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Voici maintenant le projet de Loi fédérale sur la réorganisation de l'artillerie de campagne, tel qu'il est soumis au Parlement. Le texte en sera naturellement amendé pour rédaction meilleure.

Art. 1or. Lors de l'introduction du nouveau matériel d'artillerie de campagne 7 cm., il sera formé, avec les hommes des batteries de campagne actuelles 8,5 cm., 72 nouvelles batteries à 4 pièces.

Les cantons fournissent comme jusqu'ici 48 batteries. Les 24 autres sont organisées par la Confédération. 2 à 3 batteries forment un groupe et 2 à 3 groupes forment un régiment d'artillerie de campagne.

On doit pouvoir toujours disposer de 800 coups par pièce au minimum.

Art. 2. La Confédération forme avec les hommes de l'artillerie de campagne passés en landwehr :

c) Le nombre nécessaire de compagnies de pare de landwehr.

Le Conseil fédéral est autorisé à répartir ces compagnies dans le pare mobile ou dans le parc de dépôt suivant les classes d'àge;

6) Les unités d'artillerie de position et de train des troupes sanitaires prévues à l'article 2, b et c, de la loi fédérale du 19 mars 1897.

Art. 3. Le Conseil fédéral fixe par ordonnance :

«). L'effectif en hommes et en chevaux des nouvelles batteries de campagne, ainsi que des états-majors des groupes et des régiments ;

b) Le nombre et l'effectif en hommes et en chevaux des compagnies de pare de landwehr;

e) L'effectif en voitures des batteries de campagne et des compaguies de parc, ainsi que la répartition de la munition entre ces batteries et compagnies.

Art. 4. Il sera institué, pour introduire le nouveau matériel auprès de la troupe et pour organiser les nouvelles batteries de campagne, des cours de cadres d'une durée de 8 jours et, immédiatement après les cours de cadres, des cours d'introduction de 18 jours.

Doivent prendre part aux cours de cadres : tous les officiers de l'artillerie de campagne, les sous-officiers supérieurs, les sergents canonniers et les pointeurs des batteries. Doivent prendre part aux cours d'introduction: les cadres susénumérés, puis les autres sous-officiers, les canonniers et les conducteurs des neuf plus jeunes classes d'àge. Les officiers supérieurs et les officiers attribués aux états-majors seront répartis entre les divers cours.

Ces cours se feront en lieu et place des cours de répétition ordinaires de l'année des anciennes batteries de campagne. Seront organisés, pour les manœuvres des grands corps de troupes pendant la période d'introduction, des cours de répétition d'une durée de 11 jours avec l'ancien matériel et des effectifs réduits. Y prendront part: les trois plus anciennes classes d'âge et les retardataires des batteries qui recevront le nouveau matériel pendant l'année.

Art. 5 et 6. Formule d'abrogation des dispositions légales contraires et formule d'exécution.

CHRONIQUES et NOUVELLES

CHRONIQUE SUISSE

L'officier

Les polémiques de la Zürcher Post. Conflits de compétence. d'état-major du Département militaire fédéral. L'initiative des vingt

millions.

L'année 1904 verra-t-elle se poursuivre les polémiques de presse et les attaques contre l'administration militaire? On pourrait le croire en constatant qu'après quelques mois de répit, le journal qui conduit la campagne recommence ses assauts aussitôt terminée la session d'automne des Chambres fédérales. Que s'est-il passé qui ait motivé et l'interruption et la reprise des hostilités?

Dans leur session d'été, les Chambres fédérales n'avaient pas achevé l'examen de la gestion du Conseil fédéral; entre autres, elles avaient ajourné à l'automne la discussion sur la gestion du Département militaire. Fortuit ou calculé, cet ajournement était heureux; il laissait aux esprits le temps de se calmer, et aux passions un moment surexcitées l'occasion de s'éteindre pour permettre plus d'équité dans l'observation de faits dont on avait grossi démesurément l'importance.

Devant cet ajournement, l'écrivain militaire de la Zurcher Post avait momentanément désarmé: il comptait sur la discussion qui s'engagerait dans la session d'automne pour pulvériser ceux auxquels il voulait mal de mort. Il fut déçu dans ses espérances; la discussion resta on ne peut plus calme. Le seul incident saillant fut le discours de M. le conseiller fédéral Müller, chef du Département militaire, annonçant que le Département poursuivait la préparation d'une nouvelle loi militaire, qu'il avait fait siennes la plupart des propositions émanées de la conférence des commandants supérieurs, qu'il s'était rallié, bien que cela dût entrainer quelques inconvénients, à l'idée de la fusion des fonctions de Chef d'arme et d'Instructeur en chef, enfin, que ces projets, une fois l'accord réalisé entre les commandants supérieurs et le Conseil fédéral, seraient publiés, de telle façon que les cercles intéressés puissent en prendre connaissance, les discuter, et formuler eux aussi leurs vœux.

Ce discours, écouté avec la plus grande attention, ne fut suivi d'aucune discussion; les membres du conseil jugèrent, avec raison, que le moment n'était pas encore venu de délibérer, et qu'il fallait faire crédit au Département militaire et au Conseil fédéral du temps nécessaire pour l'élaboration des projets annoncés.

Quelques-uns ont conclu de ce silence que le Conseil national était gagné d'avance aux idées soit de la conférence des commandants supérieurs, soit du Département militaire. C'est une erreur, je crois. Certains membres de l'Assemblée fédérale n'accepteront, par exemple, le changement capital que constitue la fusion des fonctions de Chef d'arme et d'Instructeur en chef, qu'après s'être persuadés, par l'expérience poursuivie actuellement dans deux armes, et par les raisons péremptoires qui pourront leur être données, que cette solution est bien la meilleure, et qu'on ne pourrait pas substituer à l'état actuel, qui présente bien, il faut le reconnaître, certains inconvénients, une autre combinaison, celle par exemple de deux fonctions non subordonnées l'une à l'autre comme actuellement, mais coordonnées, par la création dans chaque arme de deux divisions aboutissant directement au Département militaire, et ayant leur sphère d'action et leurs attributions assez nettement déterminées pour parer à tout conflit.

Qu'on ne s'imagine cependant pas qu'un système, si perfectionné soit-il, et quelque minutieuses que soient les précautions dont on l'aura entouré, réussira à supprimer les froissements. Ceux-ci restent toujours possibles; seul un monarque absolu peut d'un geste ou d'un mot écarter toute opposition.

Le système qui a prévalu jusqu'à ce jour, du double gouvernement des armes par le chef de l'arme et par l'instructeur en chef, n'a pas attendu les événements de la dernière année pour montrer qu'il portait en lui des germes de conflits. L'article de la Zurcher Post du 9 décembre dit que depuis vingt ans déjà les hommes compétents connaissent ces inconvénients. Je crois qu'il y a plus longtemps encore.

La Revue militaire suisse a raconté1, d'après la Thurgauer Zeitung comment et pour qui la fonction de Chef d'arme de l'infanterie avait été créée. Feu le colonel Feiss qui fut, à cet égard, l'inspirateur de la loi, et qui convoitait cette fonction, s'était taillé la part large. Il n'entendait abandonner aucune parcelle du gouvernement de l'arme, pas même à l'instructeur en chef. Il n'est pas nécessaire d'être profondément initié à l'histoire des vingt premières années d'application, soit jusqu'à la mort du colonel Feiss, pour savoir l'influence prépondérante qu'il a exercée sur le développement de l'arme de l'infanterie et sur son instruction.

Je pense qu'entre le colonel Feiss et l'instructeur en chef, la lutte a dû

1N5 de 1903, Chronique suisse.

commencer dès l'année 1875, l'un défendant la part du lion qu'il s'était faite, l'autre luttant pour une autorité qu'on lui contestait.

Le premier instructeur en chef de l'infanterie fut le colonel Abraham Stocker; il conserva ses fonctions jusqu'à la fin de 1880. Cette date s'est gravée dans ma mémoire, parce qu'il s'y rattache des souvenirs personnels.

J'eus l'honneur de prendre part, l'automne de cette année-là, à la dernière école centrale, commandée par le colonel Stocker (l'Instructeur en chef de l'infanterie était alors le commandant des Ecoles centrales, auxquelles ne participaient, d'ailleurs, que des officiers d'infanterie); c'était une école centrale II. Le colonel Stocker, mû par des raisons de santé - il souffrait d'une maladie du foie qui lui interdisait presque complètement l'exercice du cheval et aussi, je pense, par les ennuis qu'il avait rencontrés dans la carrière, avait donné sa démission d'Instructeur en chef, pour passer au service de la Compagnie du Gothard comme archiviste.

Un soir, vers la fin de l'école, je me trouvais en compagnie de quelques camarades au restaurant Rufenacht peu d'officiers se souviennent encore de ce restaurant fameux, situé au bout du pont de l'Aar, et qui joua un rôle parmi les officiers qui fréquentaient alors la place d'armes de Thoune. Le colonel Stocker y vint ce soir-là accompagné de deux officiers supérieurs, instructeurs de Ire classe, qui lui étaient attachés comme chefs de classe; ces messieurs prirent place à la même table que nous. Je ne me souviens plus quel incident fit dévier la conversation sur la démission que venait de donner le colonel Stocker: mais à un moment, notre attention fut attirée par le ton qu'il prit; toutes les conversations cessèrent et nous pûmes l'entendre faire le récit des luttes qu'il avait dù soutenir pour défendre son autorité et créer à l'instructeur en chef de l'infanterie une autorité digne des fonctions qui lui étaient confiées. De cette conversation, il m'est resté l'impression que le colonel Feiss ne considérait pas, alors du moins, l'Instructeur en chef de l'infanterie comme l'officier destiné à exercer sur l'instruction de l'arme une influence prépondérante; il s'était attribué à lui-même le rôle décisif. Pour lui, l'instructeur en chef était, parmi les instructeurs d'arrondissement, une sorte de primus inter pares, dont les fonctions spéciales consistaient principalement à commander les écoles centrales et à maintenir, autant que possible, l'unité de vues dans l'instruction des divisions.

Les fonctions d'instructeur en chef, vainement offertes au colonel Coutau, alors instructeur d'arrondissement à la Ire division, qui les refusa obstinément sachant bien, je le suppose, ce qu'elles étaient, ces fonctions, dis-je, furent confiées au colonel Rudolf, qui quitta alors le commissariat central des guerres pour rentrer dans l'infanterie. Il savait à quoi il s'exposait ; il connaissait les inconvénients de la position, mais il l'accepta avec cette abnégation, cet oubli de soi-même qu'il mit en toutes choses. Néanmoins,

les luttes ne lui furent pas plus épargnées qu'à son prédécesseur et ceux qui, pendant cette période, ont vécu dans son intimité, pourraient en parler d'une manière pertinente.

Il faut reconnaître d'ailleurs que pendant que le colonel Rudolf fut en fonctions, les attributions de l'instructeur en chef de l'infanterie s'élargirent, soit que le chef de l'arme trop chargé, fut obligé de lui abandonner une partie de ses attributions, soit en conséquence des besoins nouveaux. C'est en effet au colonel Rudolf que remonte le développement des Ecoles centrales et l'on dut, pour lui laisser le temps de vouer ses soins aux autres occupations de son dicastère l'autoriser, d'abord à déléguer le commandement de certaines écoles à un instructeur de Ire classe, enfin, l'en exonérer complètement. Mais ceci sort de mon sujet.

Dès lors, l'importance de l'instructeur en chef de l'infanterie a sans cesse grandi, au détriment de celle du chef de l'arme et quand, après un intérim pendant lequel M. le colonel P. Isler, comme instructeur en chef, avait cumulé ces deux fonctions, celle de chef de l'arme fut, sur son refus de la remplir, confiée à M. le colonel Hungerbuhler, on aurait pu prévoir que des conflits étaient inévitables.

Si par une combinaison nouvelle on trouve le moyen de mettre un terme a un état de choses qui, sans souvent qu'il transpire rien au dehors, n'en exerce pas moins sur le gouvernement de l'arme une influence pernicieuse tant mieux. Mais en voilà assez, mes souvenirs personnels m'ont entraîné plus loin que je ne le voulais.

*

Dans son article du 9 décembre la Zurcher Post s'attaque encore à divers fonctionnaires et renouvelle ses appréciations sur le corps des officiersinstructeurs, principalement dans l'infanterie : l'esprit servile qui y règne et l'égoïsme éhonté avec lequel chacun ne songe qu'à son propre avantage. Je me propose de revenir dans une prochaine chronique sur ce sujet.

La Zurcher Post prend également à partie l'officier d'état-major du département militaire, Je crois qu'on est, en général, mal renseigné sur les fonctions de cet officier. Elles ne sont pas ce qu'elles étaient à l'époque où le poste fut créé et où, sous M. le conseiller fédéral Frey, il fut occupé pour la première fois par M. le colonel Weber. Cet officier était bien alors attaché au chef du département à titre de conseiller et de collaborateur.

Depuis le départ de M. le colonel Weber, les fonctions de l'officier d'étatmajor du département militaire ont, sauf erreur, complètement changé de

nature.

Antérieurement, ce qui concerne le service territorial se trouvait divisé entre le département militaire et le bureau d'état-major, en sorte que la direction de ce service manquait d'unité. Depuis, il a été entièrement concentré au département militaire et on en a chargé, exclusivement, l'officier d'état.

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