ces systèmes pratiques ou fantaisistes, on verra éclore encore bien des projets plus ou moins utiles et plus ou moins réalisables, cherchant tous à assurer le ravitaillement de la troupe engagée au feu: on parle déjà de faire usage dans ce but de la transmission électrique et de l'automobilisme. Il paraît néanmoins bien peu probable qu'on arrive jamais à trouver un moyen qui réponde à toutes les circonstances et à tous les besoins et qui dispense l'officier de réfléchir, dans chaque cas,

quelle est la solution préférable pour atteindre le but; mais s'il veut opérer un choix en connaissance de cause, un chef doit être au courant des divers moyens mis à sa disposition.

Eug. VUILLEUMIER, Capitaine à l'Etat-major général.

RÉORGANISATION

DE

L'ARTILLERIE DE CAMPAGNE

Les Chambres fédérales discuteront dans une de leurs prochaines sessions la loi réorganisant l'artillerie de campagne. On se rappelle que le Conseil fédéral avait préjugé la réorganisation dans sa demande de crédit pour l'acquisition du matériel. Le Parlement estima cette procédure inconstitutionnelle. Il exigea la disjonction de la question du réarmement et de celle de l'organisation, vota le crédit destiné à l'achat de 288 canons et des caissons nécessaires et réclama une loi soumise au referendum pour le groupement de ces 288 canons en unités de combat. C'est cette loi dont le Conseil fédéral a introduit l'étude par son Message du 11 décembre 1903.

Résumons le Message sans en respecter le texte, car il est conçu dans un français d'une lecture humiliante pour notre amour-propre romand. I pèche aussi par l'insuffisante ordonnance du plan, abuse des répétitions, se complait dans des explications vagues et des expressions imprécises.

La réorganisation complète des batteries est une conséquence du type spécial des nouveaux canons. Le projet de loi propose des batteries à quatre pièces, invoquant les motifs suivants :

Le recul sur l'affût permet aux pièces d'être plus rapidement prêtes à faire feu. La batterie exécute ainsi, dans le même temps, un tir d'une plus grande efficacité. Mais à cette plus grande efficacité correspond une plus grande difficulté de la conduite du feu, et d'une manière générale, de la direction de

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