Page images
PDF
EPUB
[graphic]

REVUE MILITAIRE SUISSE

La compagnie cycliste du capitaine Gérard.

Collaboration des cyclistes avec l'infanterie.

Pour agir en commun il faut, sinon avoir les mêmes aptitudes, tout au moins ne pas posséder des qualités qui rendent toute collaboration imparfaite. Ce n'est pas le cas pour l'infanterie et les cyclistes. Ceux-ci sont créés pour marcher rapidement; c'est leur fonction, leur raison d'être. L'infanterie, au contraire, ne peut aller qu'à une vitesse moyenne de 4 à 5 kilomètres; comment concilier ces deux vitesses? Chercher à les accoupler constitue un non-sens.

Les unités cyclistes n'ont donc pas à agir en collaboration avec l'infanterie, mais simplement à lui venir en aide, dans le cas, par exemple, où des cavaliers n'auraient pu lui être adjoints pour l'exécution d'une mission quelconque, telle qu'une réquisition. Mais à l'esprit de qui viendra-t-il d'en affecter une à un bataillon pour une action commune? L'action d'un bataillon isolé ne dépasse pas un rayon de 3 kilomètres au maximum; or, que peut faire une unité cycliste dans cet espace? Vouloir l'employer comme réserve d'un petit détachement, la rattacher à une petite unité tactique, ce serait méconnaître les moyens propres que lui donne sa vitesse, puisqu'à un petit détachement correspond nécessairement un champ d'action restreint, d'où impossibilité pour une troupe douée de rapidité d'utiliser ses qualités spéciales. L'infanterie cycliste ne peut être qu'un organe d'armée, de corps d'armée ou, tout au plus, de division d'infanterie isolée.

Par contre, elle peut être appelée à agir isolément et se suffire à soi-même. Elle est tout indiquée pour s'emparer d'un point d'appui éloigné, pour tenir un défilé en attendant l'arrivée des avant-gardes, pour tenter un coup de main sur les derrières de l'ennemi, etc., etc.

Collaboration des cyclistes avec la cavalerie.

Etant données les masses actuelles, le danger de diriger des troupes dans une fausse direction, le danger de frapper dans le vide, est tellement grand que tous les règlements français et étrangers attachent une très grande importance à la nécessité d'obtenir des renseignements-positifs ou négatifs-plus minutieux et plus

1904

33

[ocr errors]

complets qu'autrefois. Cette mission est en partie attribuée à la cavalerie. D'après notre Service en campagne, les avant-gardes doivent également procurer aux commandants les renseignements définitifs qu'il lui faut pour agir en connaissance de cause. « On s'engage partout, et puis l'on voit », a dit Napoléon.

Mais, en raison de l'armement moderne, l'exploration par la cavalerie devient très difficile; quant à la reconnaissance par les avant-gardes, elle implique déjà l'idée que l'on est sur la bonne piste, et qu'il suffit de recueillir un supplément d'informations pour pouvoir se décider à propos, soit à s'engager, soit à rompre.

C'est donc à la cavalerie que revient la tâche délicate de déterminer l'emplacement de l'infanterie ennemie, ou la position, l'étendue et la profondeur de ses lignes de marche; à elle aussi d'en conserver le contact. Mais le peut-elle, à elle seule ? Des reconnaissances d'officiers bien dirigées réussiront peut-être à traverser les mailles du réseau adverse, mais elles se trouveront arrêtées dès qu'elles arriveront au contact. Et cela pour la raison bien simple qu'un fantassin isolé est supérieur à un cavalier. Si on veut que la cavalerie puisse fournir les renseignements. qui lui sont demandés, il faut done non seulement lui apprendre à se servir de son arme à feu, mais encore lui adjoindre un organe nouveau qui lui permette de forcer l'entrée de la passe

ennemie.

En l'état actuel des choses, cet organe ne peut guère être qu'une troupe d'infanterie montée, dont la force dépendra de l'effectif du détachement de cavalerie auquel elle sera adjointe et de la nature de l'opération à exécuter.

Comment cette troupe opérera-t-elle ?

Avant de l'examiner, rappelons que, plus que jamais, les détachements composés des trois armes sabre, canon, fusil, seront seuls capables de remplir la mission qui leur sera assignée contre un ennemi manoeuvrier.

Ceci dit, supposons notre division de cavalerie loin de l'ennemi. Elle marche sur la route, précédée de ses reconnaissances en détachements de découverte. Or, nous savons qu'une colonne de cavalerie sur une route est en permanence dans la même situation que si elle traversait un défilé, car elle passe successivement sur un pont ou dans les rues d'un village, plus loin, dans un chemin sous bois, etc... ; à chaque instant, elle risque

d'être attaquée. Il lui faut donc pouvoir se déployer à la sortie de ces passages difficiles. Qui peut lui assurer le temps et l'espace dont elle a besoin? L'avant-garde. Mais elle marche vite. Il nous faut une troupe capable de la devancer, de gagner rapidement la sortie des défilés, de prendre position en avant, de s'installer par conséquent en tête de pont en des points tels que la portée de son arme tienne l'artillerie ennemie en respect, à une distance moyenne de 3 kilomètres du débouché, et d'où, par le croisement de ses feux, il lui soit possible d'interdire à la cavalerie ennemie les passages qui y conduisent. Eh bien, c'est aux cyclistes combattants que nous confierons cette mission ; ils sont seuls capables de la remplir sans gêner l'action de la cavalerie.

Allons plus loin encore.

L'ennemi est signalé. La division de cavalerie quitte alors sa formation de marche pour passer à une formation de manœuvre. La voici qui avance à travers champs en formation de marche d'approche. Que va devenir notre unité cycliste? Elle continuera à assurer le passage des coupures du terrain, voie ferrée, ruisseau, etc., qui sont aux champs ce que sont à la route les bois, les villages. Elle gagnera par les chemins aussi longtemps qu'elle le pourra, puis à travers champs, des points du terrain qui permettront à la cavalerie la traversée de ces coupures; elle sera la tête de pont volante de la cavalerie bondissant d'obstacle en obstacle pour couvrir le front.

Maintenant, l'ennemi est en vue c'est le combat. Quelle mission sera confiée à l'unité cycliste ? C'est bien simple: elle couvrira une aile, en assurant des points d'appui successifs à la cavalerie. Sous la protection du feu d'une partie de l'effectif, une autre fraction gagnera un point plus en avant favorable à l'emploi du feu, et ainsi de suite. La division tout entière dans la main du chef marche donc constamment accompagnée de forts points d'appui et elle se trouve couverte sur ses flancs pendant

le combat.

Si notre cavalerie est victorieuse, c'est la poursuite à outrance ; si l'état des routes le leur permet, les unités cyclistes gagnent l'ennemi de vitesse, l'inquiètent sur ses lignes de marche et s'emparent, par exemple, d'un défilé, de façon à lui faire perdre du temps et à permettre à la cavalerie de le désorganiser complètement.

« PreviousContinue »