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parce que j'ai pu me convaincre qu'il n'en discernait pas la portée: il n'en a vu que la surface.

Si les loisirs qu'ils vont avoir nous donnent deux confrères en la personne des généraux Langlois et de Négrier, ce seront donc deux confrères d'inégale valeur, dont l'un, même avec l'aide de son fidèle officier d'ordonnance, est quelqu'un, tandis que l'autre n'est guère qu'un miroir, et encore un miroir qui altère ce qu'il réfléchit... si même on peut dire de lui qu'il réfléchit !...

Quelqu'un qui est quelqu'un, c'est, me dit-on, le général Hagron, auquel son âge et les circonstances semblent assurer la succession du général Brugère. J'ai eu rarement occasion de le voir et je ne le connais pas directement, bien que m'étant trouvé avec lui, il y a huit ou neuf ans, aux grandes manœuvres. Il était alors colonel. Il a marché vite depuis général de brigade, général de division, commandant de corps d'armée (et quel corps d'armée!), membre du Conseil supérieur de la guerre, président du Comité technique d'état-major, généralissime éventuel !... Que d'étapes franchies en peu de temps !

Il est donc un sujet d'études du plus haut intérêt, et, comme je l'ai dit déjà, j'ai l'intention de suivre les manœuvres qu'il va diriger entre Evreux et Dreux, non loin de la région où se sont déroulées celles auxquelles j'ai pris part avec lui.

On annonce qu'il va y faire des expériences particulièrement dignes d'attention brigades mixtes, avant-gardes lointaines d'infanterie, jetées derrière la cavalerie à une journée de marche en avant du gros des troupes. Avec ma crainte des nouveautés, j'avoue que je ne vois pas ces tentatives d'un œil très favorable, et il paraît que l'état-major de l'armée n'en est pas non plus très partisan. Mais enfin il faut voir avant de se prononcer.

On nous promet encore d'autres tentatives relatives aux procédés de concentration et au système de ravitaillement. D'autre part, il paraît que nous verrons le 104 dans une nouvelle tenue et avec le havresac (ou l'absence de havresac) dont j'ai déjà parlé. Nous avons donc du pain sur la planche.

Je ne sais si, dans ma Chronique de septembre, je pourrai émettre un jugement sur toutes ces questions. Il est probable que, vu la date des manœuvres et l'époque à laquelle paraîtra la prochaine livraison, j'en serai réduit, comme les autres années, à vous envoyer hâtivement les impressions superficielles que j'aurai recueillies sur le terrain, sauf à réfléchir à ce que j'aurai vu, de façon à en tirer des conclusions que je rédigerai le mois suivant.

En tous cas, je prévois que la place me fera défaut pour m'occuper de

choses étrangères aux manœuvres, et je tiens à déblayer le terrain en me débarrassant, d'une façon d'ailleurs très sommaire, du tas de livres qui encombre ma table.

Voici un Maréchal Berthier par le général Derrécagaix (Chapelot). Bon ouvrage, sans grand éclat, un peu trop long, par endroits, encore que ce volume-ci ne nous mène pas au delà de 1804, ce qui nous promet un second tome, et peut-être un troisième.

Voici maintenant un récit de la Campagne d'Egypte publié à la librairie académique Perrin par le commandant Taffanel de la Jonquière. Ce sont des notes journalières prises au fur et à mesure des événements et à peine retouchées après coup par le commandant Doguereau. Celui-ci fut nommé général une vingtaine d'années plus tard, ce dont l'éditeur s'autorise pour mettre « général Jean-Pierre Doguereau », sur la couverture de son Journal. Je crois devoir signaler au commandant de la Jonquière qu'il encourt les foudres de ses supérieurs pour cette altération de la vérité. J'ai eu occasion d'apprendre, à mes dépens, hélas ! qu'on commet un abus de confiance (sic) en attribuant à l'empereur Napoléon des phrases prononcées par le général Bonaparte et qu'on se rend coupable d'indélicatesse (excusez du peu !) en écrivant que le maréchal Bugeaud a dit telle chose... qui a été dite par le colonel ou le général Bugeaud.

Mais laissons cette chicane, qui dénote un esprit quelque peu pointilleux, et venons-en à notre Doguereau. C'était un officier intelligent, aimable, spirituel, et il y paraît dans son Journal. Pion des Loches lui a reproché d'avoir <«<le ton haut, l'air tranchant et beaucoup de prétention. » A la lecture, rien de semblable ne m'a frappé. J'ai beaucoup apprécié, au contraire, la bonhomie du récit, une bonhomie qui n'est pas exempte de finesse. Mais j'ai surtout apprécié que le récit fût si véridique. L'auteur, vu dans son propre ouvrage et à travers les commentaires de son éditeur, inspire pleine confiance. Il me semble que c'est assez rare pour qu'on le signale.

De la maison Plon et Nourrit, j'ai reçu un Général Fabvier (sa vie militaire et politique) que je n'ai fait que parcourir, et dont je me bornerai à dire que l'auteur, M. Debidour, est un historien très sûr, comme chacun sait. Il a déployé beaucoup de conscience dans cette monographie, qui n'est pas un panégyrique, car il ne nous cache pas que son héros n'a pas toujours été heureux dans ses entreprises militaires. Il n'en a pas moins montré un talent d'organisateur, un don du commandement, une endurance extraordinaire, une intrépidité communicative, « qui lui valurent la confiance illimitée de ses soldats et l'admiration de ses contemporains. >>

Sa figure n'a rien de banal, dans ses déconcertantes contradictions. A la veille du coup d'Etat, il disait du prince président qu'il le croyait incapable

de s'emparer du pouvoir. Il en donnait la raison quelque peu ingénue que voici :

Je connais le serment du Président de la République. Il engage son honneur; cela me suffit. Et d'ailleurs je sais, et chacun sait, que le parjure ne peut pas être un degré au trône.

Plus perspicace, il écrivait en 1849 :

L'Allemagne ne nous cache pas que, aussitôt que son appétit sera éveillé par la conquête du Sleswig, l'Alsace et la Lorraine sont aussi dans sa pensée. Et deux ans après, c'est-à-dire vingt ans avant le traité de Francfort, il disait, à l'Assemblée législative :

Metz et Strasbourg, qui sont maintenant aux avant-postes, qui renferment des amas énormes de fusils, de canons, des fonderies, des dépôts de munitions de toute espèce, eh bien! tout cela est à la discrétion de l'ennemi le lendemain de l'invasion. Cependant, messieurs, ces deux provinces si patriotes et si belliqueuses de l'Alsace et de la Lorraine méritent qu'on s'en occupe. Il faut donc que vous y pensiez.

Ce pauvre Fabvier, au moment où M. Debidour entreprend de mettre en lumière sa personnalité, qui est remarquable, somme toute, il a la malechance d'être pris à partie par M. Georges Bastard, dans le livre un peu mince, encore qu'artificiellement épaissi, que cet auteur a consacré au Général Mellinet en Afrique, livre qui a paru chez Flammarion et que l'Académie vient de couronner.

Oui, Fabvier s'est permis de dire, parlant de Mellinet, qu'il était un « bel homme à succès, agréable et sachant conduire les hommes sans rigueur; superficiel et peu propre au commandement d'un régiment sérieux; d'une école peu solide et dangereuse pour l'armée. » Mal lui en prend d'avoir porté ce jugement sévère. Il est traité, à son tour, de « Polytechnicien », et, comme si cette écrasante appellation ne suffisait pas, M. Georges Bastard ajoute qu'il fit toute sa carrière dans les bureaux, sans action d'éclat ni blessure à son actif, et ne dut son avancement rapide qu'à la protection du maréchal duc de Raguse, dont il fut l'aide de camp. »

De la librairie Dunod, un gros volume intitulé Sciences et arts militaires. Au fond, ce n'est guère qu'un « Cours spécial d'artillerie » qui date un peu, mais qui n'en fait pas moins le plus grand honneur aux auteurs, car à priori ils semblaient les hommes les moins qualifiés du monde pour exécuter un tel travail. L'un d'eux, M. Emile Dardard, chevalier de la Légion d'honneur, officier d'académie, titulaire de la croix du mérite agricole, sous-ingénieur des ponts et chaussées, a appartenu à l'armée, en qualité d'officier d'administration, c'est-à-dire en qualité d'adjoint, comme on disait naguère, dans le génie territorial. L'autre, qui signe modestement X, est capitaine d'infanterie coloniale. Comment ce fantassin et ce sapeur sont-ils si forts en artil

lerie? Mystère. Pourquoi donnent-ils à leur traité d'artillerie le titre : Sciences et arts militaires? Autre mystère, que je renonce à éclaircir. Et je passe...

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Je passe de la territoriale à la réserve. Voici, de la librairie académique déjà nommée, un très louable travail : Impressions de réserve d'un vieil officier de réserve, par M. Paul Baubigny, lieutenant de réserve au 13a régiment d'artillerie.

Les jeunes camarades de ce vieil officier ne liront pas sans profit les conseils de leur aîné. Je les ai lus, pour ma part avec plaisir. Mais je ne vois pas qu'ils puissent intéresser des lecteurs étrangers.

De chez Daragon, enfin, un Napoléon homme de guerre, par M. Henry Houssaye. C'est du Liebig, c'est du Napoléon condensé. Savoureux d'ailleurs et substantiel, encore que certains éléments composants aient disparu dans la compression à laquelle l'éminent académicien a soumis son héros. On sait que je n'ai qu'une admiration médiocre pour le dit éminent académicien en tant qu'historien; mais il est évocateur des personnages, il sait leur donner un air de vie.

Au moment où les épreuves m'arrivent, j'apprends qu'un conflit s'est élevé entre le ministre de la guerre et le gouverneur de Paris. Lorsque celui-ci a eté nommé, j'ai dit qu'il était l'homme du président Loubet. J'ai ajouté que les circonstances lui assuraient une sorte d'inamovibilité (novembre 1903, page 858), de sorte qu'on envisageait qu'il pût impunément n'en faire qu'à sa tête. C'est ce qui a eu lieu. Il a fait élargir les officiers incar cérés à l'occasion de l'affaire Dreyfus (voir ma chronique du mois dernier. page 524). Il les a fait mettre en liberté, malgré le général André, dit-on. qui lui avait demandé d'attendre pour prendre une décision à ce sujet que le Conseil des ministres eût été saisi de la question.

INFORMATIONS

Vélocipèdes militaires.

SUISSE

Le Conseil fédéral a promulgué le 5 juillet 1904, une ordonnance concernant les vélocipèdes des sections de vélocipédistes.

Pour les cours d'instruction et le service actif, les vélocipédistes doivent fournir ou des vélocipèdes d'ordonnance ou des vélocipèdes conformes à l'ordonnance pour le diamètre des roues (65 cm.), la section transversale des jantes, les dimensions du cadre et le développement, et dont les autres parties ne nuisent pas à leur emploi pour le service.

Il est permis aux vélocipédistes qui ont fait leur école de recrues de vélocipédistes avant 1905 de fournir des vélocipèdes dont les roues ont 70 cm. de diamètre, à la condition que la section transversale des jantes soit conforme aux prescriptions du Département militaire fédéral, que le développement soit inférieur à 6 mètres et que le cadre ait des dimensions correspondantes à la sacoche d'ordonnance.

Les vélocipèdes d'ordonnance sont achetés par l'intendance du matériel de guerre et remis, sans pneumatiques, ni lanterne, ni appareil à signaux, aux vélocipédistes de l'élite pour la moitié et à ceux de landwehr pour la totalité du prix d'achat. La moitié du prix d'achat remis aux vélocipédistes de l'élite est un subside de la Confédération. La remise des machines a lieu dans les cours de vélocipédistes ou par l'intermédiaire des arsenaux canto

naux.

Les vélocipèdes d'ordonnance portent un écusson fédéral et un numéro, lequel est inscrit dans le livret de service.

La sacoche, les pneumatiques, la lanterne et l'appareil à signaux forment l'équipement du vélocipède. La sacoche est remise à l'homme comme équipement personnel. Les pneumatiques, la lanterne et l'appareil à signaux font partie du matériel de corps. Ils sont remis aux hommes à l'entrée au service et retirés au licenciement.

Il est interdit aux vélocipédistes de vendre, de mettre en gage ou de prêter les vélocipèdes d'ordonnance. Ils doivent les entretenir en état de servir en campagne, et les présenter aux inspections périodiques des armes et de l'équipement.

Lorsque le vélocipède d'ordonnance d'un vélocipédiste de l'élite n'est plus en état de servir en campagne, par suite d'accident ou de long usage, son propriétaire recevra en échange un autre vélocipède, c'est-à-dire, suivant le nombre des cours de répétition qu'il a encore à faire, ou bien une nouvelle machine pour la moitié du prix d'achat, ou bien une machine, provenant du matériel d'instruction pour la moitié de la valeur d'inventaire.

S'il est prouvé qu'un vélocipède d'ordonnance a été perdu par force majeure (incendie, etc.), la remise d'une nouvelle machine se fait aux mêmes conditions, même si l'on ne peut produire aucune pièce du premier vélocipède.

Lorsqu'un vélocipède d'ordonnance est détruit par suite de négligence dans l'entretien, ou disparaît par suite de vol, le vélocipédiste doit ou bien s'en procurer un autre en payant le prix d'achat ou la valeur d'inventaire, ou bien rembourser le subside de la Confédération. Toutefois, il lui est décompté dans les deux cas 50 centimes par jour de service fait avec sa machine.

Pour l'usage du vélocipède d'ordonnance en dehors du service, la section

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