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été semées et avaient germé sous son règne, ne mûriront et ne seront moissonnées qu'après sa chute. Toutefois, si sévère que l'on soit dans l'appréciation de la politique religieuse alors suivie, il ne serait pas juste de confondre, dans une mesure quelconque, la monarchie constitutionnelle avec les gouvernements qui se sont faits les persécuteurs de l'Église. Rien de commun entre des hommes politiques qui voulaient sincèrement résister à la perversion intellectuelle, mais qui croyaient à tort pouvoir le faire avec la seule doctrine du «juste milieu qui, en déclinant, pour cette résistance, le concours des catholiques militants, s'imaginaient seulement écarter une exagération en sens contraire, — et les sectaires qui, à d'autres époques, ont poursuivi plus ou moins ouvertement une œuvre de destruction religieuse et sociale. Rien de commun entre les conservateurs qui, en face de questions toutes nouvelles, ont craint de s'engager dans des chemins alors inconnus, qui n'ont pas su devancer les préjugés régnants, pour inaugurer une réforme légitime, et les révolutionnaires qui prétendraient aujourd'hui revenir en arrière et supprimer les droits acquis. Ajoutons que, si le gouvernement du roi Louis-Philippe a eu le tort d'hésiter à accorder aux catholiques une liberté nouvelle, il leur a du moins toujours assuré, même quand il pouvait en étre gêné, l'usage des libertés publiques au moyen desquelles leur cause devait finir par triompher. Fait bien rare, la lutte, loin de l'échauffer et de le porter à la violence, ne faisait qu'augmenter son désir de pacification. Semblait-il parfois poussé par les circonstances à prendre des mesures vexatoires, il ne tardait pas à s'arrêter, par un sentiment naturel de modération, de bienveillance et d'honnêteté politique. En somme, ces années ont été, pour l'Église, des années de combats, non des années de souffrances. Bien au contraire, on aurait peine à trouver, dans ce siècle, une époque où les catholiques aient davantage ressenti cette confiance intime, cette impulsion victorieuse d'une cause en progrès, où surtout ils aient pu se croire aussi près de dissiper les malentendus qui éloignent l'esprit moderne de la vieille foi, et de résoudre ainsi le plus difficile

et le plus important des problèmes qui pèsent sur notre temps. Que ce gouvernement ait eu tout le mérite, et le mérite voulu, des avantages recueillis par le catholicisme sous son règne, nous ne le prétendons pas; mais on ne peut nier qu'il n'y ait été pour quelque chose, ne serait-ce que par le bienfait de ces lois et de ces mœurs sous l'empire desquelles le monopole et l'oppression ne pouvaient longtemps résister aux réclamations des intérêts et aux protestations des consciences.

Cette mesure et cette équité dans l'appréciation de la politique religieuse de la monarchie de 1830, les catholiques ne pouvaient pas l'avoir sur le moment, en pleine bataille. Ne voyant que ce qu'on tardait à leur accorder, ils s'éloignèrent chaque jour davantage de cette monarchie, à ce point que plusieurs la virent tomber sans regret ou même saluèrent la révolution de Février comme une délivrance. La justice n'est venue que plus tard, sous la leçon des événements et par l'effet des comparaisons. Quelques-uns cependant, et non des moins illustres, ne l'ont pas fait longtemps attendre. Dès juillet 1849, M. de Montalembert, qui avait été l'un des plus passionnés dans la lutte, mais dont l'âme généreuse ne supportait pas un moment la pensée d'être injuste envers des vaincus, se reprochait publiquement d'avoir poussé trop loin et trop vivement son opposition contre le gouvernement du roi Louis-Philippe, de n'avoir pas bien « apprécié toutes ses intentions et de n'avoir pas assez pris compassion de ses difficultés ' ». Un peu plus tard, il faisait remonter jusqu'à l'époque de la monarchie de Juillet l'origine et l'honneur de tous les succès remportés depuis par la cause catholique; il rappelait à ses coreligionnaires tout ce qu'ils avaient alors gagné, grâce aux libertés publiques, grâce à ce culte du droit, à cette horreur de l'arbitraire qu'inspirait le régime parlementaire. Et, dans le même temps, tandis que M. de Montalembert s'honorait par cet aveu, les conservateurs qui

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Discours sur la loi de la presse, du 21 juillet 1849, et lettre à l'Univers du 23 juillet.

* Des intérêts catholiques au dix-neuvième siècle. (1852.)

lui avaient, avant 1848, marchandé la liberté d'enseignement, éclairés par des événements redoutables, confessaient eux aussi leur erreur passée et la réparaient en faisant avec les catholiques la grande loi de 1850. Ne convenait-il pas de terminer par le spectacle de cette réconciliation l'histoire des luttes qui, pendant quelques années, avaient malheureusement séparé des causes et des hommes faits pour être unis? Aussi bien le rapprochement ainsi opéré entre le parti de la liberté religieuse et celui de la monarchie constitutionnelle a-t-il été définitif : rien depuis n'est venu le troubler, et tout au contraire a contribué à le rendre plus étroit.

FIN DU TOME CINQUIÈME.

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GÉNÉRALES DE 1842 (juillet 1841-juillet 1842)..

I. Que faire? M. Guizot comprenait bien le besoin que le pays avait de
paix et de stabilité, mais cette sagesse négative ne pouvait suffire.
II. Les troubles du recensement. L'attentat de Quénisset.
III. Les acquittements du jury. Affaire Dupóty. Élection et procès de

M. Ledru-Rollin. . .

IV. Ouverture de la session de 1842, Débat sur la convention des Détroits.
V. Convention du 20 décembre 1841 sur le droit de visite. Agitation
imprévue contre cette convention. Discussion à la Chambre et vote
de l'amendement de M. Jacques Lefebvre. . . .

VI. M. Guizot est devenu un habile diplomate. Ses rapports avec la prin-
cesse de Lieven. Lord Aberdeen.
VII. Mécontentement des puissances à la suite du vote de la Chambre
française sur le droit de visite. La France ne ratifie pas la conven-
tion. Les autres puissances la ratifient, en laissant le protocole ouvert.
VIII. Situation difficile de M. Guizot en présence de l'agitation croissante
de l'opinion française contre le droit de visite, des irritations de
l'Angleterre et des mauvaises dispositions des cours continentales.
Comment il s'en tire.

IX. Débats sur la réforme parlementaire et sur la réforme électorale.
Victoire du cabinet. Mort de M. Humann, remplacé au ministère
des finances par M. Lacave-Laplagne.

Pages.

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X. Les chemins de fer. Tâtonnements jusqu'en 1842. Projet d'ensemble
déposé le 7 février 1842. Discussion et vote. Importance de cette loi. 59
XI. Elections du 9 juillet 1842. Leur résultat incertain. Joie de l'oppo-
sition et déception du ministère..

CHAPITRE II. LA MORT DU DUG D'ORLEANS (juillet-septembre 1842). .
I. La catastrophe du chemin de la Révolte. L'agonie du prince royal.
La duchesse d'Orléans. ...

II. Douleur générale. Le duc d'Orléans était très aimé et méritait de

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