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temps on a appelé à la tête de la marine le vice-amiral comte Montecuccoli, en l'élevant à la dignité de Conseiller intime.

Le comte Montecuccoli descend d'une ancienne famille italienne. Il naquit en 1843, à Modane. Son nom fut prononcé fréquemment lorsque, à la suite des troubles de Chine en 1899, il fut chargé du commandement de l'escadre formée en 'extrême-orient. Il eut l'occasion alors d'affirmer aussi bien ses qualités de commandant supérieur que son tact diplomatique comme membre du Conseil d'amirauté dans la conduite des négociations.

Le 25 octobre dernier est mort à Vienne après de longues souffrances le Feldmarschalleutenant Ritter von Brunner, qui, depuis 1895, occupait au Ministère impérial de la guerre, le poste de chef de section pour l'artillerie et le génie. Il a été remplacé par le général d'artillerie Ritter von Krobatin qui s'est montré orateur distingué lors des pourparlers des délégations.

Le nom de Brunner est si avantageusement connu, même à l'étranger, qu'il est bien permis de lui consacrer quelques lignes.

Brunner naquit en 1839. Il se distingua déjà au commencement des années 1860 comme lieutenant du génie lors de la fortification de Karlsburg et en 1866 au moment de l'équipement de la forteresse d'Olmutz, où il reçut des témoignages élogieux pour sa fortification provisoire d'un camp retranché. Plus tard, il déploie pendant de longues années son activité comme capitaine au ministère impérial de la guerre, où ses services aussi éminents que zélés lui font décerner en 1874 l'ordre de la couronne de fer de 3o classe. En 1879 il est appelé comme professeur à l'Académie technique militaire; en cette qualité le capitaine Brunner fit preuve de capacités pédagogiques particulières. Il assuma avec le meilleur succès l'enseignement de la fortification dans les cours pour officiers d'état-major de l'armée et de la landwehr.

Comme officier d'état-major Brunner fut directeur du génie à Trebinje. Plus tard dans la grande forteresse de Galicie Prgemysl, il eut l'occasion de mettre en pratique ses connaissances en fortification.

En 1894, il fut appelé de nouveau au Ministère impérial de la guerre, où, de 1895 à sa mort, il exerça les fonctions aussi importantes que pleines de responsabilités de chef de section.

Brunner s'est montré novateur dans le domaine de la fortification tant comme professeur que comme écrivain; il a particulièrement mis à sa place exacte la signification de la fortification dans la guerre de campagne. Il s'est montré partisan très décidé de l'union intime de la fortification du champ de bataille avec la tactique.

Pendant une longue série d'années, Brunner fut rédacteur de la Streffleurs Oester. milit. Zeitschrift, pour laquelle depuis 1884 il écrivit de nombreux articles tant sur la fortification que sur les questions militaires d'intérêt général. Après la chute de Strasbourg en 1870, il fut envoyé sur place

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avec mission de rédiger un rapport et il publia ses impressions dans une brochure intitulée: La défense de Strasbourg.

Brunner s'est acquis une certaine notoriété tant en Autriche-Hongrie qu'à l'étranger par ses livres devenus classiques sur la fortification permanente et sur la guerre de forteresse. Tous eurent de nombreuses éditions et furent traduits en hongrois, en français, en russe, en anglais, en roumain, en italien, en hollandais et en danois. Parmi ses autres publications, très nombreuses, nous ne citerons que la brochure sur une question discutée: Les fortifications peuvent-elles être prises d'assaut? Brunner y combat dans sa manière très précise et démonstrative les vues de Sauer et Scheibert qui tendaient à remplacer les méthodes d'attaque préconisées jusqu'ici par des assauts à l'improviste et l'attaque de vive force. Le siège actuel de PortArthur, les nombreux assauts infructueux des Japonais démontrent d'une manière péremptoire la justesse des vues de Brunner.

Le lieutenant-feldmaréchal Brunner était une illustration de l'arme du génie. Il appartenait à celle-ci corps et âme. Soit comme professionnel distingué, soit par son caractère avenant et aimable, il s'est acquis une place dans le cœur de tous ceux qui l'ont connu. Ils lui conserveront un souvenir ineffaçable.

Mérite aussi une mention spéciale dans les dernières mutations du généralat, le Feldzeugmeister baron Fejervary, nommé Capitan der neuen ungarischen Trabanten-Leibgarde. Cette garde a été déjà réclamée énergiquement à maintes reprises par les Hongrois comme partie intégrante de l'Etat hongrois avec une Cour indépendante; elle doit prochainement être créée.

Les travaux préliminaires d'organisation de cette nouvelle garde de corps royale hongroise sont terminés; elle consistera en 40 gardes avec plusieurs sous-officiers. On commencera par y faire permuter les gardes autrichiens qui sont citoyens hongrois. La nomination de 4 offi ciers de hau rang militaire qui lui sont destinés aura lieu prochainement. Auparavan on doit arrêter l'uniforme du corps.

Dans ma chronique de juin (p. 459) j'ai parlé d'une manière détaillée des modifications à l'équipement de l'infanterie qui doivent permettre une augmentation de la dotation en munition de poche sans accroissement du poids total de la charge du soldat. Dans la chronique d'août (p. 592) j'ai signalé les expériences de marches prolongées qui devaient avoir lieu avec ce nouvel équipement, dans la région du 9o corps. Ces marches devaient être faites par des effectifs sur pied de guerre.

La Militär. Zeitung annonce que les essais sont terminés. Les rapports sont déjà parvenus au ministère impérial de la guerre. Ils accusent un résultat excessivement satisfaisant, de telle sorte que l'on peut s'attendre à

ce que les modifications projetées soient introduites d'une manière générale. Ce serait, en résumé, les suivantes :

La dotation en munition de poche pour les appointés, fusiliers et chasseurs armés du fusil à répétition sera portée de 100 à 200 cartouches. Pour compenser le surcroît de charge en résultant, on diminuera les subsistances et vêtements portés par l'homme jusqu'à concurrence de 2 kg. 25. Le poids de la munition n'étant augmenté que de 680 gr., le soldat bénéficie d'un allégement de 1 kg. 57. Comme vous le savez, la diminution des rations de vivre et des vêtements a été obtenue sans que l'homme doive en souffrir.

On sait qu'un cours royal hongrois pour officiers d'état-major et un cours supérieur pour officiers subalternes, ont lieu dans l'armée Honwed comme dans la landwehr autrichienne. Leur but est indiqué clairement par leur nom même; le premier sert à la préparation de capitaines et Rittermeister pour les charges d'officiers d'état-major; l'autre procure l'enseignement des hautes sciences militaires aux officiers subalternes actifs, tout en servant de préparation pour l'entrée à l'école militaire de Vienne, où sont envoyés chaque année les dix meilleurs élèves.

D'après un communiqué du Reichswehr, on va maintenant former une école centrale d'officiers pour l'armée Honwed analogue aux écoles militaires d'officiers de l'armée commune 1. On s'est sans doute posé la question de savoir s'il n'y avait pas lieu d'organiser pour la landwehr royale hongroise une école de ce modèle dans chaque district de commandement. Mais considérant que les districts de commandement correspondent, à proprement parler, à une région de division d'infanterie seulement, que ces écoles sont fort coûteuses, demandent un appareil compliqué, et qu'elles éloignent du service de la troupe un grand nombre d'officiers, on s'est décidé pour une école centrale.

Y seront appelés de jeunes capitaines (Rittermeister) et des premiers lieutenants parmi les plus anciens. Ils seront instruits en première ligne des derniers changements et progrès dans tous les domaines de l'activité militaire. On doit aussi leur montrer la manière de rendre profitables leurs études privées. La longue durée de leur service leur ayant procuré suffisamment de pratique et de routine, ils seront à même de profiter mieux d'une instruction théorique et d'en appliquer les enseignements au service effectif.

1 Ces écoles se proposent d'augmenter les connaissances militaires des premiers lieutenants les plus anciens et de leur fournir une base d'instruction qui leur permette de se former, par l'étude privée, à de plus hautes charges. Chaque année dans chaque région de corps d'armée est organisée une de ces écoles d'officiers dont les cours durent du 1er janvier à fin juin.

Le cours supérieur pour officiers n'est pas préjudicié par l'organisation de l'école centrale.

Sans qu'auparavant rien n'en ait transpiré dans le public, le président du ministère hongrois, comte Tisza, surprit, le 12 novembre, le Parlement par la déclaration faite en séance publique que les troupes Honwed seraient dotées d'artillerie de campagne. La majorité témoigna par ses applaudissements démonstratifs, qu'elle voyait dans cette information une conquête nationale significative.

Quoiqu'il n'y ait pas encore eu à ce sujet de publication officielle, la création d'une artillerie de campagne Honwed ne fait aucun doute. Elle forme le pendant de la dotation en artillerie de la landwehr autrichienne. Les efforts nationalistes dirigés contre l'unité de l'armée auraient ainsi amené un résultat tangible, qui correspond à un renforcement fort appréciable de la force combattante de l'armée entière. On ne peut que le constater avec une entière satisfaction.

L'Armee Zeitung fait observer à juste droit que pour une fois nous sommes en présence d'une amélioration de notre armée causée par les tendances dualistes. Ce journal indique par le menu les raisons pour lesquelles ce progrès n'a pas été réalisé plus tôt. Nul n'eut pu prévoir, lors de la création des landwehr en 1867, que leurs corps de troupes égaleraient en valeur ceux de l'armée commune. Ce n'est qu'au cours des trois dernières décades qu'elles sont devenues ce qu'elles sont actuellement. Ainsi s'explique au moins en partie l'anomalie du manque d'une artillerie de campagne appartenant en propre aux landwehr. Un second motif, de nature politique, échappe absolument à la logique. On ne s'explique pas pourquoi nous marquons moins de confiance en la landwehr hongroise que dans les régiments de même nationalité de l'armée commune. Les hauts commandements des troupes de landwehr sont communs avec ceux de l'armée royale et impériale; le corps des officiers et les troupes prêtent le même serment que ceux de l'armée commune. Sur quoi pourrait-on done baser raisonnablement un moindre intérêt pour les troupes de landwehr? Il semble donc bien qu'il n'y ait jamais eu de motif valable d'infériorité, mais des préjugés, des souvenirs chauvins, sur lesquels on a eu, en certains lieux, de la peine à passer.

L'importance matérielle de la réforme annoncée ne peut être encore appréciée d'une manière exacte, d'après les informations officielles. On sait que dans Forganisation actuelle de l'armée, il était déjà prévu, pour les troupes de landwehr, des divisions d'artillerie, chaque corps étant pourvu dès l'abord de trois régiments d'artillerie divisionnaire, dont deux pour les divisions d'infanterie de l'armée commune et un pour les troupes de landwehr.

L'organisation de l'artillerie de landwehr pourrait donc éventuellement être la suivante: on séparerait en temps de paix déjà les 15 régiments d'artillerie divisionnaire nécessaires aux 8 divisions de landwehr autrichienne et aux 7 divisions de landwehr hongroise, et, ayant égard aux conditions nationales, on leur donnerait à chacune leur propre organisation.

En réalité, cette nouvelle formation d'une artillerie de landwehr pourrait se poursuivre en même temps que celle projetée de toute l'artillerie. De quelle manière cette dernière se fera-t-elle? Il est probable qu'aucune décision n'a encore été prise à cet égard dans les cercles dirigeants. En tous cas les articles parus à ce sujet dans quelques journaux suivant lesquels on doublerait les régiments d'artillerie de corps, et créerait 3 nouveaux régiments d'artillerie divisionnaire, ne paraissent pas basés sur une documentation sérieuse.

Etant donnée l'actualité générale de la question des boucliers de l'artillerie de campagne, on pouvait s'attendre à voir rechercher le meilleur mode de les combattre. Deux propositions ont été émises dans la livraison de novembre de la Danzers'armee Zeitung.

La première consiste, au moment où l'on passe du tir à obus au tir à shrapnel, à temper celui-ci de 50 à 100 pas de plus, cela surtout lorsqu'il s'agit de battre de grands boucliers fixés d'une manière rigide à la pièce (canon français, mod. 97). Le gros but que présente un bouclier de ce genre non seulement facilite le pointage mais l'observation des coups; d'autre part, plus grand est le but, plus croissent les probabilités d'atteintes. La résistance du bouclier en actionnant la fusée percutante provoque l'explosion du shrapnel dans la batterie même, c'est-à-dire au point le plus favorable à un effet matériel direct, auquel s'ajoute un effet moral indiscutable sur le personnel de la batterie.

Le second moyen réside dans l'emploi de shrapnels à segments, comme ceux dont se sert la marine contre les torpilleurs. Ces shrapnels tirés avec tempage normal contre des pièces protégées par des boucliers, bénéficient d'une probabilité de touché supérieure à celle des shrapnels ordinaires tempés trop longs. Si le nombre des fragments de ces shrapnels est moins grand que celui des balles du shrapnel ordinaire, ils ont par contre une force de pénétration bien plus grande. Aucun bouclier de pièce d'artillerie de campagne ne saurait leur résister. Les blessures qu'occasionnent ces fragments sont, il est vrai, aussi inhumaines que celles causées autrefois par les projectiles pleins tirés par des pièces non rayées. Ce n'est cependant pas une raison pour ne pas les employer.

L'introduction d'un bouclier sera probablement difficilement évitée, ne fût-ce déjà que pour ce motif d'ordre moral qu'il ne faut pas se sentir d'emblée en état d'infériorité vis-à-vis d'autrui, mais il faudra le construire

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